Il n'est pas si fréquent que nous ayons un psychiatre élu à l'Assemblée Nationale. Comment les voix de la psychiatrie, de la psychologie, et plus globalement du soin dans toutes ses dimensions peuvent-elles être portées dans l'hémicycle afin d'entraîner des actions favorables sur le terrain ? Le docteur Brahim Hammouche, gériatre, mais aussi psychiatre, élu député de la 8ème circonscription de Moselle, a accepté de témoigner de son expérience de praticien évoluant depuis cinq ans dans l'univers législatif. En plus de ses commentaires concernant le rapport parlementaire dédié à la santé mentale qu'il a présidé, notre confrère nous fait part de ses réflexions eu égard aux perspectives pour la psychiatrie et la psychologie de demain dans notre pays. La place de la pathologie psychiatrique qu'on appelait autrefois « la folie » reste encore extrêmement difficile, douloureuse, notamment car des formes de stigmatisation perdurent. Or il y a aujourd'hui 13 millions de Français confrontés à la maladie psychiatrique, soit un citoyen sur cinq. Si l'on regarde la courbe de l'espérance de vie de sujets atteints de troubles psychiatriques, elle est aujourd'hui 16 ans de moins que les citoyens qui n'en souffrent pas. Alors, par rapport aux dépenses de santé mentale, nous sommes aujourd'hui au premier poste de dépenses pour l'assurance maladie à presque 23 milliards d'euros, ce qui est conséquent et constitue le premier poste de dépenses d'assurance maladie devant les maladies cardiovasculaires et devant les cancers (pour un total de 237 milliards d'euros). De surcroît sur le plan organisationnel, il conviendrait que l'administration ne se fasse pas en monocéphale administro-centré qui donnerait une parole extrêmement contrainte budgétairement en proposant simplement des « indicateurs de qualité ». Ainsi, lorsqu'une institution ne favorise pas la libération de la parole, elle entre hélas dans un système de maltraitance. Faciliter la circulation de la parole entre tous, les patients, leur famille, les soignants, les administratifs, est cardinal. Pour nous, professionnels de la vie psychique, il nous faut nous battre contre des décisions et des orientations prétendant à l'inexistence d'une vie psychique. On ne peut réduire simplement la vie à la communication, aux conduites ou aux interactions. La vie psychique est composée de désirs, de folies, de fantasmes, de pulsions, d'éléments qui dans l'état actuel des données de la science ne sont pas démontrables scientifiquement mais qui dans le quotidien, la proximité, le terrain, et l'écoute, montrent qu'elle existe réellement. Mettons au défi n'importe quelle IRM de démontrer le contraire ! Il faut rappeler que nous sommes encore dans un « bricolage », certes qui peut parfois braquer nos administrations et nos politiques de santé publique, mais nous sommes toujours dans un « bricolage anthropologique ». Nous sommes d'abord pragmatiques et nous adaptons nos pratiques cliniques, notre boîte à outil, à la personne humaine qui est en face de nous. Et, si on fait confiance un peu à la liberté, si on croit au libre-arbitre, l'homme est capable aussi d'autres choses que simplement de répondre à des normes. Nous sommes dans une période où les connaissances évoluent très vite avec une accélération du temps, un foisonnement des données et une complexification des savoirs : il y a un impératif à travailler en équipe. A un moment donné, quand un patient a besoin d'un type de prise en charge, on le lui propose. Dans une équipe, il faut qu'on ait la capacité de construire des thérapies différentes et de proposer à un patient, à un moment donné de son histoire, des orientations adaptées, des soins différents, mais souvent complémentaires. Les rapports parlementaires se multiplient, les conclusions se suivent. Les sujets de santé mentale ne sont pas forcément ceux qui viennent en priorité, tant au niveau parlementaire qu'au niveau du ministère de la santé. Il y a eu une nomination d'un délégué ministériel ce qui est une avancée... peut-être aurons-nous un jour un délégué interministériel. Aussi, nous avons proposé la création d'un Institut National de la Santé Mentale, sur le modèle de l'Institut National sur le Cancer, pour qu'il y ait un niveau d'investissements pluriannuels et une ligne directrice sur des programmes de 5 à 10 ans. Enfin, dernière note d'optimisme, eu égard au financement des séances de psychothérapies, nous sommes partis de presque rien : ce qui était impossible en 2017 devient possible en 2022. Et, maintenant, nous l'avons inscrit et voté dans le budget de la loi de financement de la sécurité sociale pour le printemps 2022 : il y aura possibilité d'avoir un remboursement de 30 euros chez un psychologue. Concernant les modalités, cela restera perfectible à l'usage. It is not so often that we have a psychiatrist elected to the National Assembly. How can the voices of psychiatry, psychology, and more generally care in all its dimensions be brought to the assembly in order to bring about favorable actions in the field? Doctor Brahim Hammouche, a geriatrician, but also a psychiatrist and an elected deputy for the 8th district of Moselle, France, has agreed to testify to his experience as a practitioner who has spent the past five years in the legislative universe. In addition to his comments on the dedicated parliamentary report on mental health that he chaired, our colleague shares his thoughts regarding the prospects for tomorrow's psychiatry and psychology in France. The place of psychiatric pathology, which was once called "madness," is still extremely difficult and painful, especially because forms of stigmatization persist. However, today there are 13 million French people confronted with psychiatric illness, i.e. one in five citizens. The life expectancy of subjects suffering from psychiatric disorders is 16 years less than that of the general public. Annual spending on mental health care accounts for almost 23 billion euros, making mental health the most expensive item in the national budget, ahead of cardiovascular disease and cancer (for a total of 237 billion euros). We should be wary of the risks of a single-headed administrative monster that proposes only "quality indicators." Also, when an institution does not promote the liberation, the expression, and the incarnation of discourse, it enters into a system of mistreatment. Developing this speech, and facilitating its circulation among everyone -- patients, their families, caregivers, administrators -- is essential. As professionals of psychic life, we have to fight against decisions and orientations that claim that psychic life does not exist. Life cannot simply be reduced to communication, behaviors, or interactions. Psychic life is made up of desires, follies, fantasies, impulses -- elements that in the current state of scientific data are not scientifically demonstrable but that everyday life, proximity to patients, and the work of listening "on the ground" show to be real. Let's challenge any MRI to prove the opposite! It should be remembered that we are still in a stage of "tinkering," which can certainly sometimes antagonize our administrations and our public health policies, but we are still in a moment of "anthropological tinkering." We are, above all, pragmatic and we adapt our clinical practices, our toolbox, to the human person in front of us. And, if we trust freedom a little, even if we believe in free will, humanity is also capable of more than simply meeting standards. Because we are in a period where knowledge is evolving very quickly with an acceleration of time, an abundance of data, and a complexification of knowledge, there is an imperative to work as a team. At some point, when a patient needs a particular type of care, it is offered to them. In a team, we must have the ability to build different therapies and to offer a patient appropriate orientations, different but often complementary forms of care. Psychiatric patients are not necessarily subjects that come first, neither at the parliamentary level nor at the level of the Ministry of Health. There was an appointment of a ministerial delegate, which is a step forward... perhaps one day we will have an interministerial delegate. Also, we also proposed the creation of a National Institute of Mental Health, based on the model of the National Institute of Cancer, to ensure multiannual investments and a guideline on 5- to 10-year programs. Finally, the last note of optimism, with regard to the financing of psychotherapy sessions, we started from almost nothing: what was impossible in 2017 became possible in 2022. And, now, we have included and voted it in the social security budget for spring 2022: the possibility of reimbursing 30-euro psychotherapy sessions. Regarding the terms, they will be perfected with experience. [ABSTRACT FROM AUTHOR]