L'Agence Calédonienne de l’Energie (ACE) d’une part, la Nouvelle-Calédonie, assistée du Directeur de l’Industrie des Mines et de l’Energie de la Nouvelle-Calédonie (DIMENC), notamment son Service Géologique de Nouvelle-Calédonie (SGNC), ainsi que le BRGM d’autre part, ont établi une convention de recherche et de développement partagés sur « l’Évaluation du potentiel en géothermie de la Grande Terre », qui a démarré le 29 octobre 2018 et a une durée de 18 mois.L’inventaire des sources thermales de la Nouvelle-Calédonie a été établi lors de la première phase de ce projet par le SGNC, en collaboration avec le BRGM (Jeanpert et al., 2019). La campagne d’échantillonnage des principales eaux thermales de la Grande Terre a été menée par ces deux entités, en septembre 2019, au cours de la seconde phase du projet. Les résultats des analyses physico-chimiques faites sur site, ainsi que ceux des analyses chimiques et isotopiques réalisées ensuite dans les laboratoires du BRGM et de l’Université de Montpellier sur chacun des échantillons prélevés, ont été reportés dans le rapport de mission, premier livrable de la phase 2 (Jeanpert et al., 2020). Cette campagne a confirmé que les températures maximales à l’émergence des sources thermales sont de 42,5°C, pour La Crouen, dans la région de Canala, et de 40°C, pour Bain des Japonais, dans la région de la Baie de Prony. Elle a également permis d’échantillonner, pour la première fois, par le SGNC et le BRGM, des sources thermales telles que Nemwegi, Fanama et Kopélia, dans la région de Canala, et Pourina, Poco Mié, Lembi sur la côte est Oubliée. Des analyses de certains éléments traces (Rb, Cs, W, Ge, etc.) et de certains isotopes (18O et 34S des sulfates dissous, 34S des sulfures dissous, rapports isotopiques 87Sr/86Sr) ont été réalisées pour la première fois sur ces eaux. Ce rapport final présente l’interprétation des données obtenues au cours de cette étude et leur mise en regard avec les potentialités géothermiques et les besoins économiques de la Nouvelle-Calédonie. Les résultats des analyses chimiques et isotopiques réalisées ont permis de mieux caractériser les deux types d’eaux thermales très différents :-les eaux bicarbonatées sodiques de la région de Thio-Canala, les plus riches en silice, en Li, en B et en autres éléments traces (F, Cs, Ge, W, As), avec des valeurs de pH comprises entre 7,8 et 9,4, qui dégagent du sulfure d’hydrogène, de l’azote et un peu d’hélium d’origine crustale. A l’émergence des sources, on observe souvent des dépôts de gel et de filaments associés, de couleur blanchâtre et/ou verdâtre, très probablement constitués de soufre, de gypse et d’argiles (interstratifiés smectites/illite) ;-les eaux Ca (Na) - OH (Cl) hyperalcalines du Massif du Sud, dépourvues de bicarbonates, carbonates, sulfates, magnésium et silice, qui émergent des péridotites, en dégageant de l’hydrogène (altération de fayalite et de forstérite, au cours de la serpentinisation des péridotites) et du méthane. Les rapports isotopiques de Sr confirment que le deuxième type d’eaux thermales interagit bien avec des péridotites dans leurs réservoirs profonds, tandis que le premier type est plutôt en contact avec des roches volcano-clastiques métamorphisées (schistes, grès, siltites, etc.) associées au socle mésozoïque. Les valeurs des isotopes stables de l’eau montrent que toutes les eaux thermales sont d’origine météorique, avec des aires de recharge différentes pour la plupart d’entre elles. Les géothermomètres chimiques classiques et certains auxiliaires, ainsi que le géothermomètre isotopique 18OH2O-SO4, permettent d’estimer la température des réservoirs géothermiques profonds d’où sont issues ces eaux. On constate que la température profonde la plus élevée (85 ± 20°C) a été estimée pour les sources de La Crouen, Nemwegi et Gelima. Pour l’eau de Fanama et de Mokoué, ces températures sont inférieures (70 ± 15°C et 55 ± 15°C, respectivement). On conclut, par ailleurs, que les températures profondes des eaux thermales du Massif du Sud sont autour de 50°C, même si leur température est plus difficile à estimer, en raison des faibles salinités de leurs eaux ainsi que de leur composition chimique, et que l’on exclut des processus importants de mélange avec des eaux plus superficielles, qui viendraient modifier de façon significative leur composition chimique. Une estimation de température de 65 ± 15°C a été faite pour l’eau profonde de la source thermale Pévou, localisée sur la côte ouest et prélevée en mars 2019 par le SGNC, qui serait la seule source de cette zone à indiquer une température aussi élevée. L’étude confirme la plupart des résultats antérieurs et l’absence d’indices de ressources géothermales de haute température. Etant donné la gamme restreinte de températures (de 24 à 42,5°C sans trop de travaux onéreux, et de 50 à 85°C avec des forages profonds de 1-3 km, très coûteux), les applications de la géothermie deviennent moins nombreuses, même si la balnéotherapie/le thermalisme qui avaient, d’ailleurs, déjà existé à La Crouen, semblent être de bons candidats. Une piste qui pourrait être explorée pour rendre les projets plus attractifs et rentables est l’utilisation multiple de la géothermie et la combinaison de production d’électricité moyennant un module ORC (Organic Ranking Cycle) avec l’exploitation d’une station thermale. Dans la région de Canala, cela pourrait constituer une première expérience, après, bien sûr, la réalisation d’études de surface complémentaires et d’une étude de préfaisabilité. Un programme scientifique, constitué principalement d’exploration géologique et géophysique pour poursuivre le développement de projets de géothermie en Nouvelle-Calédonie, si l’intérêt demeure, a été élaboré en fin de rapport pour la zone de Canala. En ce qui concerne le Massif du Sud, étant donné l'intérêt de la communauté scientifique et des industriels pour les processus de serpentinisation et la production d'hydrogène, en parallèle du volet géothermique, la réalisation d'un forage profond (≥ 2 km) pourrait être envisagée, avec de multiples objectifs dont la géothermie. Le co-financement serait envisageable via le programme ICDP et le projet NCDP Land2Sea, et les applications géothermiques pourraient s'ajouter aux questions scientifiques sur les processus de serpentinisation.