Les centrales syndicales dans presque tous les pays développés éprouvent des difficultés sérieuses à conserver leur niveau d’adhésion et leur influence politique. Le mouvement ouvrier américain a subit de façon croissante l’attrait d’un modèle d’organisation syndicale qui en retour a retenu l’imagination de quelques sections d’autres mouvements anglo-saxons, notamment et surtout en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Angleterre. En dépit des similitudes au plan des problèmes auxquels font face les mouvements ouvriers nationaux, le passé et les expériences actuelles des syndicats ouvriers dans les différents pays présentent cependant des différences importantes aussi bien que des similitudes. Cet essai, basé sur un travail important sur le terrain en Angleterre et en Australie, cherche à cerner l’importance des contextes nationaux au moment de l’adoption d’un modèle d’organisation syndicale en faisant appel à une étude comparative de deux syndicats qu’on identifie à ce modèle dans leur propre pays : le Manufacturing, Science and Finance (MSF) en Angleterre et le Community and Public Sector Union (CPSU) en Australie.Cet article démontre que les contextes nationaux au sein desquels oeuvrent ces syndicats exercent une influence critique sur leurs stratégies. Les syndicats en Angleterre ont fonctionné, au cours d’une bonne partie de la période d’après-guerre, à l’intérieur de la tradition qui a connu l’incorporation nationale et l’organisation sur les lieux de travail marquée par l’autonomie locale. Pendant les années 1980, on a observé un affaiblissement des syndicats et le contrôle au sein du mouvement ouvrier s’est déplacé vers le sommet. Le déclin du nombre de membres, connu au cours des dix-huit années de la période conservatrice, qui a vu des gouvernements successifs s’engager dans un assaut légal et systématique visant à marginaliser les syndicats, a maintenu l’illusion qu’un gouvernement travailliste renverserait la tendance. Rien de tel ne s’est produit en Australie, où les traditions sur les lieux de travail sont plus faibles et où la plus grande partie du déclin du membership au cours des décennies 1980 et 1990 survint sous des gouvernements travaillistes. Dans l’indifférence, l’élection d’un gouvernement conservateur et anti-syndical en Australie sonnait le glas d’une relation étroite entre les centrales et le gouvernement travailliste au cours des treize années de l’Accord.Cet article soutient que les efforts au sommet pour adopter le modèle d’organisation syndicale étaient moins prononcés en Angleterre qu’en Australie. De fait, en Angleterre, avec l’élection du Nouveau Parti travailliste en 1997, une stratégie de remplacement, celle d’un « partenariat », a été mise en oeuvre de façon plus rigoureuse par le TUC. Par contre, un syndicat de pointe, le ACTU, a repris le travail d’organisation avec un enthousiasme plus grand et avant l’an 2000 approuva une réforme de l’organisation syndicale comme y détenant la clef de la survie du syndicalisme.Les deux syndicats retenus pour cette étude, le MSF et le CPSU, reflètent à leur façon les problèmes plus vastes et les expériences du travail d’organisation dans des contextes nationaux. Les deux syndicats ont tenté de radicaliser le fonctionnement de leurs organisations. Le MSF a fait face à la crise en adoptant le modèle d’organisation, mais il a agit ainsi sans chercher à modifier tous les niveaux de sa structure. Ceci s’est traduit par un manque d’engagement précis à l’endroit d’une stratégie d’organisation et par l’introduction de façon autoritaire de nouvelles priorités pour les officiers syndicaux, à l’encontre sensément de l’esprit du modèle. Parallèlement aux priorités du TUC, l’idée de partenariat fit son chemin de façon évidente. Par conséquent, la stratégie d’organisation a échoué, le besoin d’une autre fusion à venir étant reconnu de manière tacite, cette fois avec un partenaire junior. Devant l’absence croissante de l’approbation du travail d’organisation par le TUC, on ne sentait pas une volonté de développement d’une approche mieux intégrée au travail d’organisation et on observait que peu de ressources à la disposition d’un modèle alternatif de pratique syndicale.L’expérience australienne fut quelque peu différente. Le CPSU démarra avec des problèmes semblables de perte de membership et de culture de service. Il dut envisager les mêmes craintes et la même résistance au changement de la part des permanents et des membres. Cependant, nonobstant l’absence d’engagement soutenu du membership à l’endroit de la nature et de l’envergure du changement, un leadership plus déterminé et cohérent aux niveaux local et national laissait croire que ce syndicat poursuivait de façon fructueuse les réformes au plan de l’organisation syndicale. L’approbation de l’ACTU d’un agenda d’organisation vint apporter un support aux changements amorcés au sein du CPSU.L’avenir de ces syndicats, et également de bien d’autres, est loin d’être assuré. L’étude comparative démontre que ces syndicats sont obligés de faire face à des circonstances adverses. Cependant, l’étude montre aussi de façon précise que les réactions des syndicats ne sont pas définies à l’avance, mais sont influencées par leur passé particulier, leur dynamique interne et le contexte national plus large au sein duquel ils élaborent leurs stratégies. Dans cette optique, les bureaucraties syndicales ne sont pas nécessairement conservatrices ; elles ne sont pas non plus les victimes passives de leur environnement. Quand ils sont menacés par des crises institutionnelles, les syndicats sont capables de réagir énergiquement aux menaces et aux contraintes. Cet essai soutient que des actions ciblées d’agents de changement au sein des syndicats exercent une influence décisive sur la tournure particulière des stratégies et des performances de l’organisation. Cependant, l’engagement réel du membership annoncé par le modèle d’organisation, nécessaire à une transformation effective des syndicats, n’apparaissait pas évident au travers des changements apportés aux stratégies d’organisation de ces syndicats., Trade unions in nearly all developed countries are facing major difficulties in maintaining membership levels and political influence. The U.S. labour movement has been increasingly attracted to an organizing model of trade unionism and, in turn, this response has caught the imagination of some sections of other Anglo-Saxon movements, most notably in Australia, New Zealand and Britain. Despite similarities in the problems that national union movements face, however, the histories and current experiences of trade unions in the various countries show marked differences. This article, based on extensive fieldwork in Britain and Australia, examines attempts to assess the importance of national contexts in the adoption of the organizing model through a comparative study of an Australian and a British union., Los sindicatos de casi todos los paises desarrollados estan confrontando grandes dificultades para mantener los niveles de afiliación y de influencia politica. El movimiento laboral de EE.UU. ha estado cada vez mas atraído por un modelo de organización sindical, y a su turno, esta respuesta ha ganado adeptos en algunas secciones de otros movimientos anglo-saxones, en especial en Autralia, Nueva Zelandia y Brasil. A pesar de la similitudes de los problemas enfrentados por los movimientos sindicales nacionales, la historia y experiencia recientes de los sindicatos en varios países muestran diferencias marcantes. Este artículo, basado en un vasto estudio de terreno en Gran Bretaña y Australia, examina los intentos de valorizar la importancia de los contextos nacionales en la adopción del modelo de organización por medio de un estudio comparativo de los sindicatos en Australia y Gran-Bretaña.