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Gift and methodological animism How tackle the environmental challenges we are facing if not by (re)forging an alliance with nature ? This paper advocates “methodological animism” and shows that such an alliance implies to “make community” with natural entities as much as with humans, and to do so, to view them as quasi-subjects, or rather as gift givers. As if nature was in actuality giving us something and thus was inviting us to establish a relationship of recognition and gratitude with it., Don et animisme méthodologique Comment faire face aux défis environnementaux sinon en (re)nouant alliance avec la nature ? Plaidoyer pour un « animisme méthodologique » , ce texte montre qu’une telle alliance suppose de « faire société » avec les entités naturelles tout autant qu’avec les humains et, pour cela, de les considérer comme des quasi-sujets. Plus encore, comme des sujets de don : comme si la nature nous donnait effectivement quelque chose et nous invitait ainsi à entrer avec elle dans une relation de reconnaissance et de gratitude., Don y animismo metodológico ¿ Cómo podemos hacer frente a los retos medioambientales si no es (re)fundando una alianza con la naturaleza ? Este texto defiende un “animismo metodológico” y muestra que tal alianza presupone que “formamos sociedad” con las entidades naturales tanto como con los humanos, y para ello debemos considerarlas como cuasi-sujetos. Más que eso, como sujetos de don : como si la naturaleza nos diera algo y nos invitara a entrar en una relación de reconocimiento y gratitud con ella., Caillé Alain,Chanial Philippe. Don et animisme méthodologique. In: Communications, 110, 2022. Vivantes interactions. pp. 87-98.

Croire aux fauves relate la rencontre, dans la région du Kamtchatka située à l’Est de la Russie, d’une anthropologue, narratrice du récit, avec un ours qui la défigure – une rencontre qualifiée d’« événement ». L’article étudie comment un sens parvient à se recomposer face à l’« impossible qui a eu lieu ». L’écriture de cette rencontre violente, à la croisée de la littérature et de l’anthropologie, conduit à « comprendre plus loin » ce qui peut lier les mondes humain et non-humain. Elle cherche à élucider les ressorts de cette expérience, créant du lien entre la narratrice et l’ours là où l’on pourrait ne voir qu’une béance de sens. Ainsi se construit un dialogue entre naturalisme et animisme. L’« événement-ours » les met en communication ; ils évoluent « côte à côte » plutôt que « face à face », affrontant les défis que pose la « crise de nos relations au vivant ». Croire aux fauves relates the encounter, in the Kamchatka region of eastern Russia, of an anthropologist, the narrator of the story, with a bear that disfigures her - an encounter described as an « event ». The article studies how she builds up meaning in the face of the « impossible that has taken place ». The writing of this violent encounter, at the crossroads of literature and anthropology, leads to « understand further » what can link the human and non-human worlds. She seeks to elucidate how this experience came to be, creating a link between the narrator and the bear, although we could only see a separation. Thus a dialogue between naturalism and animism is put in place. The « bear-event » links them ; they evolve « side by side » rather than « face to face », confronting the challenges posed by the « crisis of our relations to the living ».

Au sens le plus neutre, le chemin est défini comme une « voie reliant un point de l’espace à un autre » : rien ne spécifie qu’il soit à usage exclusivement humain. C’est l’un des grands intérêts du travail de Baptiste Morizot que de permettre d’explorer la notion de chemin et de cheminement en envisageant non seulement d’autres usagers que ceux de notre espèce, mais aussi d’autres formes de chemins relevant d’autres configurations physiques., In the most neutral sense, the path is defined as a “way connecting one point in space to another”: nothing specifies that it is for exclusively human use. It is one of the great interests of Baptiste Morizot's work to allow the notion of path and progress to be explored by considering not only other users than those of our species, but also other forms of paths relating to other physical configurations.

International audience; In the most neutral sense, the path is defined as a “way connecting one point in space to another”: nothing specifies that it is for exclusivelyhuman use. It is one of the great interests of Baptiste Morizot's work to allow the notion of path and progress to be explored by considering not only other users than those of our species, but also other forms of paths relating to other physical configurations.; Au sens le plus neutre, le chemin est défini comme une “voie reliant un point de l’espace à un autre” : rien ne spécifie qu’il soit à usage exclusivement humain. C’est l’un des grands intérêts du travail de Baptiste Morizot que de permettre d’explorer la notion de chemin et de cheminement en envisageant non seulement d’autres usagers que ceux de notre espèce, mais aussi d’autres formes de chemins relevant d’autres configurations physiques.

International audience; Forêt-Furieuse (2019), by Sylvain Pattieu, and Enfance d’un chaman (2017), by Anne Sibran are two stories of the forest in the sense that it occupies an essential place. But it's not the same place. Of these two recent works, we question the “novelty” with regard to the meaning conferred on the forest. And to the narrative: with what force does it manage to reconnect us with the world?; Forêt-Furieuse (2019), de Sylvain Pattieu, et Enfance d’un chaman (2017), d’Anne Sibran sont deux récits de la forêt au sens d’abord où celle-ci y occupe une place essentielle. Mais ce n’est pas la même place. De ces deux récits récents, on interroge la « nouveauté » en ce qui concerne le sens conféré à la forêt. Et au récit : avec quelle force celui-ci parvient-il à nous reconnecter avec le monde ?

Un peu moins de dix ans après sa création et au lendemain de l’arrivée des trithérapies, Act Up-Paris, association de lutte contre le sida issue de la communauté homosexuelle, se dote en 1997 d’un groupe interne dédié à la gestion de ses archives et autres ressources documentaires. Enquêter sur le dispositif mis en place par ce groupe amène à réfléchir aux différentes fonctions que peuvent revêtir l’archivage et la mémoire en contexte militant. L’Archive est une mémoire des morts, le lieu centralisant les traces d’actions passées qui témoignent des rapports de force face aux pouvoirs publics, espace d’apprentissage pratique et politique, facteur de continuité et de transmission entre générations. Jusqu’à ce que ce processus d’accumulation ne devienne un véritable « problème »… matériel. En 2013, Act Up-Paris est placée en redressement judiciaire. Face à la menace de sa disparition, le choix est fait de confier ses archives aux institutions étatiques. Or, ce sauvetage patrimonial n’est pas dépourvu d’ambivalence quant à son sens et à ses effets. Revenir aux manières de concevoir l’archive et la mémoire des militants et militantes d’Act Up-Paris permet justement de percevoir, au fil du temps, les transformations et les tensions dans lesquelles elles sont prises. In 1997, a little less than a decade after its founding, and just after the arrival of triple combination therapies, Act Up-Paris, an association created within the homosexual community to fight against AIDS, created an internal group for the management of its archives and other documentary resources. Investigating the set-up developed by the group raises questions about the different functions archiving and memory can serve in an activist context. The Archive became the memory of the dead, a place centralizing the traces of past actions that expressed the power relations with public authorities, a space for practical and political education, and a factor of continuity and inter-generational transmission. At least until this process of accumulation became a real material ‘problem’. In 2013, Act-Up Paris was near bankruptcy. Faced with the threat of its disappearance, the association chose to transfer its archives to public institutions, but the meaning and impact of this rescue of a cultural heritage remain ambivalent. Reviewing the ways the archive and the memory of the activists of Act-Up Paris were conceived allows us to perceive the transformations and tensions accompanying them over time.

Dans quelle mesure la mobilisation de la notion de générations futures, dans les domaines de la science, du politique ou encore des médias, contribue-t-elle paradoxalement à occulter les enfants et les jeunes d’aujourd’hui, en tant qu’acteurs de chair et d’os et dotés d’agentivité ? En quoi interroge-t-elle le rapport au patrimoine, et plus particulièrement la patrimonialisation comme processus d’appropriation et de transmission ? Après avoir situé les notions d’enfance et de génération, l’analyse de deux études de cas ethnographiques, fondées sur des travaux de terrain menés au Mexique et en France avec des enfants et des jeunes, permettra de confirmer notre hypothèse selon laquelle la notion de générations futures relève d’un discours a-historique à visée performative et sous-tendu par plusieurs présupposés conduisant à minorer la place et le rôle des enfants et des jeunes dans la patrimonialisation. To what extent does the use of the notion of ‘future generations’, in the areas of science, politics or the media, paradoxically help to eclipse today’s children and youth as flesh-and-blood actors endowed with agency? How does it question the relationship to cultural heritage, and more specifically, to the designation of that heritage as a process of appropriation and transmission? After preliminary remarks situating the notions of childhood and generation, we analyse two ethnographic case studies based on fieldwork with infants and young people in Mexico and France. These studies confirm our hypothesis that the notion of future generations stems from an ahistorical discourse with a performative aim and presuppositions that lead to reducing the place and role of children and young people in the process of heritage creation.

Ce texte issu de deux entretiens avec Michel Manson retrace son parcours d’historien de l’enfance. Il explique que, malgré les travaux de Philippe Ariès, les enfants restaient encore, au commencement de sa carrière dans les années 1970, singulièrement absents des préoccupations historiques. De l’Antiquité à nos jours, sont considérées les trois grandes thématiques auxquelles il s’est plus particulièrement intéressé, à savoir le jeu et le jouet, la littérature pour la jeunesse et les sucreries (les bonbons). Lors de ces entretiens, des photographies sur des trouvailles archéologiques, sur des objets, sur des peintures (Pierre Bruegel, Lucas Cranach…) ont été soumises à sa sagacité pour recueillir ses réflexions sur les osselets, les poupées, le cheval-bâton, la représentation de l’enfance et de ses jouets dans l’histoire de l’art, le passage du jouet écologique au jouet industriel, les scénographies des musées du jouet. This text, based on two interviews with Michel Manson, retraces his experience as a historian of childhood. He explains that at the beginning of his career in the 1970s, in spite of the pioneering studies of Philippe Ariès (1914-1984), children were still strangely absent from historical preoccupations. The three major themes which have particularly interested him are games and toys, literature for children and sweets, from Antiquity to the present day. During these interviews, he was shown photographs of archaeological finds, objects and paintings (by Bruegel the Elder, Lucas Cranach and others) in order to elicit his thoughts on knucklebones, dolls, the hobby horse, the representation of childhood and toys in the history of art, the passage from the ecological toy to the industrial toy and scenography in toy museums.

Qu’il s’agisse de sections mises en place au sein d’institutions muséales existantes (Muséum national d’histoire naturelle, Cité des sciences et de l’industrie, Historial de la Vendée) ou d’établissements entièrement conçus pour le jeune public (le Musée en Herbe, le Préau des Accoules, etc.), les musées pour enfants fleurissent aussi timidement que tardivement dans l’Hexagone, à considérer leur multiplication outre-Atlantique, et ce, dès la toute fin du xixe siècle. À l’heure où se forge le concept s’en distinguent en France les musées d’éducation ou musées pédagogiques, plus anciens, qui s’adressent quant à eux prioritairement aux enseignants, tandis que s’en rapprochent les musées scolaires. Ce faisant, l’étanchéité des modèles ne recouvrant pas celle des réalisations, les frontières se brouillent permettant l’émergence à Paris, au sein du Musée pédagogique, d’un musée des Poupées que fréquentent les enfants et où s’exposent, en miniatures, l’histoire et la géographie de la diversité costumière. Confrontant cette expérience singulière, dont le dénouement s’avère loin d’être prémédité, à celles menées concomitamment au Brooklyn Children’s Museum, premier du genre, l’analyse met en exergue l’enfance d’un certain sens du patrimoine, faisant la part belle à la participation et à l’expérience. Compared with the spread of children’s museums in North America – a phenomenon dating back to the very end of the 19th century – France’s initiatives, whether the special sections set up within existing museum structures (the Museum national d’Histoire naturelle and the Cité des sciences et de l’industrie in Paris, the Historial de la Vendée in the Loire region) or new institutions entirely conceived for young visitors (the Musée en Herbe in Paris, le Préau des Accoules in Marseilles, etc.) have been slow in coming. When the concenpt first emerged, educational museums, which were older and mainly addressed at teachers, were distinguished from the slightly later school museums created by pupils in class. These hermetically separate models did not necessarily correspond to the end results, however, and the blurring of the borders permitted, for example, the creation of a doll museum within the Musée Pédagogique in Paris, where children could discover in miniature form the history and geography of clothing styles. By comparing this singular experiment and its unanticipated outcome with those carried out at the pioneering Brooklyn Children’s Museum in New York, this analysis highlights the ‘childhood’ of a certain approach to cultural heritage that favours participation and direct experience.

Le 15 avril 2019, l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris provoque une émotion internationale. En France, cet événement surgit à l’intérieur d’un autre, tout aussi brûlant : le mouvement social inédit des Gilets jaunes qui bat son plein depuis cinq mois déjà. Le soir de l’incendie, une allocution présidentielle devait clore le « grand débat national » censé répondre à la contestation. L’incendie reporte l’allocution et importe l’émotion patrimoniale au cœur de la mobilisation sociale. L’émotion est d’emblée polémique et politique. Sur les réseaux sociaux puis dans la rue ou sur les ronds-points, les Gilets jaunes doivent réagir à l’événement et le prendre en charge dans leur agenda depuis leur position spécifique. Ces diverses réactions et actions illustrent l’inventivité propre au mouvement tout en offrant un observatoire sur les enjeux politiques contemporains du patrimoine. On 15 April 2019, the fire that ravaged the Notre Dame Cathedral in Paris provoked great emotion worldwide. In France, however, this event emerged within another one: the unprecedented gilets jaunes (‘yellow vests’) social movement that had been in full swing for five months. The evening of the fire, a speech by French President Emmanuel Macron was scheduled to close the ‘great national debate’ organised in response to the protests. The fire put the speech on standby and put heritage emotion at the centre of the social mobilisation. This emotion was immediately polemical and political: on the social networks, and then in the streets or at the roundabouts, the gilets jaunes had to react to the event and integrate it into their own specific agenda. These different reactions and actions illustrate the movement’s particular inventiveness but also offer an observation post for analysing the contemporary political stakes of the cultural heritage.

« Il est difficile de travailler dans une école qui n’a pas de mémoire. » Ces propos de Philippe Durey, qui dirigea l’École du Louvre avant de consacrer plusieurs années de recherches et d’écriture à ce livre éclairent le projet qui a été le sien et permettent de penser que la tâche de ses successeurs sera plus aisée, tant son ouvrage vient, de manière fort heureuse, combler un manque et donner une histoire à l’École du Louvre tout en lui rendant la mémoire. Certes, tout n’était pas inconnu ...

L’article considère le « frémissement patrimonial » que peut causer l’évocation des « parties de sonnette » (le jeu qui consiste à sonner à une porte, puis à déguerpir). De nombreux matériaux (petits films contemporains réalisés par les enfants eux-mêmes, évocations littéraires anciennes, dessins humoristiques d’albums pour la jeunesse, témoignages…) sont mobilisés pour considérer comment les enfants se jouent des adultes. Attesté depuis le xixe siècle, ce jeu a suivi les transformations des dispositifs sonores associés au seuil (heurtoir, cordon, sonnette électrique). Il n’est pas exempt de dangerosité (réelle ou symbolique), car c’est le piment de ce jeu d’enfants que de savoir que les « victimes » adultes peuvent s’exaspérer d’être dérangées. Par son ancienneté, par l’émotion qu’il suscite, ce jeu pourrait presque relever du « patrimoine » de l’enfance ; des romans régionalistes, des fêtes locales et des sites Internet de villages du Sud-Ouest, mettent d’ailleurs en avant la « tradition » équivalente du « tustet » ou du « martelet ». Plusieurs éléments concourent néanmoins pour que ce tout petit jeu n’accède jamais à une « inscription » patrimoniale. This article considers the ‘heritage quiver’ that can be caused by the mention of « ding, dong, ditch » (a game that consists of ringing at someone’s door and running off). Various materials – little films from the present day made by the children themselves, literary citations from the past, children’s cartoons, testimonies – are used to explore how children tease adults. Attested since the 19th century, this prank has followed the transformation of sound devices associated with the doorstep (knocker, string, electric doorbell). It contains its share of danger, whether real or symbolic, because children thrive on the knowledge that the adult ‘victims’ they disturb can loose their tempers. In its long history and the emotion it arouses, this game is almost part of the ‘cultural heritage’ of childhood. Indeed, regionalist novels, local celebrations and websites of villages in southwestern France highlight the equivalent ‘tradition’ of the « tustet » (with a door knocker). That said, several elements contribute to keeping this tiny little game from obtaining a place in the cultural heritage.

À partir des données d’une enquête menée sur les visites muséales enfantines, cet article avance l’hypothèse que le regard porté sur l’enfance constitue l’un des rouages non seulement de la mise en patrimoine mais aussi, et plus largement, d’une définition même de la patrimonialité comme outil politique d’une cosmologie occidentale. La mise en perspective de la visite de La Fabuloserie, musée d’art brut, et de celle du château de Versailles par des enfants de moins de 7 ans permet, à travers deux cas contrastés, d’envisager les conditions d’accès à la culture savante et la façon dont les adultes en intériorisent la valeur. Grâce aux tout-petits, destinataires de l’intention patrimoniale de parents, enseignants ou professionnels de la culture, apparaissent des formes de médiations spécifiques qui révèlent plus largement la place de l’enfance dans la mécanique de production de la valeur culturelle. Drawing on data from an enquiry on children visiting museums, this article suggests that childhood representations contribute to the identification of cultural heritage. More broadly, it considers heritage as a political tool of western cosmology. Comparing children under 7 years of age visiting museums – La Fabuloserie, a private museum in the French countryside devoted to Art Brut, and the royal Versailles palace – this paper observes conditions of children’s access to high culture and the way it is internalised by adults. Parents who expect their children to gain cultural knowledge, teachers who organize school visits, and culture professionals guiding them through a museum, thus allow us to discern specific forms of public outreach that reveal how childhood deals with mechanisms of producing cultural value.

Dans cet entretien mené par Sarah Gensburger, Monica Eileen Patterson met en avant un courant émergeant parmi les pratiques curatoriales que de plus en plus de musées, partout dans le monde, sont en train d’encourager : la curation par les enfants. Donner l’occasion aux enfants d’organiser des expositions profite de multiples façons aux musées qui cherchent à rendre leur offre plus vivante et stimulante, car le jeune public est expert en matière d’innovation, de créativité et d’interactivité. En prenant part de manière critique aux expositions organisées par les enfants, les universitaires, et de façon plus large les membres de la société, peuvent trouver un précieux aperçu de comment les enfants voient et vivent les choses. En tant qu’importants acteurs sociaux et détenteurs de savoir, les enfants ont beaucoup à apprendre au monde qu’ils habitent, pour peu que les adultes autour d’eux les écoutent. Dans cet entretien, Monica Eileen Patterson présente sa vision d’une nouvelle muséologie critique par les enfants, et le rôle essentiel que joue le curatoriat mené par les enfants dans ce domaine. Elle explique comment s’est développé son intérêt pour le sujet, les contributions que les enfants curateurs peuvent apporter à la pratique muséologique, et les défis rencontrés par les enfants et les musées lorsqu’ils s’engagent dans cette démarche. In this interview by Dr. Sarah Gensburger, Dr. Monica Eileen Patterson discusses an emerging subfield of curatorial practice being facilitated by more and more museums around the world: child curating. Creating opportunities for children to curate exhibitions offers many benefits to museums seeking to animate and enliven their offerings, for children are experts of innovation, creativity, and interactivity. By critically engaging with exhibitions curated by children, scholars and members of society more broadly can gain valuable insights into young people’s perspectives and experiences. As important social actors and knowledge-bearers, children have much to teach the world they inhabit, if only the adults around them will listen. In this interview, Patterson lays out her vision for a new, critical children’s museology and the crucial role of children’s curating within it. She shares how her interest in this field developed, the contributions child curators can make to museological practice, and the challenges children and museums face in taking this work forward.

Depuis un quart de siècle, l’École nationale des chartes a fait l’objet d’un grand nombre de publications, toutes collectives, issues pour certaines de colloques et journées d’études. Il est à noter que toutes sont, sans exception, liées à l’École de manière plus ou moins formelle, soit qu’elles aient été éditées directement par elle, soit que les directeurs d’ouvrage y soient en poste, ou, à tout le moins, en soient issus. En outre, leur rythme s’est accéléré ces derniers temps, à mesure qu’...

Bénéficiaires de la médiation, mis en situation de jouer les médiateurs, éventuellement producteurs de patrimoine, et eux-mêmes (ou du moins leur culture) susceptibles d’être patrimonialisés, les enfants participent d’une manière ou d’une autre des principales étapes du processus d’institution patrimoniale. L’intérêt porté à ces différentes postures suppose des angles d’approche, des problématisations, des objets, sensiblement différents, mais dans tous les cas une attention dédoublée, dirigée tout à la fois vers les rôles assignés par les adultes et vers l’initiative enfantine. Décentrer ainsi le regard pour le tourner vers cet acteur plus ou moins autonome qu’est l’enfant, c’est se donner l’opportunité, du moins en fait-on le pari, d’appréhender autrement notre présent du patrimoine. In one way or another, children participate in the main steps of the heritage creation process, whether they benefit from mediation, are placed in the mediator’s role, possibly become heritage producers or are themselves (or at least their cultures) likely to become part of the cultural heritage. The investigation of these varied roles presumes considerably different approaches, subjects and formulations of the issues, but in every case, it calls for a twofold vision that is directed at once towards the roles assigned by adults and the children’s own initiatives. Decentring the gaze in this way in order to focus on the child as a more or less autonomous player constitutes – in our view at least – an opportunity to understand the present of our cultural heritage in other ways.

In this interview by Dr. Sarah Gensburger, Dr. Monica Eileen Patterson discusses an emerging subfield of curatorial practice being facilitated by more and more museums around the world: child curating. Creating opportunities for children to curate exhibitions offers many benefits to museums seeking to animate and enliven their offerings, for children are experts of innovation, creativity, and interactivity. By critically engaging with exhibitions curated by children, scholars and members of society more broadly can gain valuable insights into young people’s perspectives and experiences. As important social actors and knowledge-bearers, children have much to teach the world they inhabit, if only the adults around them will listen. In this interview, Patterson lays out her vision for a new, critical children’s museology and the crucial role of children’s curating within it. She shares how her interest in this field developed, the contributions child curators can make to museological practice, and the challenges children and museums face in taking this work forward.

Depuis 2010, Arles est début décembre le théâtre d’une manifestation singulière célébrant une cinquantaine de fillettes arborant pour la première fois la vêture traditionnelle des jeunes filles de la Belle Époque. Ces enfants deviennent, à l’issue d’une présentation solennelle assortie d’un défilé et d’un spectacle, des Mireillettes, des petites « Mireilles ». Une référence à l’héroïne du poème en langue provençale de Frédéric Mistral (1830-1914). Désignée d’emblée par son initiatrice comme une invention de la tradition, cette fête est surinvestie de références et s’inspire des nombreuses cérémonies régionalistes initiées dès la deuxième moitié du xixe siècle. Cependant, en s’adressant à un jeune public, elle se veut le premier rite de passage d’un itinéraire costumier de la tradition scandant, selon les groupes folkloriques et les érudits locaux d’aujourd’hui, les âges de la vie. Organisée par l’association Festiv’Arles, cette cérémonie théâtralisée dépasse, cependant, la simple transmission de codes vestimentaires d’autrefois ; elle renvoie aux enjeux qui traversent la communauté des « gens du costume traditionnel ». Elle éclaire la démarche identitaire telle que la formulent ces adultes et offre potentiellement un renouvellement générationnel de cet entre-soi fondé sur une interprétation du passé dont le costume traditionnel est le témoin. Elle se présente également comme un lieu de transmission où les acteurs de la tradition partagent un corpus inédit de savoirs relatifs à la Provence et à son histoire. Enfin, cette fête des Mireillettes offre une tribune privilégiée pour affirmer le présent des valeurs mémorielles du territoire arlésien. Une manière de revendiquer une juste place dans la cité pour ce patrimoine de la tradition, un patrimoine immatériel qui conjugue savoir-faire et représentations mentales, et reconstruit un passé toujours en devenir. Every December since 2010, the city of Arles has been the setting of a singular event celebrating some fifty little girls dressed for the first time in the traditional costume of young women of France’s Belle Epoque. At the end of a formal ceremony accompanied by a parade and a performance, these children become ‘Mireillettes’, or ‘little Mireilles’, a reference to the heroine of a poem written in the Provençal language by Frédéric Mistral (1830-1914). As its founder recognises, this festival is an invention of tradition; abounding in local references, it draws on many regionalist ceremonies introduced in the second half of the 19th century. By addressing itself to a young audience, however, it aspires to be the first rite of passage along the itinerary of clothing traditions that, for today’s folklore groups and local experts, mark the steps of life. But this carefully orchestrated ceremony, organised by the association Festiv’Arles, goes beyond the simple transmission of the dress codes of another era. It touches on questions that are shared by those who consider themselves the ‘People of the Traditional Costume’ and thus sheds light on the adults’ own approach to identity. It potentially opens the way for a generational renewal of their self-segregation that is based on an interpretation of the past through the traditional costume. It is also a locus of transmission, where the protagonists of the tradition share the unfamiliar corpus of knowledge about Provence and its history. And ultimately, the festival provides a singular tribune for affirming the memorial values of the territory known as the Pays d’Arles. It is a way of claiming a just place in the society for this traditional heritage, an intangible culture that combines know-how and mental representations to reconstruct an ever-evolving past.

Dans le Haut Vallespir, les adultes organisent depuis plusieurs décennies des versions enfantines des fêtes de l’Ours qu’ils considèrent comme un trésor culturel dont ils veulent assurer la pérennité. Si les fêtes des adultes reposent sur une vision très genrée des relations sociales, cette dimension est en revanche totalement absente des fêtes destinées aux enfants auxquels les connotations sexuelles des pratiques ne sont pas transmises. L’article explore la façon dont cette désexualisation transforme en profondeur non seulement la fête des enfants et la répartition des rôles entre hommes et femmes, mais également celle des adultes, la fête des petits fonctionnant comme une sorte de laboratoire des évolutions possibles. In the Haut Vallespir (Pyrénées Occidentales department), adults have been organising children’s versions of the Festes de l’Os, the ‘Bear Festivals’ which they hold to be a cultural treasure that they seek to preserve. While the adults’ festivals are rooted in a highly gendered vision of social relations, this dimension is totally absent from the festivals for children, where the sexual connotations of the practices are not transmitted. This article explores the way such a desexualisation profoundly transforms not only the children’s festival and the division of roles between men and women, but the adults’ festival as well, insofar as the youngsters’ event functions as a kind of laboratory for possible changes.

This article aims to contribute novel data and perspectives into the long-standing debate about economic strategies in the fourth and third millennium in South Norway, by introducing novel results from a Pitted Ware coastal site in Agder County, southern Norway. The analysis of artifactual and faunal assemblages as well as lipid analysis from ceramics indicate a varied subsistence economy with terrestrial hunting, gathering, and specialized marine fishing strategies, targeting Atlantic bluefin tuna and seals. These procurement strategies were maintained throughout the middle and into the late Neolithic period (c. 3300–2200 BCE). No unequivocal evidence of cultivation was documented before the early Bronze Age, around 1700 BCE. This article maintains that exploring and explaining long-time continuity, and the environmental, cultural, and social mechanisms, which underwrite enduring traditions, remains a pertinent issue in Neolithic archeology. To broaden our understanding of the causes underlying cultural persistence, we need to move beyond a view of foraging peoples as either ecologically adapted or as economically optimized and employ a perspective that acknowledges the fundamental importance of human–animal relations in prehistoric lives and worldviews. Drawing on insights from relational anthropology and multi-species archaeology, we maintain that an animist ontology endured among the Pitted Ware groups and endorsed the foraging persistency characterizing the third millennium in Southern Norway.

Le qualificatif de « naturaliste » est très régulièrement appliqué à l’art magdalénien, et cet article s’interroge sur les liens qui pourraient exister entre les notions de « naturalisme esthétique » et de « naturalisme ontologique ». Un style naturaliste dans la production des images serait-il mécaniquement l’indice d’un rapport au monde de type naturaliste, au sens de Ph. Descola (2005) ? C’est ce que semble affirmer E. Guy (2017) dans un ouvrage ambitieux qui interprète la volonté d’imitation des artistes magdaléniens comme le signe d’une mentalité proche de celle des sociétés de l’Occident moderne - impliquant notamment l’instauration de hiérarchies sociales au Paléolithique récent. Les images magdaléniennes présentent toutefois un naturalisme qui se borne presque exclusivement à la représentation d’animaux isolés. Dans l’histoire de la discipline, cette caractéristique étonnante est depuis longtemps discutée, et a fait l’objet de diverses interprétations jusqu’à celle d’E. Guy (2017). Si un naturalisme stylistique peut être évoqué à propos de la figuration du Magdalénien, celui-ci est toujours restreint et morcelé. Parler d’une « imitation de la Nature » semble donc abusif dans ce cas. La mobilisation de la notion de « Nature » pousse par ailleurs à attribuer de manière systématique un naturalisme ontologique aux Paléolithiques, dans la mesure où ce terme est un pivot incontournable de la pensée naturaliste. Quoi qu’il en soit, nous remarquons que les modalités de représentation du Magdalénien ne présentent que très peu des caractéristiques qui seraient attendues d’une figuration traduisant un naturalisme ontologique, et certains aspects paraissent même incongrus pour un tel régime. Le « naturalisme magdalénien » pourrait ainsi être paradoxalement « un naturalisme sans l’idée de Nature ». Il nous semble que les modalités de représentation propres au Magdalénien pourraient aussi être à comprendre dans une perspective ontologique alternative au naturalisme, et relevant possiblement de l’animisme. Nous soumettons ainsi l’hypothèse que la tendance à la figuration mimétique, observable pour certaines images de ce contexte paléolithique, pourrait refléter l’intention d’affirmer la coexistence d’une multiplicité d’êtres singuliers, et s’inscrire dans une ontologie qui placerait les rencontres interindividuelles entre humains et animaux au premier plan. The term « naturalism » is very regularly applied to Magdalenian art, and this article examines the links that could exist between the notions of «aesthetic naturalism» and « ontological naturalism ». Is a naturalistic style in the production of images necessarily indicative of a naturalistic relationship to the world, in the sense of Ph. Descola (2005)? This seems to be what E. Guy (2017) asserts in an ambitious work that interprets the tendency towards imitation among Magdalenian artists as the sign of a mentality close to that of modern Western societies - implying in particular the establishment of social hierarchies during the recent Palaeolithic. However, the Magdalenian images present a naturalism that is limited to the representation of isolated animals. In the history of the discipline, this astonishing characteristic has long been discussed, and has been the subject of various interpretations until E. Guy (2017). If a stylistic naturalism can be evoked about the depiction in the Magdalenian, it is always a restricted and fragmented naturalism. To claim that it is an «imitation of Nature» therefore seems abusive in this case. Moreover, this mobilization of the notion of «Nature» encourages the attribution of an ontological naturalism to the Palaeolithic, insofar as this term is an inescapable element of naturalistic system of thought. Anyway, the modes of representation of the Magdalenian show very few of the characteristics that would be expected of a depiction reflecting an ontological naturalism, and certain aspects even seem incongruous for such a system. «Magdalenian naturalism» could thus paradoxically be «a naturalism without the idea of nature». It seems that the modalities of representation specific to the Magdalenian could also be understood in an ontological perspective alternative to naturalism, and could relate to animism. I thus submit the hypothesis that the tendency to mimetic depiction, in this Paleolithic context, could reflect the intention to affirm the coexistence of a multiplicity of singular beings, and be part of an ontology giving a central place to inter-individual encounters between humans and animals.

Edward Ihnatowicz n’était pas certain d’être un artiste, mais de toute évidence, il était en train de s’éloigner du monde des ingénieurs. Maniant les platines d’expérimentation, les fils de cuivre, les interrupteurs et les capteurs électroniques, il avait, comme beaucoup, été influencé par la cybernétique à la fin des années 1960, ce qu’il exprimait à travers la création de sculptures et d’environnements dont les éléments entraient en interaction les uns avec les autres. À l’époque, il ne s’a...

Fig. 1. 30 x 30 – Poursuite. Installation in situ, dispositif lumineux informatisé, 2006. Solo machinique de Samuel Bianchini prolongeant le solo chorégraphique 30 x 30 de Paul-André Fortier, avec la collaboration de Sylvie Tissot et Olivier Cornet. Co-production de l’École nationale supérieure d’art de Nancy et du Centre chorégraphique national – Ballet de Lorraine. Place de la gare et tour Thiers, Nancy, nuit du 6 au 7 mai 2006. Photographie : D.R. Au cœur de la ville, de n...

I. La nouvelle série, Androyx, est un projet basé non pas sur la reproduction à l’identique de l’humain, la ressemblance ou le mimétisme parfait, pour une servitude et fonctionnalité maximales, mais sur une interaction psychologique dont le ressort est l’Uncanny Valley. La nouvelle série ne sera plus assujettie au test de Voight-Kampff mais à celui de Masahiro Mori. L’objectif de la nouvelle série n’est pas de faire « plus humain que l’humain » mais de faire « l’humain plus humain ». II. Les ...

« Les techniques de fabrication manifestent la même variabilité que nos comportements. Précisément, les machines à commande numérique et l’ensemble des technologies de production permettent de fabriquer un continuum industriel […], nous passons du moule à la modulation », écrit Bernard Cache dès 1995, annonçant le passage de la forme à son « empreinte » informationnelle dans l’espace-temps numérique. Dès les années 1990, l’émergence de l’objet « non standard » va de pair avec la notion de « c...

I. Sur scène, une chaise. Une simple chaise en bois, vide. Et face à elle, d’autres chaises en bois, vides. Je suis debout, derrière, je regarde de l’extérieur cet espace divisé en deux, d’un côté la scène, de l’autre la salle. En réalité, dans l’espace, il n’y a pas de véritable séparation, seulement une petite estrade, presque invisible : c’est surtout la disposition des chaises qui évoque une scène. Hésitant sur le seuil, plus tout à fait dehors, mais pas encore dedans, je suis seul, à par...

« L’objet dégoûtant ricane, nous regarde fixement, nous empeste. »Aurel Kolnai 1927 « Croira-t-on que de pareilles maisons existent ? […] Des maisons, mais pour être exact, c’étaient des maisons qui n’étaient plus là. Des maisons que l’on avait démolies de fond en comble. Ce qui était là c’étaient les autres maisons qui étaient à côté, les hautes maisons voisines […] tout un échafaudage de longs mâts goudronnés était arcbouté entre le sol du terrain vague et le mur dénudé. Je ne sais pas si j...

1992 Les poils olfactifs vibrèrent au rythme des odeurs spectrales. Lentement, elle déroula son petit corps chaud et planta son museau dans la brise épaisse, en direction du plus fort gradient. Puis, avec une dextérité mathématique, elle bondit, décrivant un arc de cercle parfait, voyageant sur une distance précisément égale à un centième de la magnitude de son intuition. Sans attendre, elle renifla à nouveau. L’odeur était toujours faible, presque imperceptible, comme la trace évanescente d’...

Il a dit : « Tu ne penses pas, tu simules une pensée. Tu n’agis pas, tu simules une action. Tu ne veux pas, tu simules une volonté. » Il me faut analyser ses propos. Pourquoi dit-il cela ? Quelle différence existe-t-il entre « simuler une action » et « agir » ? Je lui ai répondu : « Et toi, agis-tu ? Penses-tu ? Veux-tu ? » Si je n’agis pas quand je porte un plateau de boissons, pourquoi dit-il que lui agit en effectuant la même opération ? Le fait qu’il soit constitué de matière vivante et m...

Dans La Mélodie du tic-tac et autres bonnes raisons de perdre son temps, paru en 2016, Pierre Cassou-Noguès propose une histoire littéraire et intellectuelle de la perte de temps. Ou, selon ses propres termes, de « comment traîner ». Fumer, rêvasser et prêter une oreille attentive au tic-tac d’une horloge y figurent comme autant d’exemples du verbe « traîner », dont la traduction s’avère difficile en anglais. Les verbes « slacking » ou « loafing » ne correspondent pas tout à fait. Comme Casso...

Arthur fit coulisser la porte des toilettes et s’abandonna à l’étreinte familière de son humidité tropicale. La pièce devait rester chaude - trop chaude au goût de la plupart des gens. Une humidité musquée, forte et permanente persistait à l’intérieur. Cette richesse en oxygène et ce côté débordant de vitalité auraient pu être agréables parfois. Mais lorsque l’air fétide se mêlait aux odeurs piquantes des excréments et des urines du matin, ça devenait insupportable et oppressant, et personne,...

Gwangju 2018 La végétation l’a envahi. Rongé. C’est un endroit hanté. Nous sommes dans l’hôpital des forces armées coréennes à Gwangju. Cette année, la biennale a choisi d’inviter trois artistes à créer dans ce lieu. Nous visitons avec un masque sur la bouche. Il y a de la poussière partout, les bâtiments sont figés, ils se recouvrent peu à peu d’un linceul de poussière, quand ce ne sont pas des gravats qui tombent. Sans doute y a-t-il également de l’amiante. L’architecture est éventrée, les ...

Des années uniquement consacrées aux médias informatiques durant mes études à l’HyperWerk (Institute for Postindustrial Design, Bâle) et à l’ECAL (Lausanne) portant sur le design interactif et appliqué aux médias ont suscité chez moi un malaise croissant face aux limitations des écrans et à l’influence que les logiciels standardisés semblaient exercer sur nos stratégies créatives. Face à cette prise de conscience, et étant fasciné par les graphiques vectoriels et la beauté mathématique et géo...

« Le gouvernement informe tous les citoyens usagers que les défauts et incongruités de certains objets, ustensiles, machines et installations, par abréviation OUMIS, qui se sont révélés dernièrement plus nombreux, sont en train d’être minutieusement étudiés par la commission nommée, laquelle bénéficie à présent de la collaboration d’un parapsychologue. Les citoyens usagers doivent refuser la rumeur, l’agitation, la manipulation. Ils doivent rester sereins, même s’il arrive que les dits OUMIS ...

« Notre prospérité plus ou moins artificielle s’écroulera du jour au lendemain lorsqu’on aura compris qu’une poignée de mots “branchés”, comme ceux d’“information”, d’“entropie” et de “redondance”, ne suffisent pas à régler tous nos problèmes. »Claude Shannon, « The Bandwagon » 1956 (tribune méconnue) L’un des principes explicites au cœur de mon projet artistico-robotique Petit Mal (1989-1995) était d’explorer l’idée de logiciel [software] à partir de la construction d’un dispositif robotique...

Que se passe-t-il quand, soudain, un objet qui nous fait face s’anime ? Comment envisager ces objets qui tendent à se comporter comme des sujets ? Les reléguer au rang de curiosités parascientifiques, de phénomènes paranormaux, de bizarreries surréalistes ? Les considérer comme des produits d’ingénierie, en apprécier l’exploit mimétique qui permet de leur prêter vie ? Les regarder comme des objets d’art, saisir les ouvertures critiques qu’ils apportent ? Ou les prendre au sérieux, comme les personnages d’un conte moral qui nous révèlent un monde habité par d’autres ? Ou, encore, faut-il en avoir peur, comme de créatures qui se révolteraient contre leurs créateurs, menaçant notre sécurité, nos certitudes ? Cet ouvrage réunit un ensemble de textes aux registres stylistiques hétéroclites, du récit narratif à l’essai analytique, du témoignage à la dystopie. Construit comme une enquête à plusieurs voix, il révèle le potentiel de suggestion fictionnelle et philosophique de l’animation des choses, en questionnant la persistance de formes d’animisme au sein du projet de la modernité. À travers l’horizon d’une remise en question des fondements anthropocentriques de la culture occidentale, ces épisodes dessinent une autre histoire, à la frontière entre nature et artifice, entre sujet et objet, entre vivant et non-vivant, où toutes ces polarités sont suspendues à l’inquiétante étrangeté, au vertige et au doute qui nous saisissent face au comportement des choses.

« Dans les domaines qui nous intéressent, il n’y a de connaissance que fulgurante.Le texte est le tonnerre qui fait entendre son grondement longtemps après. »Walter Benjamin Cet ouvrage se présente comme une constellation de textes courts, reliés chacun par trois éléments. D’abord, l’évocation d’une scène singulière durant laquelle un objet, une chose, abandonne son inertie et semble s’animer, se déplacer, exprimer une intentionnalité, voire une personnalité (inattendue et énigmatique : une p...