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International audience; La littérature de la Rus' de Kiev est aux prises avec deux ou trois sortes de corps. Le corps vétérotestamentaire est régi par des prescriptions strictes qui permettent de démarquer facilement le pur de l'impur. La beauté y est plutôt signe de pureté et la laideur, l'infirmité, la maladie sont le châtiment des impurs. Le corps hagiographique (néo-testamentaire) est dompté par l'ascèse et sublimé par le martyre. De son vivant, il doit être marqué par les épreuves, souffrant, desséché, négligé. Les stigmates et un délabrement de bon aloi sont souhaitables, même si la pureté intérieure (chasteté, innocence) est indispensable. Au moment du trépas, ce corps peut être ensanglanté, criblé de blessures, décapité. Après la mort, il est miraculeusement intact, d'une blancheur éclatante, rayonnant de gloire. Mas il existe encore ce que nous appellerons le "corps viking" (pré-chrétien), qui se distingue par sa beauté, sa force et son courage, par sa prodigalité sexuelle et alimentaire, par sa fécondité et sa largesse. Les clercs sentent ce que cette conception du corps a de peu chrétien, mais ne parviennent pas à l'exclure totalement du champ des textes narratifs, voire ne le souhaitent pas. Par chance, un goût partagé du sang versé peut réconcilier la vision chrétienne du martyr et celle, scandinave, du héros guerrier. La terre russe, baptisée dans l'eau du Dniepr, se sanctifie véritablement dans le sang des princes et dans les dépouilles intactes des moines conservées aux Grottes de Kiev.