Cette thèse procède, depuis une perspective issue des études culturelles, à une exploration critique et située (Haraway, 1988) de la culture alimentaire québécoise contemporaine et des définitions variables de la « saine » alimentation qu’elle concourt à produire et à rendre effective. Plus précisément, j’analyse les rapports de pouvoir qui l’informent et prennent forme et effectivité à travers les savoirs et pratiques constitutives de la saine alimentation (dans ses multiples formes et modes d’existence). À travers l’analyse critique de la culture alimentaire québécoise contemporaine, je questionne les corps, humains comme plus-qu’humains, qui s’y retrouvent « produits » et différenciés par des rapports de pouvoir inégaux. L’analyse présentée résulte d’une ethnographie dialogique incorporée suivant les méthodes de collecte des matériaux et d’analyses proposées par Probyn (2016). La thèse est découpée en trois parties distinctes, mais interreliées. La première explore la culture alimentaire québécoise au cœur de laquelle je m’inscris. Elle permet à la fois la présentation de ladite culture et des savoirs, pratiques, événements qu’elle concourt à mettre en forme, mais également la multiplicité des définitions de la saine alimentation qui y émergent, en fonction de ses différents contextes d’émergence. Tout au long de cette partie, je mets en évidence comment sont produits, articulés et légitimés certains savoirs tout autant que comment sont mises en forme et en cause certaines des relations impliquant et liant humains et plus-qu’humains, et qui participent des multiples modes d’émergence de la saine alimentation, au Québec. Au sein de la culture alimentaire contemporaine, l’alimentation saine est régulièrement réfléchie et problématisée dans son rapport aux corps humains. La deuxième partie de la thèse présente mon analyse de ce que j’ai appelé la culture alimentaire biomédicalisée, et tout particulièrement des relations entre les corps, l’alimentation et la santé qu’elle concourt à produire. J’y mets en évidence comment la culture alimentaire contemporaine ne peut être réfléchie sans considération pour les discours healthists (Crawford, 1980) contemporains, qui informent les manières par lesquelles les corps sont mis en relation avec l’alimentation, à l’aulne de considérations pour la santé. J’y mobilise les outils conceptuels proposés par Clarke et al. (2010) sur la biomédicalisation du champ social pour questionner comment l’alimentation et les corps sont mis en relation dans un contexte où la santé est un objectif moral et individuel à atteindre (Crawford, 1980; Lupton, 1997; Metzl et Kirkland, 2010). J’y critique comment la culture alimentaire biomédicalisée limite le type de relations qui peuvent prendre forme et être considérées entre l’alimentation et les corps, tout autant que les types de corps qui y sont produits et autorisés. La troisième partie de la thèse s’intéresse aux corps, humains comme plus-qu’humains, qui sont produits au sein de la culture alimentaire biomédicalisée tout autant qu’aux rapports de pouvoir qui participent de leur production - différenciée. Par « produire », j’entends notamment comment des corps se retrouvent discursivement définis, encadrés, contrôlés, etc.; évalués, caractérisés, discriminés, exclus, stigmatisés; matériellement produits (leurs matérialités corporelles, leur biologie, etc.). Je navigue ainsi entre différentes manières d’analyser leur production tout autant qu’entre différents types de corps qui y sont produits, à partir de réflexions (et de littératures) qui les posent et les questionnent depuis des épistémologies variées., This PhD thesis presents, from a cultural studies perspective, a critical and situated (Haraway, 1988) exploration of Quebec’s contemporary food culture and of the various definitions of “healthy” food it produces and renders effective. More precisely, I analyse the power relationships that inform its development as well as those taking form and effectivity through the knowledge and practices constitutive of healthy food (and its multiple forms and modes of existence). Through critical analysis of the current Quebec food culture, I question the bodies, human and more-than-human ones, that are produced therein, and are differentiated by unequal power relationships. The analysis presented is the result of an embodied and dialogic ethnography following the methods of materials gathering and analysis suggested by Probyn (2016). The thesis is separated into three distinct, but interrelated, parts. The first part explores Quebec’s food culture, in which I am fully immersed. This part presents the food culture and the knowledge, practices, and events that it contributes to creating, as well as the multiplicity of healthy food definitions that emerge within it, according to their various contexts of emergence. Throughout this part, I highlight how particular kinds of knowledge are produced, articulated and legitimated, as well as how relationships involving and linking humans and more-than-humans are produced and conveyed. I demonstrate how all of these processes participate in the multiple modes of emergence of healthy food in Quebec. In the current food culture, healthy food is regularly thought and problematized in relationship to human bodies. The second part of the thesis presents my analysis of what I have called the biomedicalized food culture, attending especially to the relationships between bodies, food, and health it contributes to creating. I put at the forefront how the current food culture cannot be analysed without taking into account the contemporary “healthist” (Crawford, 1980) discourses that inform the manners by which bodies are put in relation to food, under health-oriented considerations. I mobilize the conceptual tools proposed by Clarke et al. (2010) on the biomedicalization of the social field to question how food and bodies are put in relation and problematized, in a context where health is a moral and individual objective to reach (Crawford, 1980; Lupton, 1997; Metzl et Kirkland, 2010). I criticize how the biomedicalized food culture limits the type of relationships that can take form and be considered between food and bodies, as well as the types of bodies that are produced and authorized. The third part of the thesis is concerned with the bodies, human and more-than-human ones, that are produced within the biomedicalized food culture, as much as by the power relationships that participate in their production and differentiation. By “produce”, I mean among other things how bodies are discursively defined, framed, controlled, etc.; evaluated, characterized, discriminated, excluded, stigmatized; materially produced (their corporeal materialities, their biology, etc.). I navigate between different manners of analysing their production as much as I explore the different types of bodies that are produced, drawing on reflections (and literatures) that apprehend and question them from various epistemologies.