1. Suicide assisté dans le cadre de troubles psychiques : Où va-t-on ?
- Author
-
Auxéméry, Yann
- Abstract
Ces dernières semaines, de nombreux psychiatres et psychologues français se sont inquiétés que le suicide assisté et l'euthanasie puissent être proposés à des patients souffrant de maladie psychiatrique ou de trouble psychopathologique. Cela confère à un renversement de paradigme du « on doit tout faire pour sauver la vie du patient » à « dans certains cas, on doit accompagner le patient s'il souhaite sa mort ». Ces nouvelles dispositions qui se développent à nos frontières s'inscrivent dans un dispositif plus large concernant la fin de vie en général où la psychiatrie et la psychologique clinique, sans tenir compte de leurs spécificités, se retrouvent sur le même plan que la santé physique. Nous rappelons l'évolution des idées concernant le suicide comme fait historique, anthropologique, sociologique et de plus en plus souvent médiatique... au risque de la diffusion suicidaire. Puis nous clarifions les différences entre les souffrances suicidaires non pathologiques inhérentes à l'existence humaine, et les souffrances suicidaires constitutives d'un symptôme ou d'un processus pathologique. Entre ces deux extrémités que d'aucuns apprécieront comme évidentes, il existe une multitude de situations cliniques complexes. Pensons au patient souffrant de schizophrénie qui, dans ses hallucinations, entend une voix lui enjoignant de mourir alors que, quelques semaines plus tard, sous un traitement adapté, ses hallucinations sont taries. Pensons au patient présentant un trouble bipolaire qui, dans une phase dépressive, ne verrait plus aucun intérêt à la vie alors que, quelques mois plus tard, sous traitement ou suivant plus simplement l'évolution spontanée de son trouble, il est en pleine forme à l'occasion d'une phase hypomaniaque. Mais il existe aussi des souffrances schizophréniques ou bipolaires résistantes aux traitements et conduisant à la chronicité avec une mortalité par suicide élevée (en dehors de toute « aide médicale à mourir »). Nous préciserons le phénomène des idées et comportements suicidaires comme un continuum à risque de ruptures, puis nous détaillerons l'exemple de la situation des personnes présentant des troubles post-traumatiques. Tandis que le traumatisme psychique résulte d'une confrontation à la mort, plutôt que de s'en éloigner par la suite le sujet blessé psychique restera souvent accaparé, envahi par cette répétition de la mort, parfois au point de vouloir la rejoindre par des conduites suicidaires, actant ainsi une forme de dernière reviviscence du trauma. Il nous faudra donc veiller à ce qu'une « aide médicale à mourir » ne devienne pas le prolongement du symptôme, symptôme éventuellement favorisé par le contexte sociétal. Nous aborderons enfin quelle pourrait être la forme d'une mission d'expertise médicopsychologique dans le cadre d'une demande d'« aide médicale à mourir » en proposant une liste de questions posées à l'expert. In recent weeks, many French psychiatrists and psychologists have expressed the concern that assisted suicide and euthanasia may be made available to patients suffering from psychiatric illness or psychopathological disorders. This has resulted in a paradigm shift from "we must do everything to save the patient's life" to "in some cases, we must accompany the patient if he or she chooses to die". These new provisions which are developing on our borders are part of a broader system concerning the end of life in general where psychiatry and clinical psychology, regardless of their specificities, find themselves on the same level as physical well-being. We review the evolution of ideas concerning suicide as an historical, anthropological, sociological and increasingly media-related fact... at the risk of the spread of suicides. We then clarify the differences between the non-pathological suicidal suffering inherent in human existence, and the suicidal suffering that constitutes a symptom or a pathological process. Between these two extremes that some may regard as self-evident, there are a multitude of complex clinical situations. Let us think of the patient suffering from schizophrenia who, in his hallucinations, hears a voice urging him to die, whereas, a few weeks later, after undergoing appropriate treatment, the hallucinations have subsided. Let us consider the patient presenting with a bipolar disorder who, in a depressive phase, no longer sees any point in living, whereas, a few months later, under treatment or more simply following the spontaneous evolution of his disorder, he is in great shape during a hypomanic phase. But there are also those who suffer from schizophrenia or bipolar disorders that are resistant to treatment, which leads to chronicity with a high rate of suicide (not associated with any "medical aid in dying"). We describe the phenomenon of suicidal ideation and behavior as a continuum at risk of breaking down, and we then consider the example of people with post-traumatic disorders. While psychic trauma results from a confrontation with death, rather than subsequently distancing oneself from it, the psychically impaired subject will often remain monopolized, overwhelmed by this repetition of death, sometimes to the point of wanting to become one with it through suicidal behavior by acting out a final flashback. We must therefore ensure that "medical assistance in dying" does not become an extension of the symptom, a symptom reiterated by society. Lastly, we address the form that a medico-psychological expertise commission might take in the context of a request for "medical assistance in dying" by proposing a list of questions put to the expert. [ABSTRACT FROM AUTHOR]
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- 2023
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