International audience; Accueillant les best papers des 15èmes Rencontres Internationales de la Diversité et des sessions Business Ethics, CSR, Diversity Management and Inclusion des Colloques IRMBAM 2019 et 2020, le présent cahier thématique, riche de 7 articles de recherche, propose un éclairage international et multifocal autour des nouveaux défis de la diversité et de l’inclusion au travail.Jean-Marie PERETTI offre une analyse approfondie des continuités et des évolutions ayant touché le reporting social en matière de diversité et d’inclusion dans les grandes entreprises hexagonales. L’article propose une archéologie du reporting social depuis les premiers bilans sociaux rendus obligatoires en 1979 jusqu’aux déclarations de performance extra-financière instaurées en 2017 au bénéfice d’une transposition en droit français de la Directive européenne de 2014. L’approche longitudinale mobilisée et la richesse des données empiriques collectées tirées desDéclarations de Performance Extra-Financière 2018 de dix-huit grandes entreprises (dont BPCE, Casino, Danone, Hermès, La Poste, L’Oréal, LVMH, Michelin, PSA, Société Générale, Sopra-Steria, Sodexo, Total, Vinci…) supportent une démonstration rigoureuse et éclairante, dont l’intelligibilité est renforcée par des illustrations savamment choisies. Sur le fond, l’article analyse avec finesse les dynamiques de rationalisation et de professionnalisation des démarches diversité/inclusion avec, en corollaire, l’efflorescence d’une foultitude d’objectifs chiffrés, d’exemples qualifiés et de résultats mesurés et, subséquemment, un enrichissement des informations extra-financières publiées. L’extension périmétrique des politiques de diversité et d’inclusion, malgré la permanence des thématiques-phares (égalité femmes-hommes, puis insertiondes seniors et des jeunes, inclusion des personnes handicapées), est également mise en relief. Là où le champ du managementde la diversité apparaît simultanément se structurer et s’élargir (de sorte à embrasser de nouvelles sources et de nouveaux chantiers), les processus d’évaluation, certification et audit des informations par des tiers indépendants, explique magistralement l’auteur, se font de plus en plus précis.Nadia LAZZARI DODELER, Marie-Noëlle ALbert et Asri Yves OHIN invitent à se défaire d’une conception gestionnaire de la diversité au travail et plaident en faveur d’une refondation téléologique des diversity policies. Cela invite à concevoir une ingénierie pour la diversité (socialement enracinée dans une communauté de personnes) à même de privilégier la flamme serpentante de l’ingenium à la technicité froide de l’engineering. Prenant en examen le cas d’une organisation bancaire, les auteurs mobilisent une méthodologie originale, l’autopraxéographie, consistant à supporter l’analyse par un témoignage, rédigé à la première personne, mettant à l’écrit l’expérience vécue (perçue/auto-représentée) d’une personne. Une telle approche compréhensive permet de collecter des informations riches et non redondantes, de décortiquer des phénomènes complexes (à la frontière de l’objectif et du subjectif) et de « construire des savoirs génériques afin de faire du sens pour les praticiens ».Marie-José SCOTTO, Maria Giuseppina BRUNA, Ines LABIDI et André BOYER explorent, au travers d’une étude qualitative exploratoire, la genèse et la structuration du premier réseau affinitaire féminin de l’univers de la sécurité : le Club des Femmes dans la Sécurité. L’article décrit les mécanismes de cooptation, socialisation, régulation et co-apprentissage se déployant au sein du Club. Il éclaire, en miroir, sa contribution intrinsèque à l’empowerment (prise de confiance, montée en compétences et en assurance, développement du capital social…) des adhérentes et à la transformation d’un secteur en plein essor. Réseau d’échange, de soutien et de (co)promotion, le Club y est analysé comme une boîte à outils de l’égalité professionnelle et comme un laboratoire d’innovation sociale et managériale. L’article éclaire in fine le soutien accordé par le réseau au cheminement professionnel des leaders et des membres actives du réseau, au sein d’un secteur d’activité majoritairement masculin et baignant dans une culture viriliste. Adoptant une perspective multiniveau, il interroge les contributions du Club à la bonne marche des entreprises du secteur.Adnane CHADER, Natacha PIJOAN et Jean-Michel PLANE proposent une réflexion très documentée autour des liens entre partage émotionnel et inclusion, en explorant le rôle médiateur de l’écoute et de l’expression des émotions. Par le truchement d’une enquête qualitative riche de 30entretiens semi-directifs, les auteurs révèlent la contribution essentielle de l’expression, du partage et de l’écoute des émotions à l’inclusion sociale des collaborateurs. Ils en explorent l’impact en termes de développement des sentiments d’appartenance et d’authenticité. Contribution à une heuristique de l’inclusion, le présent article esquisse le portrait d’un style nouveau de leadership : le leadership inclusif.Annie CORNET, Paul MATAMBA et Christine TOMAT proposent un éclairage original, sous forme de bilan critique, de vingt ans de médiation interculturelle dans les hôpitaux publics belges francophones. Embrassant une approche Business Case de la Diversité, dont Annie Cornet a été l’une des pionnières mais aussi l’une des premières analystes critiques dans le champ francophone, l’article explore avec finesse les motifs ayant inspiré la création de la fonction de médiateurs interculturels dans les hôpitaux belges francophones. Après avoir rappelé les objectifs assignés à la fonction, il donne à voir sa contribution à la gestion des situations critiques qui parsèment le parcours de soin des patients d’origine étrangère (migrants, réfugiés, etc.), qu’elles renvoient à des problématiques linguistiques/communicationnelles ou à des divergences axiologiques. Traducteurs interculturels naviguant entre les cultures (celle du pays d’origine et celle du pays d’accueil), les registres (administratif et médical vs personnel et familial…) et les logiques (économiques vs sociales), les médiateurs sont au cœur des politiques de gestion de la diversité en milieu hospitalier. Tiers d’intermédiation et de confiance, ils se placent à équidistance entre l’institution et le patient et ont pour mission d’améliorer la qualité des services tout en assurant une plus grande égalité devant les soins. Contribution à une heuristique de l’inclusion en secteur hospitalier, cet article invite à penser le lien entre santé et inclusion, à l’heure où nos nations confrontées à la pandémie COVID-19 redécouvrent leur vulnérabilité, les inégalités sociales dans l’accès au soin… et la centralité (trop souvent déniée) du système public hospitalier. À la frontière entre la philosophie des sciences de gestion et le management des ressources humaines, Camille RICAUD propose une analyse critique des liens entre diversité et rationalité managériale, au travers du paradigme du neutre. Comme le souligne à juste titre l’auteur, « la diversité est porteuse de possibilités tout comme elle suppose également de potentielles difficultés pour l’organisation. Les discours et les pratiques des politiques managériales de diversité forment ainsi un ensemble cohérent qui cherche à saisir les différences individuelles en les identifiant defaçon à les gérer et les accorder avec les buts de l’organisation ». Cependant, la catégorie de neutre semble échapper à l’emprise du management. Distincte de la notion de neutralité, elle s’enracine dans la tradition philosophique. Discordante des paradigmes rationalistes (instrumentaux) traditionnels, elle échappe aux taxonomies simplistes. Ingérable, elle permet de renouveler la perception de la diversité dans les organisations.Ce faisant, cet article théorique inaugure un champ de recherche inédit et des plus prometteurs. Hacène LAÏCHOUR et Jean-François CHANLAT explorent, avec finesse, les dynamiques d’inclusion socio-professionnelle des salariés issus de territoires urbains défavorisés métropolitains. Les angles d’approches (distincts mais complémentaires) embrassés dans l’article- soit le recrutement et l’intégration en entreprise - donnent à voir l’emboîtement de l’économique et du social dans les mécaniques d’inclusion/d’exclusion dans les zones urbaines désavantagées. L’article offre, ainsi, un éclairage original sur l’encastrement réciproque de la question sociale - appréciée au regard du prisme de la diversité sociale - et de la question territoriale. Ainsi, c’est l’entrelacement entre fracture sociale et fracture territoriale qui constitue la trame de fond de l’analyse qui se fait, volontiers, multi-niveau et intersectionnelle. Sont ainsi décortiqués les motifs, tour à tour socio-économiques, institutionnels, managériaux et écosystémiques, qui poussent (ou non) les grandes entreprises à se rapprocher des territoires et à faire trésor de la diversité de talents qu’ils recèlent. Cet article adopte son cadrage théorique gestionnaire bien qu’il embrasse, à bon escient, une approche interdisciplinaire (faisant appel à la sociologie classique, de l’immigration, de l’intégration aussi bien qu’à l’anthropologie des organisations) pour éclairer d’un jour nouveau les ressorts (brisés) de la cohésion sociale. Deux varia et un essai complètent ce numéro.Soufyane FRIMOUSSE, Yves LEBIHAN, Mireille BLAESS, Abdelaziz SWALHI et Thierry FABIANI s’interrogent sur la remise en question du rôle du leader au sein de l’entreprise. Par le biais de la psychologie positive, ils tentent de répondre à la question : le leader positif favorise-t-il le développement de la passion et du bien-être au travail ? Ils illustrent la dynamique de ce développement avec le cas d’une société du secteur de la santé, l’OCP. Anne Goujon BELGHIT et Olfa Gréselle-ZAÏBET étudient les apports d’un outil pédagogique innovant dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Pour savoir comment les étudiants s’approprient une nouvelle connaissance (le capital humain), elles ont adopté une approche de pédagogie inversée à l’aide de cartes conceptuelles, en s’appuyant sur le cycle d’apprentissage de Kolb. Leurs résultats montrent que l’efficacité de l’outil des cartes conceptuelles dépend des besoins cognitifs des élèves, des objectifs de l’enseignant et surtout du niveau de participation des élèves (grandeur demeurant difficile à évaluer avec précision). L’utilisation des cartes conceptuelles par les enseignants, en montrant aux élèves comment structurer leurs connaissances de manière continue, leur permettra de progresser aussi bien dans l’apprentissage à l’université que dans leur future vie professionnelle. Enfin, dans un essai consacré aux transformations organisationnelles en cours, François SILVA et Charles-Philippe MOURGUES proposent une typologie des managers au vu des nouveaux objectifs assignés aux entreprises, moins centrés sur la rentabilité à court terme que sur des valeurs non financières partagées avec des parties prenantes autres que des actionnaires. Le « manager mercenaire» serait mû par une idéologie rivée sur la rémunération tandis que le « manager missionnaire » chercherait à imposer une vision nouvelle au monde de l’entreprise. Les auteurs considèrent qu’un troisième type, le « manager légionnaire », serait le plus à même de faire face aux bouleversements du contexte économique en portant des valeurs de respect de la diversité, de tolérance et d’ouverture sur le monde. Zahir YANAT Maria Giuseppina BRUNARédacteur en chef Rédactrice en chef adjointe