EVRARD, Anne-Sophie, Lefevre, Marie, BAUDIN, Clémence, NASSUR, Ali Mohamed, BOUAOUN, Liacine, Carlier, Marie-Christine, CHAMPELOVIER, Patricia, GIORGIS-ALLEMAND, Lise, KOURIEH, Aboud, Lambert, Jacques, Leger, Damien, Laumon, Bernard, Unité Mixte de Recherche Epidémiologique et de Surveillance Transport Travail Environnement (UMRESTTE UMR_T9405), Université Claude Bernard Lyon 1 (UCBL), Université de Lyon-Université de Lyon-Université Gustave Eiffel, Action contre la faim, Centre International de Recherche contre le Cancer - International Agency for Research on Cancer (CIRC - IARC), Organisation Mondiale de la Santé / World Health Organization Office (OMS / WHO), Hospices Civils de Lyon (HCL), Dynamiques des changements de mobilité (AME-DCM ), Université de Lyon-Université Gustave Eiffel, retraité, Sommeil-Vigilance-Fatigue et Santé Publique (VIFASOM (URP_7330)), Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA)-Université Paris Cité (UPC), Département Transport, Santé, Sécurité (TS2), J09-57, DEBATS - DGS, IFSTTAR - Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux, and Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA)-Université de Paris (UP)
Objectif général - Piloté par l'Acnusa et confié à l'Université Gustave Eiffel, Debats est le premier programme de recherche d'ampleur, en France, dont l'objectif est d'évaluer les effets éventuels de l'exposition au bruit des avions sur la santé des riverains d'aéroports. Matériel et méthodes - Ce programme est mis en place aux abords de trois aéroports français (Paris-Charles-de-Gaulle, Lyon-Saint-Exupéry et Toulouse-Blagnac). Il associe trois approches méthodologiques complémentaires (écologique , individuelle longitudinale et « clinique »). Chacune prend en compte tous les facteurs de confusion connus ou suspectés. L'étude écologique met en relation le niveau moyen d'exposition au bruit des avions, dans chacune des 161 communes situées à proximité de ces aéroports, et leur mortalité, communiquée par le CépiDc , par maladie cardiovasculaire en général, par maladie cardiaque ischémique en particulier, notamment par infarctus du myocarde, et par accident vasculaire cérébral. L'exposition moyenne au bruit des avions est estimée à partir des cartes de bruit produites par AdP pour Paris-Charles-de-Gaulle et par la DGAC pour Lyon-Saint-Exupéry et Toulouse-Blagnac. L'étude individuelle longitudinale inclut, en 2013, 1244 habitants représentatifs des habitants de ces mêmes communes . Ils font l'objet d'un suivi deux et quatre ans après . La passation d'un questionnaire en face à face permet de renseigner leurs caractéristiques démographiques et socioéconomiques, leur mode de vie et leur état de santé (état de santé perçu, troubles psychologiques, gêne ressentie, effets potentiels sur leur sommeil et leurs systèmes endocrinien et cardiovasculaire). L'exposition au bruit des avions au domicile des participants est estimée à partir des mêmes cartes que dans l'étude écologique. L'étude clinique « sommeil » porte sur 112 individus sélectionnés parmi les participants à l'étude précédente. Ils font aussi l'objet d'un suivi deux et quatre ans après . Des mesures actimétriques et du rythme cardiaque, analysées par le Centre du sommeil et de la vigilance de l'Hôtel-Dieu de Paris, permettent de déterminer les paramètres objectifs du sommeil de ces participants. Par ailleurs, afin de caractériser précisément leur exposition au bruit des avions, des mesures acoustiques sont concomitamment réalisées, par Bruitparif , pendant sept jours et sept nuits à l'extérieur et à l'intérieur de leur chambre à coucher. Résultats L'étude écologique suggère qu'une augmentation de l'exposition au bruit des avions de 10 dB(A) est associée à un risque de mortalité plus élevé de 18 % pour l'ensemble des maladies cardiovasculaires, de 24 % pour les seules maladies cardiaques ischémiques et de 28 % pour les seuls infarctus du myocarde. En revanche, il n'a pas été mis en évidence d'association avec la mortalité par accident vasculaire cérébral.L'étude individuelle longitudinale suggère plusieurs associations avec une augmentation du niveau de bruit de 10 dB(A) : un risque de « dégradation de l'état de santé perçu » augmenté de 55 % chez les hommes, sans qu'aucune augmentation ne soit mise en évidence chez les femmes ; une « gêne » plus importante que ce que prévoit l'ancienne courbe de référence de l'Union Européenne (appelée courbe de Miedema), mais plus faible que ce que prévoit la nouvelle courbe de l'Union Européenne fournie par l'Organisation mondiale de la santé, en mars 2020 ; un risque de dormir moins de six heures par nuit augmenté de 60 %, et un risque de sentiment de fatigue le matin au réveil de 20 % ; un risque de stress chronique, objectivé par une perturbation du rythme circadien du cortisol (diminution de 15 % de la variation absolue horaire du cortisol, augmentation de 16 % du niveau de cortisol au coucher, mais sans variation significative au lever) ; un risque d'hypertension artérielle augmenté de 34 % chez les hommes, sans qu'aucune augmentation ne soit mise en évidence chez les femmes ; enfin, un risque de détresse psychologique augmenté de 80 % chez les participants légèrement gênés par le bruit des avions et multiplié par 4 chez ceux qui déclarent être fortement gênés , par rapport à ceux qui ne sont pas du tout gênés.L'étude clinique « sommeil » suggère que l'exposition au bruit des avions dégrade les paramètres objectifs du sommeil. Ainsi : l'augmentation du niveau de bruit des avions de 10 dB(A) ou de 10 événements de bruits d'avions est associée à une probabilité, de dormir moins de six heures par nuit (court sommeil), 1,1 à 1,8 fois plus élevée ; et à une probabilité, de passer plus de neuf heures au lit, 1,1 à 1,6 fois plus élevée ;l'augmentation du niveau de bruit des avions de 10 dB(A) est associée à la probabilité, d'une insomnie d'endormissement (ie une latence d'endormissement supérieure à trente minutes), 1,1 à 1,3 plus élevée ;l'augmentation de 10 événements de bruits d'avions est associée à une probabilité, d'une insomnie de maintien de sommeil (ie une durée totale des éveils intra-sommeil supérieure à trente minutes), 1,1 à 1,3 fois plus élevée ;enfin, l'augmentation de 10 dB(A) du niveau maximum de bruit d'un évènement associé au passage d'un avion (LAmax,1s) est associée à une augmentation de l'amplitude de la fréquence cardiaque pendant cet événement (de 0,34 battement par minute).Conclusion L'étude écologique confirme les résultats d'autres études qui suggèrent qu'une augmentation de l'exposition au bruit des avions est associée à une mortalité plus élevée par maladie cardiovasculaire. Il est cependant imprudent d'extrapoler ces résultats au niveau individuel. C'est pourquoi deux études individuelles ont également été mises en place. L'étude individuelle longitudinale et l'étude clinique « sommeil » confirment les résultats d'études antérieures réalisées à l'étranger. Ils suggèrent que l'exposition au bruit des avions, en France comme ailleurs, a des effets délétères sur l'état de santé perçu, la santé psychologique, la gêne, la quantité et la qualité du sommeil et les systèmes endocrinien et cardiovasculaire. La validité de ces résultats est pour le moins renforcée par ceux de l'analyse longitudinale de l'ensemble des données recueillies en 2013, 2015 et 2017 .