Les tentatives de réguler les entreprises par des standards transnationaux ont pris de l’ampleur ces dernières années. Afin de mieux comprendre ce phénomène, cette thèse par articles étudie les processus d’institutionnalisation des standards qui ont comme objet la responsabilité sociale des entreprises (RSE). En analysant les phases cruciales du « cycle de vie » d’un standard RSE, nous étudions tout d’abord les processus de construction et de légitimation de deux projets de standardisation transnationale. Par la suite, nous analysons les processus de diffusion d’un standard nouvellement créé et « libéré » dans le paysage organisationnel. Finalement, nous adoptons une perspective macrosociale et nous nous concentrons sur la question environnementale pour réfléchir au rôle et à la responsabilité des entreprises quant à la crise environnementale. La recherche s’inscrit dans une approche néo-institutionnelle dynamique qui prend en compte les acteurs et qui met l’accent sur le travail institutionnel, entrepris afin de créer, de légitimer et de diffuser un nouvel élément institutionnel. Cette recherche qualitative utilise une méthodologie d’étude de cas et s’intéresse à la norme ISO 26000 - Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale de l’Organisation internationale de normalisation (ISO). Ce standard transnational privé non certifiable a été développé entre 2002 et 2010. Il s’adresse à toutes les organisations et couvre les principaux thèmes de la responsabilité organisationnelle. L’analyse se base notamment sur de nombreux entretiens menés avec des acteurs-clés, tant au niveau international qu’à l’échelle nationale (Allemagne et au Canada). Le premier article s’intéresse à l’initiation et à la construction des standards RSE transnationaux en comparant les débuts du Global Compact de l’ONU, un standard public, avec les débuts d’un projet de standardisation privé : l’ISO 26000 de l’Organisation internationale de normalisation. En mettant l’accent sur les acteurs et en mobilisant le concept du travail institutionnel, l’analyse distingue six formes de travail institutionnel effectuées : création du standard (discursif/substantielle), mobilisation du soutien (interne/externe), organisation d’un espace d’échange inclusif (consultation/négociation). D’une part, la position sociale des initiateurs, celle de l’organisation productrice de standards et la conjoncture extérieure peuvent soit entraver, soit faciliter la construction du projet de standardisation. D’autre part, certaines formes de travail institutionnel peuvent favoriser la légitimation du projet. La légitimité, potentiellement conférée par les intéressés, est une condition nécessaire pour que le standard soit reconnu et adopté par les entreprises visées. L’analyse révèle les mécanismes de légitimation dans la construction initiale d’une norme RSE et montre que l’ampleur des différentes formes de travail institutionnel varie selon les conditions propres à chaque initiative. Poursuivant l’analyse du travail institutionnel, le deuxième article s’intéresse à la phase qui suit la publication d’un nouveau standard RSE et étudie les processus de diffusion de l’ISO 26000 en Allemagne et au Canada. L’analyse révèle qu’un standard ne se diffuse pas automatiquement, mais que de nombreux acteurs, ayant pour la plupart participé à l’élaboration du standard et issus de divers horizons (consultants, organisations de normalisation, gouvernements, chercheurs, associations d’entreprises), s’engagent à promouvoir le standard. L’organisation à l’origine de la norme n’a qu’une influence limitée sur ces activités et les contextes nationaux exercent une influence importante sur un standard qui se veut transnational. Le cas de l’ISO 26000 nous permet de classer les différentes activités de diffusion et de construire une matrice contenant quatre types de diffusion : le travail de diffusion peut être direct ou indirect, ainsi qu’explicite ou implicite. Si l’adoption du standard par les entreprises est une des conséquences du travail de diffusion, un autre effet peut être l’intégration des idées et des éléments du standard dans d’autres initiatives RSE. Puisque la responsabilité environnementale est l’une des thématiques incontournables de la responsabilité des entreprises, le troisième article place le débat sur la RSE dans le contexte plus large de la problématique environnementale et des efforts consentis pour l’atténuer. L’article évalue les forces et les faiblesses du mouvement vert, des gouvernements et des entreprises dans la réforme environnementale pour constater que rien ne laisse pour le moment présager un changement social qui permettrait de surmonter la crise environnementale globale. À l’aide de la méthodologie prospective, l’article examine alors le possible impact d’une crise pétrolière majeure qui plongerait les pays industriels dans une dépression économique. Cette fin involontaire du modèle économique basé sur la croissance ouvrirait une fenêtre d’opportunité pour une réforme environnementale effective. L’article s’interroge alors sur le rôle et la responsabilité des entreprises dans un tel contexte. Il en ressort notamment, qu’une entreprise responsable offrirait des modèles de réduction et de partage du travail. L’absence de cette thématique dans le débat actuel sur la responsabilité des entreprises montre les limites de la discussion dominante sur la RSE. Par l’analyse du travail des acteurs, cette thèse contribue à la compréhension des processus d’institutionnalisation des standards RSE. Ainsi, elle aide à mieux saisir le phénomène des initiatives de régulation transnationales volontaires qui visent à responsabiliser les entreprises. En même temps, la thèse montre que la définition et la mise en œuvre actuelle de la RSE ne permettent pas de répondre adéquatement à la crise environnementale. Elle appelle alors à une reconceptualisation de la RSE., Attempts at regulating corporations by means of transnational standards have grown over the past several years. In order to better understand this phenomenon, this article thesis studies the institutional processes of standards on corporate social responsibility (CSR). By analysing the crucial phases of the “lifecycle” of a CSR standard, we first study the construction and legitimation processes of two transnational standardization projects. Secondly, we analyse the diffusion processes of a newly created standard which is released in the organisational landscape. Finally, we adopt a macrosocial perspective and focus on the environmental question to reflect on the role and responsibilities of corporations with regards to the current environmental crisis. This research adopts a dynamic neo-institutional framework that focuses on actors and on institutional work aimed at creating, legitimizing, and diffusing a new institutional element. This qualitative research uses a case study methodology and examines the standard ISO 26000– Guidance on social responsibility developed by the International Organization for Standardization (ISO). This private transnational standard, which is not certifiable, was developed between 2002 and 2010. It is aimed at all organizations and covers the main issues of organizational responsibility. The analysis notably relies on numerous interviews with key actors at the international and national level (Germany and Canada). The first article focuses on the initiation and construction of transnational CSR standards by comparing the inception of the UN Global Compact, a public standard, with the outset of a private standardization project – the ISO 26000. By focussing on the actors and by applying the concept of institutional work, the analysis distinguishes between six forms of institutional work which had been undertaken: the creation of the standard (discursive/substantial), the mobilization of support (internal/external), and the organization of an inclusive space for discussion (consultation/negotiation). On the one hand, the social position of the initiators and of the organization that produces the standard as well as the external conjuncture can either hamper or facilitate the construction of a standardization project. On the other hand, certain forms of institutional work can foster the legitimation of the project. Legitimacy, potentially bestowed by an interested audience, is a necessary condition for the recognition and adoption of the standard by corporations. The analysis reveals the legitimation mechanisms in the initial construction of a CSR standard and shows that the amount of the different forms of institutional work varies depending on the specific conditions of each initiative. Continuing the analysis of institutional work, the second article focuses on the phase that follows the publication of a new CSR standard and studies the diffusion processes of ISO 26000 in Germany and Canada. The analysis reveals that a standard is not diffused automatically, but that many actors, for the most part having participated in the development of a standard, from various backgrounds (consultants, standards organizations, governments, researchers, business associations), engage to promote the standard. The organization that launched the standard has only a limited influence on these activities, and national contexts have an important influence on a standard which aspires to be transnational. The case of ISO 26000 allows us to categorize different diffusion activities and build a matrix comprising four types of diffusion: diffusion work can be direct or indirect, as well as explicit or implicit. If the adoption of a standard by corporations is one of the consequences of diffusion work, another result can be the integration of ideas and elements of the standard in other CSR initiatives. Given that environmental responsibility is one of the key topics of corporate responsibility, the third article places the CSR debate in the broader context of environmental problems and the consented efforts to mitigate them. The article evaluates the strengths and weaknesses of the green movement, governments and corporations in environmental reforms to note that nothing indicates a social change which would allow societies to overcome the global environmental crisis. By means of foresight methodology, the article examines the possible impacts of a major oil crisis that would lead to an economic depression in industrialized countries. This involuntary end to the economic growth model would open a window of opportunity for effective environmental reforms. The article ponders the role and responsibility of corporations in such a context. Specifically, it reveals that a responsible corporation would offer models of work reduction and work sharing. The absence of this topic in the current debate on corporate responsibility shows the limits of the dominant CSR discussion. By analysing the institutional work of actors, this thesis contributes to the understanding of the institutionalization processes of CSR standards. Thereby, it helps us comprehend the phenomenon of voluntary transnational regulation initiatives aimed at making corporations more responsible. At the same time, the thesis shows that the current definition and implementation of CSR does not adequately respond to the current environmental crisis. Therefore, it calls for a reconceptualization of CSR.