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Ce numéro de L’Année du Maghreb est exceptionnellement publié avec l’aide de l’Institut de recherches sur le Maghreb contemporain (IRMC) et CNRS Éditions. L’ensemble du comité de rédaction remercie Katia Boissevain, directrice de l’IRMC, dont le soutien a permis la mise en ligne de cette nouvelle livraison. Ce travail a été effectué par Selma Hentati, responsable des publications de l’IRMC, que nous remercions très chaleureusement. La version papier a été vérifiée, maquettée, et imprimée grâc...

L’actualité de L’Année du Maghreb est marquée par le départ de Katia Boissevain du poste de direction de publication. Nous la remercions chaleureusement pour le travail accompli ces six dernières années. Katia a œuvré à consolider notre collectif, en impulsant et/ou confortant de nouvelles méthodes de travail et en instaurant un rythme plus soutenu de réunions – et de joyeuses retrouvailles. Plus de discussions, plus de partage des tâches, plus de décisions concertées donc, pour faire de chaq...

Sommaire : Éditorial Collectif des revues en lutte, Camille Noûs et Comité de rédaction Sciences en danger, revues en lutte [Texte intégral] Partie I : Décoloniser et indiscipliner les savoirs Camille Noûs et Comité de rédaction Introduction. Décoloniser et indiscipliner les savoirs [Texte intégral] Sélection d'articles Sossie Andézian Sciences sociales et religion en Algérie : la production contemporaine depuis l'indépendance [Texte intégral] Abdou Filali-Ansari L'idée du Maghreb à travers les sciences sociales [Texte intégral] Clémentine Gutron et Ahmed Skounti Dossier Patrimonialiser au Maghreb : Introduction [Texte intégral] Alain Roussillon L'Annuaire de l'Afrique du Nord à travers les âges. Des indépendances à la globalisation : routinisation du travail de deuil de la colonisation [Texte intégral] Jean-Claude Vatin Défense (et illustration) de l'anthropologie [Texte intégral] Partie II : Une revue au travail Camille Noûs et Comité de rédaction Introduction. Une revue au travail [Texte intégral] Sélection d'articles Karim Ben Kahla L’université tunisienne face au dilemme universalité/mondialisation Réflexions sur la “fracture universitaire” et les modes de structuration de l’enseignement supérieur en Tunisie [Texte intégral] Larbi Chouikha et Vincent Geisser Retour sur la révolte du bassin minier. Les cinq leçons politiques d’un conflit social inédit [Texte intégral] Fanny Colonna Le spectre de la dépossession : du déracinement à la misère du monde [Texte intégral] Jeanne Favret Le syndicat, les travailleurs et le pouvoir en Algérie [Texte intégral] Fatima Mernissi Le prolétariat féminin au Maroc [Texte intégral] Nourreddine Sraieb À propos du mouvement ouvrier maghrébin [Texte intégral] Héla Yousfi L’UGTT et l’UTICA : Entre conflit ouvert et union sacrée [Texte intégral] Partie III : Maghreb traversé : questionner les frontières Camille Noûs et Comité de rédaction Introduction. Maghreb traversé [Texte intégral] Sélection d'articles Sayad Abdelmalek Les effets culturels de l'émigration, un enjeu de luttes sociale [Texte intégral] Julien Brachet De quelques aspects des dimensions politiques et économiques des circulations migratoires au Sahara central [Texte intégral] Corinne Cauvin Verner Le tourisme sexuel vu du Sahara marocain : une économie de razzia ? [Texte intégral] Saïd Haddad De Paris à Palerme, la Libye entre illusions électorales et économie de guerre [Texte intégral] Berriane Johara Intégration symbolique à Fès et ancrages sur l’ailleurs : Les Africains subsahariens et leur rapport à la zaouïa d’Ahmad al-Tijânî [Texte intégral] Delphine Perrin Réflexions sur la déchéance de nationalité en contexte terroriste – (pluri)appartenance et (sous)citoyenneté en France et au Maghreb [Texte intégral] Didier Le Saout Faire hirak à Paris. Les mises en scène d’une révolution contre le « système algérien [Texte intégral] Partie IV : Quelle subalternité ? Camille Noûs et Comité de rédaction Introduction. Quelle subalternité ? [Texte intégral] Sélection d'articles Mohamed Elbaki Hermassi Le nouvel État et les résistances de la société civile [Texte intégral] Salem Chaker Les droits de l'homme sont-ils mûrs en Algérie ? Réflexions d'un acteur sur la ligue algérienne des droits de l'homme [Texte intégral] René Gallissot Les émeutes, phénomène cyclique au Maghreb : rupture ou reconduction du système politique [Texte intégral] Abdelkader Zghal Le concept de société civile et la transition vers le multipartisme [Texte intégral] Stéphanie Pouessel Les marges renaissantes : Amazigh, Juif, Noir. Ce que la révolution a changé dans ce « petit pays homogène par excellence » qu’est la Tunisie [Texte intégral] Mohamed Brahim Salhi Entre communauté et citoyenneté : le local en contestation. Le cas de la Kabylie [Texte intégral] Malika Rahal Fille d’Octobre. Générations, engagement et histoire [Texte intégral] Abir Krefa Modes et limites des résistances à la domination de genre dans les écrits de romancières tunisiennes [Texte intégral] Partie V : Écrire sur le politique : autocensure, protection des sources et régime de vérité Camille Noûs et Comité de rédaction Introduction. Écrire sur le politique : autocensure, protection des sources et régime de vérité [Texte intégral] Sélection d'articles John Waterbury La légitimation du pouvoir au Maghreb : tradition, protestation et répression [Texte intégral] Rachid Bellil La domestication du savoir sur la société. Remarques sur la sociologie en Algérie [Texte intégral] Abdelkader Zghal Le concept de société civile et la transition vers le multipartisme [Texte intégral] François Siino L'Université tunisienne banalisée : mise à niveau libérale et dépolitisation [Texte intégral] Vincent Geisser Les protestations populaires à l’assaut des régimes autoritaires : une « révolution » pour les sciences sociales ? [Texte intégral] Frédéric Vairel « Qu’avez-vous fait de vos vingt ans ? » Militantismes marocains du 23-mars (1965) au 20 février (2011) [Texte intégral] Kmar Bendana Entrer dans l’histoire de la Révolution tunisienne ? [Texte intégral] Thierry Desrues et Éric Gobe Introduction : Quand l’Algérie proteste. Le Maghreb au prisme du hirak algérien [Texte intégral]; International audience; Le Comité de rédaction de L’Année du Maghreb (L’AdM) s’associe au « Collectif des Revues en luttes » sous l’éditorial de Camille Noûs « Sciences en danger, revues en lutte ». Ce numéro – à partir d’une sélection d’articles qui revisite 60 ans de publications autour de cinq questions – veut défendre l’autonomie et les ressources de la recherche et de l’édition scientifique au service de la compréhension de nos sociétés.L’AdM est l’héritière de l’Annuaire de l’Afrique du Nord, publication née en 1962 dans le prolongement des luttes de libération nationale et de la construction des nouveaux États (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie) ; l’une après l’autre, elles ont rendu compte au fil de leurs articles et chroniques de débats sociétaux et controverses politiques majeurs. L’effort de décoloniser les savoirs a rendu plus vive encore que dans d’autres contextes la perception des menaces à la liberté de penser. Cette zone à défendre constitue l’un des horizons de notre revue. Ainsi, ce numéro spécial n’a pas seulement pour objectif de rendre hommage aux auteur.e.s qui, par leurs contributions, ont éclairé durant plus d’un demi-siècle les mobilisations ici et là-bas, il répond aussi au désir d’inscrire notre publication dans une histoire critique des mouvements sociaux qui traversent le champ scientifique et universitaire.L’Année du Maghreb est une revue universitaire publiée par CNRS Éditions, hébergée par l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM), soutenue par Aix Marseille Université (AMU). Elle est attachée à son indépendance éditoriale et au service public de la recherche, jusqu’à récemment préservée mais fragilisée par les logiques commerciales et managériales qui gagnent certains secteurs de l’édition scientifique. Cette indépendance permet, notamment, de promouvoir les publications des « précaires de l’enseignement supérieur » et de sortir de « l’entre soi », ce qui contribue au renouvellement des thématiques scientifiques, des terrains d’enquête mais aussi des approches méthodologiques et théoriques sur le Maghreb.Ainsi, les textes rassemblés rendent compte de nos choix éditoriaux, des mutations des métiers de la recherche, et des rapports de forces qui se jouent non seulement dans l’édition scientifique mais dans nos sociétés contemporaines, dont le Maghreb peut faire figure d’avant-garde à bien des égards.Si L’AdM n’a jamais été une revue militante, elle est depuis sa fondation une publication engagée, vitrine éditoriale des mouvements sociaux, des mobilisations populaires et des protestations des sociétés du Sud de la Méditerranée comme de leur prolongement dans les sociétés européennes. Cette revue est le produit de la circulation des savoir-faire, des informations, des connaissances et des sociabilités transnationales. Elle a pour ADN de contribuer à l’analyse des multiples formes de domination d’ici et d’ailleurs, à la défense des libertés académiques et à la lutte contre toutes les formes de censure.Solidairement

S’engager, ou s’investir, dans une institution, c’est finalement découvrir ce qu’on peut légitimement y faire, ce qu’on peut attendre de ses activités et de son fonctionnement – tel qu’il est et non tel qu’on l’a rêvé avant de « franchir le pas ». Celles et ceux qui font directement cette expérience – les « convertis » dans le cas d’une Église, mais tout autant le jeune officier récemment sorti de l’École d’Application ou le nouvel adhérent d’un parti – rencontrent en quelque sorte, la force ...

La religion est désormais individuelle, un « pour soi » que l’on garde, que l’on a parfois du mal à avouer aux autres pour deux raisons, différentes mais complémentaires. Premièrement, c’est une « chose » personnelle, un sentiment qui touche à une relation établie intimement avec Dieu et avec la communauté. L’intime est important : le sentiment religieux est privé et ses manifestations sont de doux et forts tourments intérieurs qui propulsent dans un rapport au monde si particulier. Cette rel...

La conversion religieuse est un processus énigmatique, parfois insaisissable, entre les bouleversements spirituels et leur encadrement religieux, entre la portée d’un changement individuel et l’ampleur de ses effets sociaux. À partir d’une ethnographie de la conversion religieuse menée durant plusieurs années et avec une optique comparative inédite entre les trois monothéismes, l’ouvrage détaille la façon dont on se convertit aujourd’hui en France. Loin de l’idée communément admise de l’abjuration soudaine d’un individu, ce livre montre le rôle central de la nouvelle religion dans l’émergence d’un récit de conversion et l’importance cruciale des proches (familles et amis) dans l’évolution spirituelle des convertis qui vivent en quelque sorte un coming-out religieux. En laissant une large place à ceux qui traversent, encadrent et accompagnent cette odyssée spirituelle, l’ouvrage détaille les étapes de la conversion religieuse en montrant ce qui est attendu des convertis et les façons dont ils s’emploient à y répondre. L’auteur développe une conception relationnelle des conversions religieuses tout en questionnant la place contestée du religieux dans la société française. Les histoires de conversions rapportées dans cet ouvrage témoignent des redéfinitions en cours des identités religieuses en France et la singularité des nouveaux convertis dans un pays laïc et sécularisé, croyants dans un monde incroyant.

S’il est incontestable qu’il existe de l’émotion en religion (Champion et Hervieu-Léger, 1990), cette émotion doit cependant être « canalisée » par l’institution. Le rôle de celle-ci est de « rendre banal » le changement de religion. À travers l’association de ces mots et verbes contradictoires nous souhaitons qualifier le travail de l’institution de manière plus générale et aussi plus réflexive. Nous situerons ce travail dans l’espace des tensions que constituent ces contradictions : d’une p...

Alors que la conversion est généralement présentée comme une rupture et un changement irrémédiable, elle exige surtout d’être rapportée, justifiée et expliquée aux autres. Les convertis se situent donc dans une tension entre l’attestation d’un changement intime, d’un bouleversement et l’inscription dans une continuité relationnelle avec autrui. La conversion entraîne une réévaluation des pratiques et des engagements de l’individu et donc de ses rapports aux autres. Ce chapitre privilégie l’ob...

Dans ce chapitre, il s’agit de caractériser des formes de discours différentes selon les situations dans lesquelles les convertis sont en interaction. L’une des compétences des convertis (parmi d’autres) consiste à savoir varier les versions du récit de conversion en fonction des publics et des espaces : il existe plusieurs récits qui réfèrent à la même conversion. Une fois embarqué dans l’histoire de soi, le converti a la possibilité de moduler son récit. Par exemple, il peut détailler toute...

Ce chapitre s’inscrit dans la continuité des précédents qui insistent sur les « savoir-faire » des convertis pour se conformer à un ordre social : il faut savoir parler de soi comme il faut s’inscrire (c’est-à-dire montrer que son action est comprise dans) dans un « paysage laïc ». J’emploie cette notion de paysage dans une acceptation qui renvoie davantage à la configuration de Norbert Elias qu’au décor d’Erving Goffman. Goffman entend par décor une partie de l’appareillage symbolique de la ...

Tout aussi bien que des hommes, la société consacre des choses, notamment des idées. Qu’une croyance soit unanimement partagée par un peuple, et, pour les raisons que nous avons exposées plus haut, il est interdit d’y toucher, c’est-à-dire de la nier ou de la contester. Or l’interdit de la critique est un interdit comme les autres et prouve que l’on est en face de quelque chose de sacré. Même aujourd’hui, si grande que soit la liberté que nous nous accordons les uns aux autres, un homme qui n...

Si aujourd’hui le choix d’une religion résulte d’un choix intime et personnel, il appartient à l’individu de se présenter et de présenter ses choix religieux. Un premier point est consacré aux éléments essentiels de ce qu’on peut appeler le récit de soi. Le second point s’intéresse aux moments de doutes, dont nous avons vu qu’ils sont constitutifs de toute conversion. Il y a dans les formes de l’aveu (ou pas) du doute un point crucial, celui de la façon dont sont vécues les étapes de la conve...

L’expérience première de l’espace public n’est pas celle d’une crispation existentielle, privée – la solitude –, face à la plénitude, structurale, du monde. […] Ce qui nous est donné plutôt, c’est l’expérience des fluidités de la coprésence et de la conversation, les petites oppositions sociales que sont nos hésitations, le surplus de sociabilité dans sa matérialité discursive. Et c’est aussi l’expérience du délaissement de cet exister, au profit des affres de l’existant. Isaac Joseph, Le pas...

L’analyse est comparative, ce qui signifie que ne seront pas distinguées, a priori, les particularités de chaque culte (exception faite à l’accueil spécifique que réserve le Consistoire aux personnes voulant devenir juives). L’enquête mêle les témoignages des convertis et des clercs, qui parfois se répondent. Cependant ils sont présentés dans l’ordre chronologique du processus : d’abord la prise de contact, ensuite la prise en main et pour finir, parfois, les prises de bec. La prise de contac...

Au terme de ce parcours nous pouvons avancer deux grands axes à propos de l’étude des conversions religieuses. Premièrement, la conversion doit se penser de manière relationnelle et contextualisée, car elle est le produit de multiples interactions qui sont essentielles tout au long du cheminement. En second lieu, les conversions religieuses témoignent d’une « religion en actes », c’est-à-dire d’une multiplicité d’échanges et de représentations, au sein d’un espace public tolérant et exigeant,...

Cet ouvrage publié dans la collection « Bibliothèque de science politique » des Classiques Garnier est imposant à plus d’un titre. Il l’est d’abord par son format (746 pages), sa table des matières (53 auteurs pour 44 contributions), son poids (presque 1 kilogramme) et son prix (49 euros) ! Il l’est ensuite par la diversité des contributions et l’ampleur du paysage intellectuel qu’il présente. Et il l’est enfin par son objet, que précise le sous-titre Religions et laïcités au prisme des scien...