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Aux côtés de Friedrich Hayek, et avant que Milton Friedman n’imprime son empreinte à partir des années I960, l’économiste allemand Wilhelm Röpke (1899-1966), installé à Genève après avoir fui le nazisme, a été l’autre grand fondateur du néolibéralisme. Exploitant de nombreuses archives, cet ouvrage recourt aux outils de l’histoire intellectuelle et transnationale pour proposer une autre lecture d’un phénomène trop souvent encore réduit à ses manifestations les plus contemporaines et les plus anglo-saxonnes, alors qu’il plonge ses racines dans la crise des années 1930 et prend forme en Suisse au lendemain immédiat de la Seconde Guerre mondiale. Loin de l’érudition et de l’anecdote, par-delà le souci de redonner son importance à une figure étonnamment délaissée par les chercheurs, la biographie est ici une démarche de contextualisation visant à expliquer le succès d’un intellectuel autant sociologue qu’économiste. Incontournable en Suisse et en Allemagne, très lié aux nouveaux conservateurs américains, pourfendeur du « collectivisme » sous toutes ses formes, préoccupé du sort de l’Amérique latine et de l’Afrique, publiant dans toutes les langues, Wilhelm Röpke a incarné la variante néolibérale de l’intellectuel engagé. Au-delà de la dénonciation du keynésianisme, de l’interventionnisme et de l’Etat providence, ses écrits et ses réseaux permettent de cerner le néolibéralisme comme un regard global sur le monde, comme une philosophie politique et sociale ambivalente dans son rapporté la modernité, comme une mobilisation de combat et d’influence à l’échelle occidentale. L’écho rencontré par Wilhelm Röpke illustre la renaissance des idées libérales et conservatrices dans la seconde moitié du XXe siècle et le rôle majeur joué dans leur fermentation et leur diffusion par les intellectuels émigrés d’origine germanique. À Sarah

Les solidarités transatlantiques du néolibéralisme Wilhelm Röpke entretient avec les États-Unis une relation plus complexe que ne le suggère son antiaméricanisme. Certes, ses préjugés sont anciens, remontant au long voyage qu’il a fait outre-Atlantique d’octobre 1926 à avril 1927. Le jeune économiste a alors sillonné le pays de part en part, notant ses impressions dans son journal. S’il ne juge pas tout négatif, il jette un regard déjà stéréotypé sur le Nouveau Monde. Dès le début du séjour, ...

La liberté dans l’ordre Le discours néolibéral est une rhétorique de la dénonciation. La mise en cause de l’étatisme, du keynésianisme, du socialisme, du communisme et de bien d’autres « ismes » lui confère une remarquable cohérence narrative. Évocation horrifique du collectivisme et de la ténébreuse emprise qu’il exerce sur le monde, affirmation sans cesse réitérée de la nécessité absolue de s’y opposer, faute de quoi il en sera fini de la liberté et de la civilisation, il est un grand récit...

Le rude combat pour la concurrence Au début des années 1960, Wilhelm Röpke fait preuve d’une ambivalence croissante à l’encontre de la politique économique allemande. Certes, dans les mélanges dédiés en 1961 à Alfred Müller-Armack à l’occasion de son 60e anniversaire, il observe que la notion d’économie sociale de marché est devenue incontournable, pas seulement en Allemagne, ainsi qu’en témoigne ses multiples traductions. Au-delà du concept, il salue la réussite d’un pays qui a donné au « mo...

1933 : un libéral antinazi sur la sellette Wilhelm Röpke manifeste une aversion profonde pour le NSDAP. Dans un tract intitulé « Les nationaux-socialistes ennemis des paysans » diffusé le 11 septembre 1930, soit trois jours avant les législatives qui marquèrent le premier succès nazi au niveau national, il interpelle les électeurs qui pensent que la situation ne peut plus s’aggraver. À la crise économique s’ajouteront la crise de l’État et la guerre civile si l’on n’y prend pas garde. Dans ce...

La contribution d’un intellectuel-expert Il y a deux manières de lire Die deutsche Frage. La première est de voir dans ce livre la prise de position d’un Allemand sur le passé, le présent et l’avenir de son pays, ce qui conduit à souligner le lien qui relie un intellectuel à sa terre natale et à situer sa pensée dans le contexte de la sortie de guerre allemande, marquée par une intense effervescence intellectuelle, à laquelle certains émigrés ont pris part. La seconde est de remarquer que les...

Die Gesellschaftskrisis der Gegenwart : le livre de tous les débats Un soir du printemps 1942, il règne une joyeuse ambiance à la villa Barton, sur les bords du Léman. C’est dans ses locaux que l’IUHEI de Genève a choisi de fêter l’un des siens pour la notoriété qu’il vient d’acquérir. Mais de qui s’agit-il ? De Wilhelm Röpke, professeur d’économie, dont les collègues célèbrent les mérites sur l’air de « Savez-vous planter des choux ? » : Savez-vous quel est le livreL’auteur n’voit que des to...

L’économie comme engagement Associer la représentation de l’intellectuel engagé à Wilhelm Röpke peut surprendre tant l’économiste la rejette violemment en 1942 : « Le monde actuel est peuplé d’artistes, d’écrivains et de savants qui ne comprennent pas un traître mot aux configurations économiques et sociales en question, mais qui, avec une autorité acquise sur des terrains tout autres, jugent notre système économique et se déclarent passionnément partisans de l’une ou l’autre des variantes à ...

L’anticommunisme au coeur de la Weltanschauung röpkienne Dans l’idéologie néolibérale, rhétorique qui met en scène la lutte titanesque du bien contre le mal, le phénomène communiste occupe une place centrale. Il n’est pas seulement le ténébreux point de fuite vers lequel tendent toutes les manifestations de « collectivisme », y compris celles qui, à l’instar du syndicalisme ou du welfare state, apparaissent éloignées du goulag. Il est également, plus encore que le nazisme, l’incarnation du to...

L’épineuse question du développement Wilhelm Röpke s’est tôt intéressé à la question du développement. En janvier 1935, devant l’Industrieller-Klub viennois, émanation de la grande industrie autrichienne, il présente l’évolution économique de la Turquie d’Atatürk sous un jour plutôt flatteur. Déjà s’affichent les préoccupations qui vont guider sa réflexion de l’après-guerre sur le tiers monde. À la différence de la Grèce, la Turquie aurait su éviter une industrialisation trop rapide, négligea...

Une sociologie critique dans un certain air du temps occidental L’histoire des intellectuels n’a de sens que si l’historien parvient à cerner les déterminants sociaux et culturels de leur « succès », c’est-à-dire de leur « reconnaissance » par des cercles suffisamment larges et influents pour que leur qualité de clerc habilité à intervenir dans les débats de la cité acquière le statut d’une évidence. L’intérêt, voire l’enthousiasme que suscite Wilhelm Röpke en Suisse lui permettent de devenir...

Le colloque Walter Lippmann : un essai non transformé Au tout début de l’année 1958, Wilhelm Röpke est hors de lui. John Goormaghtigh, ancien déporté à Dachau, directeur de l’office européen de la fondation Carnegie et secrétaire général de l’Association internationale de sciences politiques, vient de lui proposer de rejoindre cette organisation fondée en 1949 sous les auspices de l’Unesco. L’économiste voit dans cette invitation plutôt flatteuse une insulte à son engagement et répond par une...

L’économiste allemand Wilhelm Röpke est mort il y a près d’un demi-siècle, le 12 février 1966. Il faut bien avouer que son nom n’a pas évoqué grand-chose à la plupart des historiens français avec lesquels nous avons eu l’occasion d’en parler. Mais de l’autre côté du Rhin, l’ignorance de leurs collègues allemands n’est guère moindre. Friedrich Hayek, voilà en revanche un nom qui parle à un large public, qui symbolise ce néolibéralisme dont il sera question ici. Né la même année que son célèbre...

Penser la crise au-delà de l’orthodoxie La Grande Dépression qui débute en octobre 1929 est une terrible surprise pour les économistes. À tort ou à raison, elle porte atteinte à leur crédibilité. Dans un article de 1933 sur la « signification séculaire de la crise », un Wilhelm Röpke désabusé juge que la « crise économique mondiale a ébranlé et révolutionné de fond en comble l’objet de notre science ». « De fait, il règne dans nos rangs un désarroi sans pareil », poursuit-il en constatant rét...

Des tranchées aux amphithéâtres : naissance d’un intellectuel démocrate Ce 21 mars 1918 à 4 heures 40 du matin, à l’Ouest, il y a du nouveau : une violente préparation d’artillerie, orchestrée avec une précision quasi mathématique par le meilleur spécialiste allemand en la matière, le lieutenant-colonel Bruchmüller, marque le début d’une ambitieuse opération allemande, d’Arras à la Fère, de la Scarpe à l’Oise. 6 608 canons tirent 3,2 millions d’obus en cette première journée de l’opération Mi...

L’économiste allemand Wilhelm Röpke est né il y a un peu plus d’un siècle, le 13 octobre 1899, au crépuscule d’une époque dont il a parlé avec beaucoup de nostalgie au soir de son existence. Certes, avec ses penseurs rationalistes, ses usines gigantesques et ses villes tentaculaires, le xixe siècle est accusé d’avoir préparé l’avènement du « collectivisme ». Mais, dans ses marges préservées, là où l’esprit communautaire d’antan prévalait encore, il faisait toujours bon vivre, avant que la gue...

Des bords de la Marmara aux rives du Léman : retour au cœur de l’Europe Dans le parcours de Wilhelm Röpke, économiste libéral qui n’a jamais caché son aversion pour le nazisme, l’arrivée de Hitler au pouvoir constitue une césure majeure. De jour au lendemain, ou presque, l’un des représentants les plus en vue de la nouvelle génération d’économistes allemands qui s’est affirmée dans les années 1920 se retrouve au ban de la « communauté du peuple » vantée par les propagandistes de la jeune dict...

L’économie allemande paralysée par le « collectivisme » L’usage des guillemets pour évoquer le « collectivisme » n’est pas coquetterie d’universitaire, mais sage précaution au regard de l’extraordinaire charge idéologique que revêt cette notion dans l’imaginaire néolibéral en général et dans la vision du monde röpkienne en particulier. Pour l’économiste genevois, l’enjeu n’est pas seulement de soumettre une réalité à l’épreuve de l’expertise scientifique, d’analyser son émergence en mobilisan...

The present research work, devoted to the critical work of Edoardo Sanguineti, focuses mainly on the definition of “Italian literary canon of the twentieth century” formulated by Sanguineti, and on the relations between this Italian poet and literary critic and the avant-garde poetics of the last century, in relation to the question of the “sublime” in poetry, or rather of its overthrow according to a theme particularly dear to this politically engaged writer and essayist, namely that of criticism of bourgeois society. More specifically, we examine the central role of the first avant-garde of the twentieth century in Sanguineti's critical work, on which he concentrated his studies and reflections with a view to bringing out the movements and the authors who, at his opinion, have contributed the most to renew the poetic language at the turn of the XIXth and XXth centuries. In an exegetical landscape so varied, eclectic, labyrinthine, in many ways broken, constructed by accumulation, without single direction, but multiple and allusive, like that of Sanguineti, the formal experimentation and the content of avant-garde movements between the two centuries represent a continuous and constant interest, especially in essays published in the late Sixties and in the Seventies.; Le présent travail de recherche, consacré à l’oeuvre critique de Edoardo Sanguineti, porte principalement sur la définition de “canon littéraire italien du XXe siècle” formulée par Sanguineti, et sur les relations entre ce poète et critique littéraire italien et les avant-gardes poétiques du siècle dernier, en rapport avec la question du “sublime” en poésie, ou plutôt de son renversement en fonction d'un thème particulièrement cher à cet écrivain et essayiste politiquement engagé, à savoir celui de la critique de la société bourgeoise. Plus précisément, nous examinons le rôle central que revêt, dans l’oeuvre critique de Sanguineti, la première avant-garde du XXème siècle, sur laquelle il concentre ses études et réflexions en vue de faire ressortir les mouvements et les auteurs qui, à son avis, ont le plus contribué à renouveler le langage poétique au tournant des XIXème et XXème siècles. Dans un paysage exégétique si varié, éclectique, labyrinthique, à bien des égards brisé, construit par accumulation, sans direction unique, mais multiple et allusif, comme celui de Sanguineti, l'expérimentation formelle et le contenu des mouvements d'avant-garde entre les deux siècles représentent un intérêt continu et constant, en particulier dans les essais publiés à la fin des années soixante et dans les années soixante-dix.

A autonomização do campo literário não é apenas fruto de uma reação contra o mercado, como analisou Pierre Bourdieu. Ela se opera também contra as expectativas morais e políticas que pesam sobre a literatura. Essas expectativas são codificadas na lei por meio da responsabilidade penal do autor que, de acordo com Michel Foucault, é consubstancial da emergência da figura moderna do escritor. A análise dos processos literários revela, assim, o que está em jogo nas lutas em torno da definição da responsabilidade do escritor. Ao comportar uma dupla dimensão, subjetiva e objetiva, essa responsabilidade se estabelece não só em relação ao conteúdo dos escritos, mas também em relação à forma, ao suporte, ao público visado, aos pressupostos que concernem aos efeitos sociais da literatura, à responsabilidade social atribuída ao escritor. É em relação estreita e em grande medida contra a definição penal de sua responsabilidade que os escritores construíram uma ética profissional autônoma, a qual deu lugar a duas posturas opostas: a arte pela arte, encarnada por Flaubert, e o engajamento, ilustrado por Zola e depois por Sartre. The autonomization of the literary field is not only the fruit of a reaction against the market, as analyzed by Bourdieu. It is brought about as well against the moral and political expectations influencing literature. Those expectations are codified in the laws through the penal responsibility of the author, which, according to Michel Foucault, is consubstantial to the emergence of the modern figure of the author. The analysis of the literary processes discloses also what is at stake in the struggle around the definition of the writer's responsibility. Admitting a double dimension subjective and objective, this responsibility is set up not only in relation to the contents of the writings, but also in what concerns their form, their support, their target public, their assumptions related to the social effects of the literature and the social responsibility attributed to the writer. It is in close relation with, and largely against, the penal definition of the responsibility that the writers have built an autonomous professional ethics, which gave place to two opposed postures: that of the art by the art, personified by Flaubert, and that of the engagement, illustrated by Zola and, ulteriorly, by Sartre. L'autonomisation du champ littéraire n'est pas seulement le fruit d'une réaction contre le marché, comme l'a analysé Pierre Bourdieu. Elle s'opère aussi contre les attentes morales et politiques qui pèsent sur la littérature. Ces attentes sont codifiées dans la loi à travers la responsabilité pénale de l'auteur, qui, selon Michel Foucault, est consubstantielle de l'émergence de la figure de l'écrivain moderne. L'analyse des procès littéraires révèle ainsi les enjeux de lutte autour de la définition de la responsabilité de l'écrivain. Comportant une double dimension subjective et objective, cette responsabilité s'établit non seulement par rapport au contenu des écrits mais aussi à leur forme, au support, au public visé, aux présupposés concernant les effets sociaux de la littérature, à la responsabilité sociale attribuée à l'écrivain. C'est en rapport étroit et largement contre la définition pénale de sa responsabilité que les écrivains ont construit une éthique professionnelle autonome, qui a donné lieu à deux postures opposées: l'art pour l'art, incarné par Flaubert, et l'engagement, illustré par Zola puis Sartre.

NIZAN : THE MAN AND HIS DOUBLES By analysing the works that since 1960 have aimed to rehabilitate and canonize Paul Nizan, our intention is to shed light on the logics that may codify the collective work of exhumation, draw a few hypotheses about the representations of the self involved and from this infer to what extent Nizan' s work endorses these « readings »., NIZAN : L'HOMME ET SES DOUBLES En analysant le travail de réhabilitation et de canonisation dont Paul Nizan a fait l'objet à partir de 1960, on souhaite mettre à jour les logiques qui peuvent coder l'œuvre collective d'exhumation, faire quelques hypothèses sur les représentations de soi qui sont en jeu et, de là, inférer en quoi l'œuvre de Nizan autorisait ces « lectures »., NIZAN : EL HOMBRE Y SUS DOS CARAS Al analizar, a partir de 1960, el trabajo de rehabilitation y de canonization relativo a Paul Nizan, se desea poner al día las lógicas que pueden codificar la obra colectiva de exhumation, hacer hipótesis sobre las representacions de si mismo que están en juego y de ahí inferir en que la obra de Nizan autorizaba esas « lecturas »., Pudal Bernard. Nizan : l'homme et ses doubles. In: Mots, n°32, septembre 1992. Les «mémoires» de la politique, sous la direction de Vincent Milliot et Erik Neveu. pp. 29-48.

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