Cet article propose une réflexion sur les fondements, les principes, les modalités et les limites des utilisations du jeu vidéo en psychothérapie d'inspiration psychanalytique. Nous commençons par une revue de la littérature concernant l'utilisation du jeu vidéo au sein de cadres-dispositifs thérapeutiques d'orientation psychanalytique en France. Puis, nous rappelons les fondements et principes directeurs de l'approche psycho-dynamique de la médiation thérapeutique développée par « l'Ecole lyonnaise ». Enfin, nous proposons une analyse des publications consultées. Cela nous permet de dégager les fondements, les principes, les modalités et les limites des médiations numériques et de discuter les rapprochements et divergences avec le modèle de la médiation thérapeutique. La médiation numérique est présentée avec un style démonstratif, voire didactique. La présentation du jeu vidéo occupe une place significative, tandis que le cadre et la méthodologie sont présentés de manière variable. Le matériel clinique, parfois dense et amené tardivement, est utilisé à des fins informatives ou illustratives ou pour confirmer un point de vue, ce qui n'est pas propice à l'analyse et à la discussion. Ade rares exceptions, il n'y a pas de contre-argumentation et les rares autocritiques sont peu étoffées. Le jeu vidéo est présenté comme un objet de parole et un support de projection de la vie psychique facilitant l'expression des conflits inconscients, mais aussi comme un objet culturel, proche des jeunes générations, ce qui en ferait un objet approprié à la thérapie. En médiation, il est pensé comme un prétexte à la rencontre et comme une solution face à l'impasse thérapeutique. Les publications se réfèrent aux écrits des psychanalystes anglo-saxons, à ceux d'Anzieu, ainsi qu'aux apports de la psychologie cognitive et de la psychologie du développement. Le jeu vidéo est alors pensé comme un objet de contenance et de transformation et d'intégration de l'angoisse, en légitimant l'expression de la vie pulsionnelle sans risque de représailles. Il est un support de symbolisation plurielle, un vecteur d'apprentissage et de subjectivation par l'action dont l'utilisation et les propriétés réflexives permettent de révéler les « compétences » et les « ressources » du patient. Les médiations numériques sont des « techniques » visant à aider le patient à « mentaliser » ses conflits et traumatismes, à restaurer sa capacité de jeu, à le « renarcissiser », à « restaurer de l'estime de soi » ou à soutenir la « capacité d'être seul en présence d'un autre ». Elles s'opèrent par l'actualisation des expériences de partage et d'accordage mère-bébé. Le transfert s'effectue alors sur le thérapeute, par diffraction s'il s'agit d'un groupe, mais aussi dans le jeu vidéo, sur les figures numériques, notamment l'avatar que le joueur contrôle. En médiation thérapeutique, le jeu vidéo serait un accélérateur de la relation transférentielle. Le style, la place importante allouée au jeu vidéo par rapport à la méthodologie, la manière d'utiliser le matériel clinique et l'absence de contre-argumentation contribuent à une approche en apparence psychanalytique ainsi qu'à une certaine imprécision, ce qui ne permet pas de discuter des spécificités, des limites et zones d'ombres des médiations numériques. Le recours au jeu vidéo est justifié par son statut d'objet culturel et de prétexte à la rencontre plutôt que par l'adéquation entre sa matérialité et la problématique du patient. Outre l'écueil consistant à surinvestir la verbalisation et la dynamique groupale au détriment de la matérialité de l'objet, se pose la question du désir du thérapeute et du sens de cette médiation. Nous retrouvons des références communes avec le modèle de la médiation thérapeutique. Cependant, nous repérons un risque de fétichisation du modèle du jeu ainsi que l'écueil consistant à se focaliser sur la sensori-motricité et sur les propriétés de l'objet médiateur, au détriment de la prise en compte des enjeux intersubjectifs. La référence aux travaux d'Anzieu en médiation numérique invite à plusieurs remarques. Elle peut conduire à un glissement métonymique consistant à prendre l'écran comme un équivalent de la peau. De plus, cette théorisation peut servir d'écran pour éviter de penser les enjeux sous-jacents à l'expérience vidéo-ludique. Les pratiques rapportées révèlent une certaine variabilité et des points de divergence avec le modèle de la médiation thérapeutique notamment au travers de la focalisation sur des objectifs et sur la manière de penser et de poser le cadre, mais aussi avec certains emprunts à des modèles non-psychanalytiques. Cela soulève des questions sur les effets de ces choix, sur le positionnement du thérapeute et sur l'absence de modalités d'évaluation consensuelles. Nous remarquons une tendance à réduire le transfert à ce qui se joue à l'écran, notamment avec l'avatar, ce qui pose la question d'une mise à l'écart de la relation intersubjective et de certaines formes de la négativité tout comme des éléments pré-figuratifs qui constituent les formes primaires de symbolisation. De plus, le transfert négatif est très peu abordé et non-analysé. Enfin, l'« accélération de la relation transférentielle » rappelle la problématique de l'hypnose avec un contournement temporaire des défenses avant leur rétablissement après le jeu vidéo. Le contre-transfert n'est pratiquement pas évoqué, et encore moins ses manifestations corporelles. Plusieurs éléments pourraient constituer des indices du contre-transfert mais ils ne sont majoritairement ni repérés, ni analysés, ni discutés. Excepté dans quelques écrits, l'analyse de la dynamique transféro-contre-transférentielle reste très succincte. Ces éléments nous invitent à interroger les écarts avec le modèle de la médiation thérapeutique. Le parcours de la littérature révèle une diversité dans les pratiques, ce qui nous conduit à discuter de la pertinence du modèle de la médiation thérapeutique pour ce travail d'analyse. Nous proposons plusieurs points qui permettraient d'accroître l'intérêt pour l'approche psycho-dynamique de la médiation thérapeutique par le jeu vidéo. Tout d'abord, le cadre et la méthodologie pourraient être présentés de manière plus détaillée. Ensuite, l'initiative d'une telle médiation thérapeutique gagnerait en qualité si les auteurs précisaient comment ils ont réfléchi au lien entre la problématique du patient et la matérialité de l'objet médiateur. Enfin, la référence à la psychanalyse implique que le travail du clinicien se centre davantage sur la dynamique transféro-contre-transférentielle, plutôt que sur la présentation du logiciel et le récit de ce qui se passe à l'écran. This article offers a reflection on the foundations, principles, modalities, and limits of the uses of video games in psychoanalytically inspired psychotherapy. We begin with a review of the literature concerning the use of video games within psychoanalytic-oriented therapeutic settings in France. Then, we recall the foundations and guiding principles of the psychodynamic approach to therapeutic mediation developed by the "Lyon School." Finally, we provide an analysis of the publications consulted. This allows us to identify the foundations, principles, modalities, and limits of digital mediations and to discuss the parallels and divergences with the model of therapeutic mediation. Digital mediation is presented with a demonstrative, even didactic style. The presentation of the video game occupies a significant place, while the setting and methodology are presented in varying ways. The clinical material, sometimes dense and brought in late, is used for informational or illustrative purposes or to confirm a point of view, which is not conducive to analysis and discussion. With rare exceptions, there is no counter-argument and self-criticisms are sparse. The video game is presented as an object of speech and a support for the projection of psychic life facilitating the expression of unconscious conflicts, but also as a cultural object, close to the younger generations, which would make it an appropriate object for therapy. In mediation, it is thought of as a pretext for a therapeutic encounter and as a solution to the therapeutic impasse. The publications refer to the writings of Anglo-Saxon psychoanalysts, to those of Anzieu, as well as to the contributions of cognitive psychology and developmental psychology. The video game is then thought of as an object that can contain, transform, and integrate anxiety, legitimizing the expression of the life drive without risk of reprisals. It is a support for pluralistic symbolization, a vector of learning and subjectification through action, the use and reflective properties of which reveal the patient's "skills" and "resources." Digital mediations are "techniques" aimed at helping the patient to "mentalize" their conflicts and traumas, to restore their ability to play, to "renarcissize" them, to "restore self-esteem" or to support their "capacity to be alone in the presence of another." They operate by updating the experiences of mother-baby sharing and attunement. There is a transference on the therapist, by diffraction if it is a group, but also on the video game, or on digital figures, in particular the avatar that the player controls. In therapeutic mediation, the video game would be an accelerator of the transferential relationship. The style, the important place allocated to the video game compared to the methodology, the way of using the clinical material and the absence of counter-argumentation contribute to an apparently psychoanalytic approach as well as to a certain imprecision, which does not allow for a discussion of the specificities, the limits, and the gray areas of digital mediations. The use of video games is justified by their status as a cultural object and as a pretext for encounters rather than by the adequacy between their materiality and the patient's problematic. Besides the pitfall consisting in over-investing verbalization and group dynamics to the detriment of the materiality of the object, the question of the therapist's desire and the meaning of this mediation arises. We find common references with the model of therapeutic mediation. However, we identify a risk of fetishization of the game model as well as the pitfall of focusing on the sensorimotor and the properties of the mediating object, to the detriment of intersubjective issues. The reference to Anzieu's work in digital mediation invites several comments. It can lead to a metonymic shift, making the screen an equivalent of the skin. In addition, this theorization can mask the absence of thinking about the issues underlying the video game experience. The practices reported reveal a certain variability and points of divergence with the model of therapeutic mediation, in particular through the focus on objectives and on the way of thinking the setting, but also with certain borrowings from non-psychoanalytic models. This raises questions about the effects of these choices, the positioning of the therapist, and the absence of consensual evaluation methods. We notice a tendency to reduce the transference to what is played out on the screen, in particular with the avatar, which raises the question of a possible marginalization of the intersubjective relationship and of certain forms of negativity, just like pre-figurative elements which constitute the primary forms of symbolization. In addition, the negative transference is very little discussed and not analyzed. Finally, the "acceleration of the transferential relationship" recalls the problematic of hypnosis with a temporary bypassing of the defenses before their recovery after the video game. Countertransference is hardly mentioned, much less its bodily manifestations. Several elements could constitute indications of countertransference, but they are mostly neither identified, nor analyzed, nor discussed. Except in a few writings, the analysis of the transfero-countertransference dynamic remains very succinct. These elements invite us to question the differences with the model of therapeutic mediation. The literature review reveals a diversity in practices, which leads us to discuss the relevance of the therapeutic mediation model for this analytical work. We suggest several points that would increase interest in the psychodynamic approach to therapeutic mediation through video games. First, the setting and methodology could be presented in more detail. Then, the initiative of such therapeutic mediation would gain in quality if the authors specified how they reflected on the link between the patient's problem and the materiality of the mediating object. Finally, the reference to psychoanalysis implies that the clinician's work focuses more on the transfero-countertransferential dynamic, rather than on the presentation of the software and the narration of what is happening on the screen. [ABSTRACT FROM AUTHOR]