Laurenceau, Martin, Gestion de l'Eau, Acteurs, Usages (UMR G-EAU), Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad)-Institut de Recherche pour le Développement (IRD)-AgroParisTech-Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE)-Institut Agro - Montpellier SupAgro, Institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Institut Agro)-Institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Institut Agro), AgroParisTech, and François Molle
Since the beginning of the 2000s, water allocation policies became central in Europe and France to reach Water Framework Directive goals. Improvements in irrigation efficiency is one of the main policy measure aiming to save billions of cubic meters at the European level. However, water savings environmental benefits have been debated in scientific literature and public organisms that sustain such measures. Indeed, improvements in irrigation efficiency redistribute water flows between users and the environment at the river basin scale. Multiple factors influence the outcomes, such as increasing irrigated lands and yields, caps on water abstraction, farmers’ behavior, etc. The technical aspects of this question have been widely debated, but its political dimensions far less, in particular concerning environmental water reallocation. In the southeast of France, the Durance River Basin represents an ideal case study because saved water reallocations are made visible by large water infrastructure and canals. Water officials have implemented water savings policies for about 50 years and created specific policy instruments for environmental reallocation. Anchored in political science and political ecology approaches, we analyze water savings and environmental water reallocation policies paradigms, instruments and territorialization. Rather than a technical « no regret » measure, we show that improvements in irrigation efficiency rely on multiple negotiations and compromises allowing the arrangement of worldviews, norms of action, interdependent water uses and discourses of diverse hydro-social territories, whereas environmental benefits remain uncertain. Consensus building is constrained by historical interests and institutions legacy, and rely on both translation processes from national or hydrographic scales to the local level, and bottom-up forces from territories for policy instrument adaptations. We show the critical role of ambiguities in institutional change, and how policy instruments such as quantification procedures participate in naturalizing socially constructed realities and political arbitrages. Overall, this thesis contributes to debates over humans and non-humans water allocations, based on an interdisciplinary framework that shows the multiple interactions between water and money flows, power relations and resources allocations, hydro social territories and public action construction.; Depuis le début des années 2000, la gestion quantitative de l’eau est devenue centrale dans les politiques européennes et françaises pour répondre aux objectifs environnementaux fixés dans la Directive Cadre sur l’Eau. L’augmentation de l’efficience des réseaux d’irrigation correspond à l’une des principales mesures mises en avant, estimant que plusieurs dizaines de milliards de mètres cubes pourraient être économisés au niveau européen. Toutefois, l’efficacité environnementale de la modernisation des périmètres irrigués fait débat aussi bien dans la littérature scientifique qu’au sein d’organismes publics qui l’encouragent. En effet, « l’économie d’eau » correspond à une redistribution des flux entre de multiples usagers et l’environnement, à l’échelle du bassin versant, et les impacts de la modernisation dépendent donc de nombreux facteurs (possibilité d’augmenter les surfaces irriguées et les rendements, réglementation des autorisations à prélever, modification des chemins de l’eau, etc.). Si les aspects techniques du problème sont relativement bien connus, les enjeux politiques liés à la modernisation des canaux d’irrigation ont été plus rarement explorés, en particulier dans le cas de la réallocation d’eau vers l’environnement. Le bassin de la Durance, dans le Sud-Est de la France, représente un cas d’étude idéal car les nombreuses infrastructures rendent particulièrement visible la redistribution des flux liée aux économies d’eau. Cela a donné lieu à la création d’instruments de politique publique spécifiques, et s’intègre dans une trajectoire de plus de 50 ans. Grâce à un cadrage ancré dans les sciences politiques et la political ecology, nous analysons les paradigmes, les instruments et les territorialisations des politiques d’économie et réallocation d’eau dans le temps long. Plutôt qu’une mesure « sans regret » indiscutable, nous montrons que la modernisation des techniques d’irrigation repose sur de multiples négociations et compromis permettant l’agencement de visions du monde et normes d’action, d’usages de l’eau interdépendants, et de pratiques et discours de divers territoires hydro-sociaux, alors que l’impact environnemental des économies d’eau reste incertain. La construction du consensus se fait dans un cadre fortement contraint par les intérêts historiques et institutions hérités du passé, et passe à la fois par des processus de traduction depuis les échelles nationale ou de bassin hydrographique jusqu’au niveau local, et par des dynamiques ascendantes de réappropriation des outils dans les territoires. Nous mettons en évidence le rôle clé des incertitudes et ambiguïtés dans l’adoption de nouveaux arrangements institutionnels, ainsi que l’effet de naturalisation des compromis politiques dans les réglages et le fonctionnement des instruments de politique publique. Finalement, la thèse participe à renouveler les débats sur la redistribution de l’eau entre humains et non humains, en s’appuyant sur une approche interdisciplinaire qui montre les interactions multiples entre flux d’eau et d’argent, relations de pouvoir et allocations des ressources, constructions des territoires de l’eau et de l’action publique.