Cet article entend approfondir un modèle théorique de l'appareil psychique présenté lors d'un précédent travail, en particulier l'une de ses caractéristiques majeures : la présence, au cœur de son fonctionnement, d'une dynamique inconsciente d'association perceptive en partie héritée du processus primaire de la théorie freudienne. L'article fait un premier détour par les écrits freudiens abordant trois phénomènes psychiques : le rêve, le lapsus et le mot d'esprit. L'analyse de ces travaux laisse entrevoir une difficulté théorique touchant à l'action de deux processus (primaire et secondaire) mis en opposition par Freud, et invite à une alternative mise à profit par notre modèle. Pour illustrer et expliciter celui-ci, l'article se déplace ensuite vers les expériences fameuses menées par Alfred Binet à la fin du XIXe siècle auprès de ses patientes hystériques et mettant en scène une série de phénomènes dits de « double conscience ». Il apparaît que la dynamique inconsciente d'association perceptive anime en permanence la vie psychique, aussi bien dans les phénomènes inconscients que dans la pensée régulière. C'est elle, typiquement, qui œuvre dans la question facétieuse que nous adressons au lecteur : « Si je vous dis 'rouge', à quoi pensez-vous ?! ». Cette dynamique, semble-t-il, apporte au mécanisme naturel de pensée des propriétés de condensation et de déplacement que Freud avait déjà repérées, sous une forme plus intense, dans la formation du rêve et attribuées à son processus primaire. La pensée, plus précisément, se présente comme le produit de cette dynamique en tant qu'elle est encadrée par l'activité du champ de conscience, capable de l'actionner et de la canaliser à la fois. Il est possible que l'irruption du rêve résulte d'une sorte de basculement dans la collaboration naturelle entre champ de conscience et système inconscient durant le sommeil : l'abaissement de l'activité de conscience laisse alors le champ libre à la dynamique associative de l'inconscient quand, au contraire, elle resserre son étreinte dans la pensée vigile. Plus généralement, peut-on croire, la pensée dans toutes ses formes dépend toujours du contrôle exercé par le champ de conscience sur la dynamique associative de l'inconscient. Une grande liberté laissée à cette dernière doit par exemple être une condition de la création artistique. Notre réflexion et notre modèle empruntent très clairement à la théorie freudienne. Pourtant, de façon tout aussi claire, ils s'en écartent à plusieurs égards. Partant de la dynamique du système inconscient, cet article vient en particulier remettre en avant l'importance de l'activité de conscience quand Freud tendait au contraire à la minimiser. Sous cet angle, il n'est pas impossible que notre modèle tienne le milieu entre la pensée de Freud et celle de Janet. This article aims to deepen a theoretical model of the psychic apparatus introduced in a previous work, in particular one of its main characteristics: the presence, at the center of its functioning, of an unconscious dynamic of perceptive association partly inherited from the primary process of the Freudian theory. The article first surveys Freud's writings about three psychic phenomena: dreams, slips of the tongue, and jokes. Analyzing these works suggests a theoretical difficulty concerning two processes (primary and secondary) considered to be opposites by Freud, and leads to an alternative applied by our model. The article then moves on to the famous experiments conducted by Alfred Binet with his hysterical patients at the end of the 19th century, in which the so-called phenomenon of "double consciousness" was put on display. It appears that the unconscious dynamic of perceptive association is always a driver of psychic life, in both unconscious phenomena as well as in regular thinking. It typically operates when we facetiously ask the reader: "If I say 'red', what comes to mind?" This dynamic seems to bring to the natural mechanism of thinking some proprieties of condensation and displacement already identified by Freud, in a more intense form, in the making of dreams and attributed to his primary process. More precisely, thinking appears to be the product of this dynamic, given that it is supervised by the activity of the field of consciousness, simultaneously able to activate and channel it. The irruption of dreams possibly results from a kind of switching in the collaboration between consciousness and the unconscious system during sleep: the lowering of conscious activity then opens the way for the associative dynamic of the unconscious whereas, on the contrary, the former tightens its grips in the alert thinking. More generally, we can consider that thinking, in all its forms, always depends on the control exercised by the field of consciousness over the associative dynamic of the unconscious. A great freedom given to the latter would necessarily be a condition for artistic creation, for example. Our reflections and model clearly borrow from Freudian theory, while also clearly departing from it in several respects. Starting from the dynamic of the unconscious system, this article highlights the importance of conscious activity when Freud instead tended to minimize it. From this perspective, our model would appear to occupy a middle ground between Freud's and Janet's. 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