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À de très rares exceptions près (notamment pour le début et pour la fin du film), il n’y a pas de différence narrative sensible entre le scénario et le découpage : celui-ci est vraiment la fragmentation de celui-là en scenes qui suivent scrupuleusement l’architecture dessinée par le scénario. On note toutefois un certain flottement dans la présence ou non de certains acteurs, qui par exemple ne sont pas mentionnés dans le générique mais figurent dans le scénario, ou qui figurent dans le décou...

Fatty and the Broadway Stars est le titre d’un film de Roscoe Arbuckle de 1915 dont les copies ont été détruites et dont il ne reste qu’une des deux bobines aujourd’hui, parfaitement méconnue. À travers l’histoire de cette « ruine », Marc Vernet propose de reconstituer un « morceau d’histoire du cinéma ». Témoignage des grandes heures du comique muet américain (l’illustre Fatty, véritable star en son temps, fut le maître de Buster Keaton), ce film est aussi un document unique sur la production cinématographique de l’époque, puisqu’il met en scène un tournage, la vie des studios et de leur personnel. Par son enquête minutieuse, et grâce à la reproduction des images retrouvées du film et de divers documents d’archives, cet essai nous convie dans les coulisses d’une œuvre, d’une histoire et d’une industrie.

Notre ruine américano-norvégienne n’est heureusement pas si isolée que cela. On connaît l’histoire de la Keystone et la carrière de Roscoe Arbuckle, et depuis quelque temps on connaît un peu mieux, grâce aux archives conservées à Paris et à Madison, l’histoire de la Triangle. Mais Rob King et Steve Massa ont pu s’appuyer sur une autre archive, le fonds Mack Sennett, de la Margaret Herrick Library à Los Angeles où sont conservées, au titre de notre film, six sortes de documents imprimés, qui o...

L’ensemble des conflits empilés les uns sur les autres dans Fatty and the Broadway Stars se trouve annihilé dans l’incendie qui permet à la fois de confirmer le rôle de héros de Fatty (c’est lui qui sauve tout le monde) et d’affirmer la solidarité des artistes entre eux, puisque Fatty sauve aussi bien ses amis (Sennett), que ses opposants (Chester Conklin, par exemple) et la star qui l’a snobé (Ivy Criswaith). Il est vrai aussi que ce sont en retour les charpentiers qui sauvent Fatty en l’asp...

Que m’a dit la ruine ? Des choses bien connues, d’autres moins, d’autres enfin difficiles à cerner et à comprendre. Parmi les choses bien connues, le fait que ce cinéma des années 1910 a déjà largement disparu, physiquement, mais qu’il a aussi un peu disparu culturellement dans le sens où il ne nous parle pas immédiatement. Cela vaut aussi bien pour les noms de stars de l’époque, passées aux oubliettes entre variétés et cinéma, entre court et long métrage, avant même que le parlant ne remette...

Cette présentation cinématographique d’une grève des ouvriers du cinéma nous rappelle un très beau film de Charlie Chaplin, Behind the Screen, distribué le 13 novembre 1916 (soit près d’un an après le film d’Arbuckle) et dont le scénario semble tiré tout droit de Fatty and the Broadway Stars. Charlot est accessoiriste dans un studio où se tournent simultanément trois films : un film historique (en costumes de cour européenne), un film comique (avec force tartes à la crème) et un film policier...

Tout film est un métafilm (un film qui a le cinéma pour sujet), dans la mesure où le spectateur goûte toujours à la fois et en interrelation l’histoire racontée et le récit qui la porte, les affects et les moyens qui les produisent, la fiction et sa production, le film et le cinéma. Fatty and the Broadway Stars est un métafilm explicite puisque c’est un film Keystone parlant de la Keystone, produit par Mack Sennett qui s’y représente dans son propre rôle de patron de la firme, mais aussi parc...

Illisible ruine ? Je ne pars pas, il faut bien le reconnaître, de grand-chose. Un court métrage muet, oublié des histoires du cinéma. Deux petites bobines totalisant au mieux une vingtaine de minutes. Pire : de ces deux bobines, il n’en reste aujourd’hui qu’une seule (la deuxième). Encore cette affirmation est-elle surdimensionnée. La bobine rescapée n’est pas entière : il manque la fin, elle comprend de nombreuses sautes (certains plans manquent ou sont incomplets) et tous les cartons ont di...

Pour bien comprendre notre film, il faut un peu d’histoire et de géographie. En 1915, plusieurs choses se produisent dans le cinéma américain. Tout d’abord l’action engagée par William Fox contre le Trust, la Motion Picture Patents Company d’Edison, aboutit et conduit à la dissolution dudit Trust par décision de justice, ce qui libère le champ aux indépendants dont font partie Aitken, Baumann et Kessel. Ensuite, en mars 1915, Carl Laemmle installe définitivement Universal City au-dessus de Sa...

La répartition des acteurs dans l’histoire et dans le film n’est pas celle du titre. Il n’y a pas d’un côté Arbuckle et de l’autre les vedettes de New York : il y a Broadway, le cinéma, et la Keystone. Il est clair qu’il y a quelque abus de la part de Sennett à présenter comme « Broadway stars » un ensemble où l’on retrouve de toutes nouvelles recrues, venues comme William Collier Sr directement de Broadway, et des piliers de la Keystone qui travaillent avec lui depuis plusieurs années. Évide...

Dans la copie dont nous disposons, nous découvrons le bureau du producteur pour la première fois, alors que le scénario et une photo nous rappellent que Fatty s’y est déjà trouvé auparavant, tombé du ciel au début du film. Déjà, l’espace du bureau de Sennett était lié à celui du hall d’entrée : comme tous les autres lieux du film, celui-ci est divisé en deux (le bureau et le hall d’accès), de même que les plateaux étaient divisés en plateau pour les comédiens et plateau pour le caméraman, pou...

Notre ruine commence au plan 90 (environ), c’est-à-dire sur le plateau où œuvrent Weber et Fields dans un décor de salon de coiffure. La pièce est large et profonde, nettement éclairée, avec de nombreux accessoires : le gros aspirateur, la table de maquillage, et au fond d’autres meubles. ¶ Comme dans les sketches précédents, le film a distingué l’espace où se trouvent les comédiens-comédiens (qui interprètent un rôle de comédien) et l’espace où se trouvent les comédiens-techniciens (le camér...

L’année 2020 n’aura pas été une année de cinéma. C’est une évidence. Les salles de cinéma à travers le monde auront été fermées une grande partie de l’année. Et ni Christopher Nolan ni John David Washington ne réussiront à sauver les salles de cinéma, leur Tenet (UK/USA) démontrant les limites de la formule du « récit puzzle » dont l’intérêt principal réside cette fois dans des morceaux de bravoure montés à l’envers. Parmi les rares films sortis en salle, citons The Invisible Man (Canada/Aust...

Comprised of eight articles that focus on mainstream and even independent cinema from the silent era to the 21st century, this issue explores the creative possibilities of music in US-American cinema and aims to contribute to a renewal of methodological perspectives. In a day and age when film music and sound studies are increasingly paying attention to the history, technique and technology of sound film and sound design, the articles refocus attention on music itself in order to assess the continued relevance of the analytical tools developed in the classical studies of film music, in particular those developed by the Michel Chion-Claudia Gorbman-Karthyn Kalinak trio. The articles demonstrate the continued applicability of their tools, notably when it comes to analyzing a score’s structure or the relationship between music and image. But taken as a whole, they also single out areas that require more critical attention, including the praxis of creating film music itself and its central role in the filmmaking process, as well as the central role of silence in a film music score. The authors also emphasize that music is steeped in ideology and that its non-verbal quality endows it with political power. As a whole, the issue suggests that music in US-American cinema remains constantly open to invention and experimentation; classical Hollywood music refers more to a period than to an actual style or set of conventions. À travers huit études de cas allant du cinéma muet au XXIe siècle, majoritairement mainstream mais incluant des films indépendants, ce numéro explore les possibilités créatives de la musique dans le cinéma états-unien et vise à renouveler les perspectives méthodologiques. À l’heure des études sur le bruit sa texture ou sur le sound design, les auteur.e.s reviennent sur la musique elle-même et réévaluent la pertinence des outils proposés dans les étude classiques menées par le trio Michel Chion-Claudia Gorbman-Kathryn Kalinak. Les articles montrent la pertinence de ces outils, notamment quand il s’agit d’analyser les structures de composition ou la relation musique/image. Mais au fil des contributions émergent de nouvelles aires d’études qui s’avèrent indispensables, comme celle de la genèse de la musique et de son poids dans la création du film ou encore le rôle du silence dans la partition musicale. Les auteur.e.s pointent aussi la connexion essentielle entre musique et politique, notamment de par sa puissance non-verbale. Le numéro dans son ensemble suggère que la musique dans le cinéma états-unien reste constamment ouverte à l’invention et à l’expérimentation, comme si le classicisme hollywoodien, pour la musique, désignait plus une époque que des règles ou même un style.

Volume dirigé par Isabelle Schmitt et Julia Etcheverria.; International audience

International audience

Duel was unique among American made-for-television movies (TVMs) of the time in that, after a successful airing in the U.S., it found critical acclaim and respectable box office returns across Europe and Asia as a theatrical feature. Forty-five years on, Duel’s place as a TVM of unusually high quality is assured; it regularly tops internet lists of the “Best Ever TV Movie” variety, and its position is exalted in more sober and academic histories of the genre (Allen 1979; Marill 1987; Edgerton...

Underneath a deceptively smooth surface, the inhuman has been central to Spielberg’s films ever since Duel. The term can only be understood in its relation to its opposite: the human. The question “What is man?” is an old anthropological question, and this chapter does not, of course, claim to exhaust the subject entirely. Classical philosophy (up to but not including Nietzsche) does, however, provide some answers by defining one’s belonging to humanity according to five salient features. The...

Spielberg’s admiration for Norman Rockwell transpires in many of his films—roughly half of them ranging from 1941 to Bridge of Spies—mostly through his taste for retro America. He shares this passion with his longtime friend, George Lucas. The two have been collecting Rockwell’s work for decades, and their collections were displayed at the Smithsonian American Art Museum for an exhibition entitled “Telling Stories: Norman Rockwell from the Collections of George Lucas and Steven Spielberg” (Ju...

The release of a significant number of films with and about black people since 2011 has led to several publications on the changing “aesthetic politics of filming black skin” (Hornaday 2013; Martin 2014; Mudede 2015). As Ann Hornaday put it in a Washington Post article: “The fact that audiences are seeing such a varied, nuanced spectrum of black faces isn’t just a matter of poetics, but politics.” Using the cinematographers of these films as examples of the changing trend, these publications ...

It is possible to identify a recurring chaotic regime in Steven Spielberg’s films, and this regardless of the genre he is working in; though its intensity varies, it is expressed in multiple and contradictory ways through speech, figures, shape, scale and energy. As such, 1941, his fourth feature film, is an early oddity in Spielberg’s body of work, because it is the one that best expresses an interest in the sowing of chaos in familiar environments. One week after the attack on Pearl Harbor,...

Steven Spielberg: Hollywood Wunderkind and Humanist focuses on the most commercialy successful American director of his generation, from his early career at Universal Television to the Oscar-winning Lincoln (2013). The fourteen chapters deal as much with his major hits as with films that have received little critical attention like The Sugarland Express (1974), 1941 (1979) and The Terminal (2004). They address questions of ethics, ideology and identity politics recognized as central to the director’s œuvre, while seeking to make up for the lack of material on the films’ formal qualities and on the notable contributions they have made to classical Hollywood genres such as horror, science fiction and the war movie. This book contests the idea that Spielberg is a “naïve” director, a mere craftsman with an eye for composition and a natural talent for narrative economy. Instead, the book aims to foreground the work’s cohesion, its influences and self-consciousness, its steadfast inscription within the Western humanist tradition, and its resolve to engage with the contemporary and explore complex ethical issues through mainstream narratives, whether “serious” Oscar contenders or action-filled popcorn blockbusters, a dichotomy Spielberg has increasingly sought to blur.

The brief summary statement heading Variety’s review of Close Encounters of the Third Kind in November 1977 read: “Special effects overcome flawed story. Big outlook” (Murphy 108). The trade paper’s chief reviewer A.D. Murphy judged the film’s final quarter, during which its main characters assemble for a climactic encounter with a huge alien spaceship, to be “an absolute stunner, literate in plotting, dazzling in execution and almost reverent in tone” (109). By contrast, Murphy remarked, the...

Introduction: Sentimental Spielberg and Genre-mixing Spielberg essentially makes two very different types of films: adventure films (which by his own admittance combine well with popcorn consumption) and more serious fare. In the latter case, Spielberg looks for mature themes, historical or political content, worthy causes and noble characters and, above all, he tries to distance himself from his commercial products, which are oriented towards a more juvenile audience. However, the Manichaeis...

Spielberg has as much of a long-standing relationship with the horror movie as he does with sci-fi and the war movie. It is with horror that he made his breakthrough, on TV with Duel and at the movies with Jaws, and he has returned to the genre on a regular basis, both as a director (Jurassic Park, The Lost World, War of the Worlds) and as a producer (Poltergeist, Twilight Zone: The Movie, Arachnophobia, The Haunting, Jurassic Park III, Super 8, Jurassic World). Even scenes from movies that d...

This is a collected volume and, as such, it is team work. I’d like to start by thanking each author for the time and energy they put into their work. I am proud of what we have accomplished, and it has been an honor working with you. As a Spielberg scholar, Pascal Couté was very supportive from the outset and helped with the bibliography. The translators, Franck Le Gac and Caitlin Vanessa Smith, were especially efficient and reliable. Warm thanks are due to Claude Chastagner who encouraged me...

This chapter proposes a formal analysis of Spielberg’s two remakes: Always and War of the Worlds. The first is a remake of A Guy Named Joe (Victor Fleming, 1943), the second a re-adaptation of H.G. Wells’s 1898 novel and a remake of Bryon Haskin’s 1953 film. Taking remaking to be a form of intertextuality alongside adaptation and allusion, I consider Always and War of the Worlds as part of Spielberg’s broader practice of recreation. As a result, I explore how creation as recreation can inform...

From Minority Report to The Terminal: Surveillance Ideology and the Scope of Spielberg’s Commitment Judging from his filmography, and especially from the “trilogy of terror” (Hoberman 128) in which he “addressed the national trauma and the repressive political climate of the George W. Bush-Dick Cheney era” (McBride 487), Spielberg is particularly concerned by the rise of surveillance societies. As I have shown in previous research (Lefait 59–66), his vision of surveillance is at once politica...

Throughout his career, Steven Spielberg has depicted America as a haven for minorities with considerable onscreen patriotic sentiments, while garnering criticism for having often (and conveniently) rewritten history, omitted facts or changed them altogether (Pryce 1997; Mitchell 1998; Gates 1987). In this regard, the story of European-Jewish immigration and successful assimilation woven into the very fabric of the American Dream has been central to Spielberg’s oeuvre, together with the expres...

Spielberg has traditionally been dismissed by film critics as a commercial director associated with the rise of the Hollywood blockbuster in the late 1970s. His science fiction (SF) and fantasy films have often been framed as paradigmatic of everything that is allegedly wrong with his cinema. Robin Wood famously labeled his films “compensatory fantas[ies],” berating the “Lucas-Spielberg syndrome—films catering to the desire for regression to infantilism” (158, 155). In what is perhaps the mos...

Spielberg has always been a rigorous stylist of cinematic space, as his recent film Bridge of Spies once again illustrates. From the layered deep focus composite shots of Close Encounters of the Third Kind, to the malleability of the digital scenery of The Adventures of Tintin, the bold stage design of Hook and experimental editing of Saving Private Ryan, and the exploration of emblematic locations like the amusement park in Jurassic Park and the airport in The Terminal, this concern for spac...

Feature Films The Sugarland Express. Written by Hal Barwood and Matthew Robbins. With Goldie Hawn (Lou Jean Sparrow Poplin), Ben Johnson (Cattain Harlana Tanner) and Michael Sacks (Officer Maxwell Slide). Cinematography by Vilmos Zsigmond. Editing by Edward M. Abroms and Verna Fields. Music by John Williams. Universal Pictures, Zanuck/Brown Productions, 1974. Jaws. Written by Peter Benchley and Carl Gottlieb, based on Benchley’s novel. With Roy Scheider (Brody), Richard Dreyfuss (Hooper), Rob...

This paper’s aim is to understand to what extent the social evolution of Black people in the US has been mirrored on their representation in motion pictures. From slavery to the Black Power movement of the 1970s, African Americans became citizens and activists. From 1915 to 2019, mainstream films caricatured them in choosing White people to play their roles. Then, Blacks were denied or underestimated. All of that until a decade ago, a time from whence Hollywood has seemed to be ready to honor Black people and integrate them in the frame of its national mythology. In a nutshell, the present paper consists of an equating between cinema and historiography, in order to understand how African Americans’ representation is influenced by and provide input for social evolutions to build a collective memory.; Ce travail cherche à comprendre comment l’évolution de la place des Noirs dans la société étatsunienne s’est répercutée sur leur représentation dans le cinéma. Du temps de l’esclavage au Black Power des années 1970, les Africains-Américains sont devenus citoyens et militants. De 1915 à 2019, les films grand public les ont caricaturés, joués par des Blancs grimés, niés ou minimisés. Jusqu’aux dix dernières années, un temps où Hollywood semble enfin prêt à glorifier les Noirs et à les intégrer à une mythologie nationale. En somme, cette étude consiste à assimiler le cinéma à une historiographie, afin de comprendre comment la représentation des Africains-Américains nourrit et se nourrit des évolutions sociales pour fonder une mémoire collective.

Si les esclaves noirs ont toujours été représentés dans les films de plantation du cinéma hollywoodien, la traversée de l’Atlantique – le Passage du milieu – est quant à elle restée largement ignorée par les productions. Pensés par et pour un public blanc, les films adoptaient le plus souvent la perspective des maître.sse.s du sud de l’antebellum, neutralisant ainsi l’esclavage comme scandale historique. Le retournement du point de vue des colons blancs aux esclaves noirs dans le sillage de mouvements comme la blaxploitation permet l’apparition des premières images de la traversée transatlantique au tournant des années 1970‑1980. Deux séries de représentation du Passage du milieu émergent alors : l’adaptation télévisuelle de Racines (Roots, ABC, 1977), le roman historique d’Alex Haley et, plus tard, Amistad (Steven Spielberg, 1997). Palliant un manque criant d’images et s’appuyant sur des sources documentaires assez proches – les mémoires de Olaudah Equiano, notamment –, les deux productions sont pendant longtemps les seules à proposer des images explicites de la traversée. Elles s’imposent de fait comme des modèles de représentation, dont s’inspirent deux séries nord‑américaines sur l’esclavage en 2015‑2016 : The Book of Negroes (Clement Virgo, CBC, 2015) et le remake éponyme de Racines (Will Packer, History Channel, 2016). À travers ces quatre productions, cet article entend analyser les conventions de mise en scène de la traversée transatlantique dans les productions audiovisuelles américaines. Il propose, pour ce faire, de s’intéresser en détails au navire négrier, un décor souvent négligé au profit d’autres espaces typiques du récit esclavagiste, de l’Afrique paradisiaque au Vieux Sud, utopique ou décadent. Le vaisseau est d’abord perçu comme un lieu de violence extrême, dont l’architecture incarne le traumatisme physique et psychique de la commodification (la transformation des corps noirs esclavisés en objets à marchander). Pour autant, en dépit de sa violence, ce décor s’envisage également comme un lieu de résistance, voire comme un « lieu de mémoire » (Pierre Nora) : théâtre de la révolte, il rend aux esclaves noirs du cinéma et des séries américaines une histoire et des origines, et participe ainsi à la restauration de leur agency. Reste cependant à questionner le type de mémoire du Passage du milieu et de l’esclavage que fait émerger ce décor dans les productions cinématographiques et télévisuelles américaines : en ne s’attardant que sur la violence individuelle de la traversée, les films et séries analysés perdent de vue l’esclavage comme système, et participent ainsi à minimiser les responsabilités historiques des nations engagées dans la traite. While black slaves have often been portrayed in American plantation films, the Atlantic crossing has, on the contrary, been mostly absent from Hollywood movies dealing with slavery. Conceived for and by a white audience, these films adopted the perspective of the plantation masters or mistresses, thus neutralizing slavery as a system and historical scandal. Televised and cinematic images of the Middle Passage were not introduced on screen until the late 1970s, notably in two productions: ABC’s blockbuster Roots (1977), adapted from Alex Haley’s novel of the same name, Steven Spielberg’s Amistad (1997). Based on similar historical sources—including Olaudah Equiano’s memoirs—and filling a gap in the iconographic representation of the Middle Passage, these productions long remained the only ones offering images of the transatlantic voyage. As a consequence, they are still considered as ideal models to follow by contemporary representations of the Middle Passage such as those offered by The Book of Negroes (Clement Virgo, CBC, 2015) and the 2016 remake of Roots (Will Packer, History Channel). This article aims to analyze the aesthetic and narrative conventions of the Atlantic crossing in American movies and series through these four examples. In order to do so, it will pay particular attention to the slave ship, a hitherto unseen setting in American movies and TV series dealing with slavery. The vessel is first perceived as a deeply violent place, whose barbaric architecture embodies the physical as well as the psychological trauma of slavery and commodification. In both series, abducted black men and women are indeed shown enchained, moaning in pain or eating on the floor. As brutal as it is, the slave ship is also paradoxically a space of resistance where the African captives can defy the white gaze and the process of enslavement. Depicted as a site of rebellion, it helps restore the slaves’ agency as well as their geographical and historical origins and can thus be read as a “site of memory” (Pierre Nora). The double function of the slave ship in American movies and TV series nevertheless needs to be questioned: what type(s) of memory of the slave trade does it convey? Does it allow for a collective and institutional critique of slavery as a system or does it eventually displace national responsibilities upon a few individual shoulders? Si bien Hollywood siempre ha representado a los esclavos negros en películas dedicadas a las plantaciones, la travesía del Atlántico (Middle Passage) ha sido más bien ignorada en sus producciones. Pensadas por y para un público blanco, a menudo las películas han adoptado la perspectiva de los amos del sur del antebellum, neutralizando así la esclavitud como escándalo histórico. El cambio de perspectiva de los colonos blancos a los esclavos negros, siguiendo algunos movimientos, como pudo ser la blaxploitation, permitió la aparición de las primeras imágenes de la travesía transatlántica entre los años 1970 y 1980. En este contexto se realizaron dos series: la adaptación de Raíces (Roots, ABC, 1977), la novela histórica de Alex Haley y, más tarde, Amistad (Steven Spielberg, 1997). Frente a una flagrante carencia de imágenes, y sobre la base de fuentes documentales bastante próximas –las memorias de Olaudah Equiano, entre otros–, las dos producciones fueron, durante mucho tiempo, las únicas que proponían imágenes explícitas de la travesía. Se impusieron, de hecho, como modelos de representación que inspiraron dos otras series norteamericanas sobre la esclavitud en el 2015 y el 2016: The Book of Negroes (Clement Virgo, CBC, 2015) y una nueva versión de Raíces (Will Packer, History Channel, 2016). A través de estas cuatro producciones, este artículo se propone analizar las convenciones de puesta en escena de la travesía transatlántica en las producciones audiovisuales norteamericanas. Se interesa, en particular, en detalle por el barco negrero, un decorado que a menudo fue desatendido en beneficio de otros espacios típicos del relato esclavista, del África paradisiaca al Viejo Sur, utópico o decadente. El barco es primero percibido como un lugar de extrema violencia, en el que la arquitectura misma es parte del maltrato y encarna el traumatismo físico y psíquico de la commodification (la transformación de los cuerpos negros esclavizados en objetos mercantiles). Sin embargo, junto con esta violencia, el decorado es también abordado como un lugar de resistencia, incluso como un “lugar de memoria” (Pierre Nora): teatro de la rebelión, les devuelve a los esclavos negros del cine y de las series norteamericanas una historia y orígenes, y participa así en la restauración de su agency. Falta, sin embargo, cuestionar el tipo de memoria del Middle Passage y de la esclavitud que emerge de este decorado en las producciones cinematográficas y televisivas norteamericanas: al focalizarse sobre la violencia individual de la travesía, las películas y series analizadas pierden de vista la esclavitud en tanto sistema, y contribuyen así a minimizar las responsabilidades históricas de las naciones involucradas en la trata. Se os escravos negros sempre foram representados nos filmes de plantation do cinema de Hollywood, a travessia do Atlântico – o Middle Passage – permaneceu geralmente ignorada pelas produções. Pensados para e por um público branco, os filmes adoptavam muitas vezes a perspectiva dos senhores (as) do sul antebellum, neutralizando assim a escravidão enquanto escândalo histórico. A viragem do ponto de vista dos colonos brancos para os escravos negros deu-se na esteira de movimentos como a blacksploitation, dando lugar as primeiras imagens da travessia transatlântica na virada dos anos 1970 para 1980. Duas séries de representação da Middle Passage surgem então : a adaptação audiovisual de Roots (ABC, 1977), o romance histórico de Alex Haley e, mais tarde, Amistad (Steven Spielberg, 1997). Superando uma falta evidente de imagens e baseando-se em fontes documentárias relativamente próximas – nomeadamente as memórias de Olaudah Equiano –, as duas produções foram durante muito tempo as únicas a propor imagens frontais da travessia. Elas imporem, de fato, modelos de representação que inspiraram duas séries norte-americanas sobre a escravidão em 2015-2016: the book of Negroes (Clément Virgo, CBC, 2015) e o remake epônimo de Roots (Will Packer, History Channel, 2016). Através destas quatro produções, este artigo pretende analisar as convenções de encenação da travessia transatlântica nas produções audiovisuais americanas. Para isso, propõe enfocar em particular o navio negreiro, um cenário muitas vezes negligenciado em favor de outros espaços típicos dos relatos escravistas, da África edénica ao Velho Sul utópico ou decadente. O navio é concebido primeiro como um lugar de grande violência, cuja própria arquitetura encarna o traumatismo físico e psicológico da commodification (a transformação dos corpos negros escravizados em objetos mercantis). Assim sendo, e apesar de sua violência, este cenário apresenta-se igualmente como um lugar de resistência, e até como um lugar de memória (P. Nora) : teatro da revolta, ele dá aos escravos negros do cinema e das séries americanas uma história e umas origens, contribuindo assim para restaurar a sua agency. Falta, no entanto, questionar o tipo de memória do Middle Passage e da escravidão que este cenário faz surgir nas produções cinematográficas e audiovisuais americanas : ao insistir somente na violência individual da travessia, os filmes e as séries analisadas perdem de vista a escravidão enquanto sistema, contribuindo assim para minimizar as responsabilidades históricas das nações envolvidas no tráfico negreiro.

2019 aura surtout été l’année du cinéma non anglophone, avec quelques très grands films dont Portrait de la jeune fille en feu (France), quatrième long métrage de Céline Sciamma qui mêle merveilleusement féminisme, poésie et réflexivité, Douleur et gloire/ Dolor y gloria (Espagne) le nouveau métafilm de Pedro Almodóvar, et surtout le triomphe de Parasite (Corée du Sud, Bong Joon Ho) à Cannes et – plus surprenant et sans doute politique – aux Oscars, avec ce premier Oscar du Meilleur Film attr...

International audience

This doctoral dissertation aims at questioning the notion of subjectivity in the second half of Stanley Kubrick’s filmography. I explore the way the filmmaker, from 2001: A Space Odyssey (1968) to Eyes Wide Shut (1999), displays a myriad of reflexive effects which question the dynamics at the heart of both spectatorial and auctorial subjectivities (the presence of the latter infusing all the films of the corpus) and reveal how the films articulate a reflection on the relationship uniting (or separating) the subject and the world. I argue that the films, beyond their apparent diversity, all display an opposition between a subjectivity driven by a wish for simplicity, unity and homogeneity, and the complex, heterogeneous and polymorphous nature of reality. This analysis relies on a variety of methodological approaches – from narratology to psychoanalysis, philosophy or semiotics, from reception studies to actor studies – and also exploits resources available at the Stanley Kubrick Archives (University of the Arts London). This dissertation stems from the desire to exploit the various paths recently opened by Kubrickian scholarship (notably drawing on archival material) so as to provide a textual analysis fuelled by the findings of recent empirical studies. Thus, extra-filmic considerations such as the study of Kubrick’s persona or of the films’ production processes complete a textual analysis of the works themselves.; Cette thèse ambitionne d’interroger la notion de subjectivité dans la seconde moitié de la filmographie de Stanley Kubrick. Il s’agit d’explorer la façon dont le cinéaste, de 2001 : L’Odyssée de l’espace (1968) à Eyes Wide Shut (1999), fait montre d’une myriade d’effets réflexifs interrogeant, tant la dynamique au cœur de la subjectivité spectatorielle, que celle de l’entité auctoriale dont la présence surplombante s’irradie dans chaque film, et ce pour mettre à jour la façon dont l’œuvre de Kubrick se caractérise, par-delà sa grande variété de tons et de thématiques abordées, par une exploration sans relâche de la difficile relation qui unit, et parfois sépare, le sujet et le monde. Je suggère que chaque œuvre explore la relation entre une subjectivité portée par un désir de simplicité, d’homogénéité et d’unicité, et un réel complexe, polymorphe et ininterprétable. Cette analyse prend appui sur une variété d’approches méthodologiques (la narratologie côtoie la psychanalyse, la philosophie, la sémiotique, les études de la réception ou encore les études actorales) et tire également profit de l’importante ressource documentaire disponible aux Archives Stanley Kubrick (University of the Arts London). Elle résulte d’une volonté d’exploiter les voies ouvertes ces dernières années par la recherche kubrickienne, notamment grâce au travail en archives, pour offrir une analyse textuelle enrichie par cet apport. Ainsi, des considérations extra-filmiques telles que l’étude de la persona du cinéaste ou du processus de production des œuvres, viennent compléter l’analyse textuelle des films eux-mêmes.

En dépit des discussions sur l’avenir du cinéma, sur la place de Netflix et des autres plateformes, sur la mutation des modes de consommation et sur ce qui constitue un film à l’ère du numérique et d’Internet et du soi-disant post-cinéma, 2018 aura décidément été une année de haute tenue en termes de qualité de la production internationale, avec des films splendides comme Beoning (Corée du sud, Chang-dong Lee), Cold War (Pologne/UK/France, Pawel Pawlikowski), Leto (Russie/France, Kirill Sereb...

International audience

This collective work provides an engaging and deeply respectful approach to Steven Spielberg, one of the most commercially successful and at the same time critically despised filmmakers of his time. As its editor David Roche acknowledges in his introduction, he himself was reluctant at first to deal with a filmmaker who is recognized for his emotional manipulation and popcorn blockbusters (11). This initial reticence, which is probably common to many other scholars, is soon dispelled by a tho...