Bottineau, Didier, Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations (ICAR), École normale supérieure - Lyon (ENS Lyon)-Université Lumière - Lyon 2 (UL2)-INRP-Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines (ENS LSH)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), G. Le Tallec-Lloret (auteur), Marc Arabyan, and École normale supérieure de Lyon (ENS de Lyon)-Université Lumière - Lyon 2 (UL2)-INRP-Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines (ENS LSH)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
International audience; Préface Linguistique du signifiant : diachronie et synchronie de l'espagnol. Une théorie, un domaine, une langue. Derrière le charme discret de son équilibre d'apparence classique, ce titre concentre un triple parcours de recherche à la fois individuel et collectif. Le premier concerne l'affirmation d'un paradigme et d'une méthode, la linguistique du signifiant. Le second oriente son application vers l'une de ses questions les plus délicates : la relation entre la diachronie et la synchronie. Le troisième, l'espagnol, n'est pas que la langue « anecdotique » à laquelle s'applique ce programme : l'espagnol est la langue étudiée par les linguistes français, ou installés en France, qui ont fait émerger la linguistique du signifiant sous cette dénomination. C'est dire que l'ouvrage de Gabrielle Le Tallec revêt une importance toute particulière dans le contexte de la linguistique actuelle. Nous sommes tout de même à une époque où la réflexion théorique n'a pas vraiment le vent en poupe ; où la réflexion sur le signe apparaît comme un vestige du siècle de Saussure, voire un écho des grammaires présocratiques et un avatar du post-cratylisme commenté par Jakobson et Genette ; où la réflexion sur le signe a été occultée par les approches formelles, diluée par les grammaires de constructions, voire disloquée par le courant cognitiviste. Pourtant, contre modes et pressions, des linguistes, et en particulier la communauté des linguistes hispanistes de France, et en particulier cet ouvrage de Gabrielle Le Tallec, non pas « persistent », mais plus exactement, creusent leur sillon, avec une constance et une ténacité qui ne s'explique que par la force de la motivation intellectuelle qui sous-tend la démarche. Alors de quoi est-il question exactement ? L'ouvrage qui s'ouvre comprend trois types d'études : un article général d'histoire de la théorie linguistique sur la linguistique du signe et signifiant ; deux études sur le traitement théorique de questions ciblées, l'approche référentialiste de la concordance des temps et la théorie des modes de Gilles Luquet ; et, « first but not least », une série d'études en diachronie de l'espagnol appliquées à l'accusatif prépositionnel et à des marqueurs liés à l'espace (y, o, ende, onde), à des bouquets de marqueurs interconnectés (o, do, onde, donde) et à des constructions qui les impliquent (fueras ende), couvrant la gamme des éléments formateurs, de leurs agglutinations qui composent les opérateurs, et de l'exploration des conditions d'emploi dans le discours. Voici un ouvrage qui concentre un parcours cohérent : une recherche qui, en partant d'une analyse systématique et détaillée de faits empiriques « sur la paillasse », en vient à s'approprier graduellement la linguistique du signifiant au point de la redéfinir, la faire évoluer, la mettre en perspective dans l'histoire des théories linguistiques, et finalement d'en faire un fer de lance des réflexions actuelles. La linguistique du signifiant Gabrielle Le Tallec me fait l'honneur et me confie la responsabilité difficile de préfacer cet ouvrage, la barre étant réellement haut placée, vue l'importance qu'elle accorde à la cognématique dans l'article dont le titre termine par ce terme, et très généralement l'implication de toute la théorie générale au coeur de la recherche de détail ici réalisée ; je tenterai de mettre en relief l'importance de cette publication par quelques éléments de perspective.