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Parmi tous les sujets qui préoccupent les observateurs des médias aujourd’hui en France, la question de la formation des journalistes est l’une des plus visibles. Les écoles de journalisme sont, d’une part, régulièrement évaluées par différents journaux qui se livrent à leur « classement » comme ils le font pour les écoles de commerce. Elles sont aussi l’objet de critiques récurrentes pour le formatage auquel se résumerait leur curriculum, les tarifs élevés pratiqués par certaines ou le manqu...

In this article, we present {\it GenderedNews} (\url{https://gendered-news.imag.fr}), an online dashboard which gives weekly measures of gender imbalance in French online press. We use Natural Language Processing (NLP) methods to quantify gender inequalities in the media, in the wake of global projects like the Global Media Monitoring Project. Such projects are instrumental in highlighting gender imbalance in the media and its very slow evolution. However, their generalisation is limited by their sampling and cost in terms of time, data and staff. Automation allows us to offer complementary measures to quantify inequalities in gender representation. We understand representation as the presence and distribution of men and women mentioned and quoted in the news -- as opposed to representation as stereotypification. In this paper, we first review different means adopted by previous studies on gender inequality in the media : qualitative content analysis, quantitative content analysis and computational methods. We then detail the methods adopted by {\it GenderedNews} and the two metrics implemented: the masculinity rate of mentions and the proportion of men quoted in online news. We describe the data collected daily (seven main titles of French online news media) and the methodology behind our metrics, as well as a few visualisations. We finally propose to illustrate possible analysis of our data by conducting an in-depth observation of a sample of two months of our database., Paper in French

Contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre, cet ouvrage n’a pas pour ambition d’alimenter la critique sociologique du fonctionnement des médias. En s’appuyant sur la sociologie de la justification de Luc Boltanski et Laurent Thévenot, il cherche plutôt à comprendre « avec bonheur et humanité » les raisons pour lesquelles les journalistes sont amenés à commettre des fautes dans l’exercice de leur métier. Les journalistes vivent aujourd’hui, selon l’auteur, la fin d’une période de...

Entretien collectif à propos de la naissance de terrains&travaux; International audience; In a conversation that was resumed after twenty years, the founders of terrains & travaux, Gilles Bastin, Laure Bonnaud, Olivier Le Noé and Pierre-Paul Zalio, soon joined by Ashveen Peerbaye, recall the origins of what was initially the journal of a social science department of a École Normale Supérieure. From this small collective, its concerns, the pedagogical and institutional contexts, and the intellectual environment experienced by young sociologists, a journal welcoming empirical research in the social sciences gradually emerges from one issue to the next.; Au fil d’un dialogue renoué vingt ans après, les fondateur·rice·s de terrains & travaux, Gilles Bastin, Laure Bonnaud, Olivier Le Noé et Pierre-Paul Zalio, rejoint·e·s rapidement par Ashveen Peerbaye, racontent la naissance de ce qui n’est d’abord que le cahier d’un département de sciences sociales d’une école normale supérieure. Du petit collectif, de ses préoccupations, des contextes pédagogique et institutionnel, de la conjoncture intellectuelle vécue par de tout jeunes sociologues, émerge progressivement, d’un numéro à l’autre, une revue accueillante aux recherches empiriques en sciences sociales.

Ce fort volume collectif est issu des actes d’un colloque tenu à Rennes en 2013 dont l’ambition était de comparer les pratiques de l’immersion dans les sciences sociales, le journalisme et la littérature. Il compte dix-neuf chapitres que l’on peut classer dans trois catégories différentes. La première — et la plus importante en nombre — est composée de retours réflexifs de chercheurs sur leurs expériences de terrain, souvent à l’occasion de thèses ayant conduit à des périodes d’immersion, qu’...

Le manuel rédigé par François Cusin et Daniel Benamouzig est un ouvrage original et ambitieux, à la fois du point de vue du spectre des références qu’il mobilise et de celui du positionnement choisi par les auteurs dans un champ académique aujourd’hui en plein développement : la sociologie économique. Dans la foulée de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la « nouvelle sociologie économique », les ouvrages de synthèse disponibles aujourd’hui dans ce domaine ont souvent adopté un prisme a...

Dans cet article, nous examinons les différentes interactions qui caractérisent un projet d’enquête en sciences sociales fondé sur l’exploitation des données du réseau social professionnel LinkedIn. Ce retour réflexif sur ce que nous appelons le « laboratoire invisible » de l’enquête nous permet de mettre en évidence les conflits d’interprétation qui naissent autour de la définition de ce qu’est une « donnée » tirée du web. Dès lors, la constitution d’une base de données ne doit pas apparaître comme une opération technique de la recherche mais comme un processus de transformation des « inscriptions » individuelles sur le réseau en « données », processus que nous appelons « datafication ». Ce processus passe par la confrontation de « masques » différents que posent sur ces inscriptions les acteurs du « laboratoire invisible » de la recherche : le sociologue et le spécialiste de l’information et du web mais aussi l’utilisateur du réseau, la plateforme et le régulateur public. This paper deals with the interactions that occur during a research project based on the exploitation of social media data gathered on LinkedIn. Our reflexive approach to what we call the invisible laboratory of the research project allows us to describe the conflicts of interpretations that characterizes those data and the definition of data on the web. The production of our dataset is described as a social process involving the transformation of users “inscriptions” into sociological data. We call this process “datafication” and study the many actors that are involved in it: the sociologist, the IT and web specialist, the LinkedIn user, the social media and the public body in charge of data privacy regulations. En este artículo se reflexiona sobre las diferentes interacciones que caracterizan a un proyecto de encuesta en ciencias sociales sobre la explotación de los datos de la red social profesional LinkedIn. Esta reflexión sobre lo que llamamos el «laboratorio invisible» de la encuesta permite destacar los conflictos de interpretación que surgen en torno a la definición de lo que es un dato tomado de la web. Por lo tanto, el establecimiento de una base de datos no debe aparecer como una operación técnica de la investigación, sino como un proceso de transformación de «inscripciones» individuales en la red en «datos», un proceso que llamamos «datafication». Este proceso implica la confrontación de «máscaras» que se ponen los actores del laboratorio invisible por encima de aquellas inscripciones: el sociólogo y el especialista de la información y de la web, sino también el usuario de la red, la plataforma y el regulador público.

National audience

Le livre de Julien Duval vient combler un vide en matière de recherche sur les médias et le journalisme en France. On ne disposait en effet jusqu’à aujourd’hui que de peu de matériaux sur la presse et le journalisme économique, alors que ce secteur est un des plus dynamiques de la presse écrite et que par ailleurs la question du « rapport à l’économie » des titres de presse comme des individus est aujourd’hui au centre de nombre de préoccupations dans le débat public. Le premier chapitre décr...

L’analyse de réseaux a connu dans les années récentes une très importante diffusion dans de nombreuses disciplines des sciences sociales. Alors qu’elle était cantonnée, il y a peu, aux spécialistes de la méthodologie et à des objets d’étude bien particuliers comme les marchés du travail ou les relations familiales, elle s’est à la fois largement « démocratisée » (du point de vue de l’accès aux méthodes et aux outils informatiques qui la rendent possible) et étendue dans ses objets. Un importa...

La question posée par Abbott depuis les années 1980, comme les méthodes employées dans ses travaux empiriques – de l’« analyse de flux » (Passeron, 1990) et non des entretiens biographiques – ne pouvaient trouver que peu d’écho dans l’atmosphère de querelle magistrale qui opposait in fine liberté individuelle et détermination structurelle. Comme on essaie de le montrer dans la première partie de cet article, l’opposition entre contexte et trajet, quels que soient les termes dans lesquels elle est formulée, est un trait dominant des analyses de carrières en sociologie. Il s’agit donc de caractériser les deux pôles principaux de l’espace des conceptions possibles de l’analyse de carrières : le paradigme gravitationnel (caractéristique de la sociologie interactionniste) et le paradigme aléatoire (caractéristique de la théorie de la carrière).On propose ensuite d’analyser le paradigme séquentiel d’Abbott comme une approche dialectique, individuelle et descriptive des relations entre temps et espace ou encore des relations entre les trajectoires des individus et les mondes sociaux qu’ils traversent. Pour cela, on s’est moins intéressé à la question de la temporalité pour elle-même qu’à celle de la transition, opérée par Abbott, entre l’analyse des interactions dans des mondes sociaux (c’est le paradigme central de The System of Professions) et celle des séquences d’activité qui se déroulent dans ces mondes (c’est celui des articles qui composent Time Matters). Notre hypothèse est que les choix théoriques d’Abbott au tournant des années 1990, combinés à des choix méthodologiques excluant l’entretien ou l’étude de cas comme mode d’accès à la diversité des parcours individuels, permettent de dépasser l’opposition mentionnée plus haut entre liberté et déterminisme.

Dans un premier temps je m’attacherai à montrer l’importance de l’analyse des carrières professionnelles dans les mondes de l’information. C’est notamment le phénomène d’individuation dont ceux-ci sont le lieu qui rend nécessaire de réfléchir de plus en plus en termes longitudinaux. Dans un second temps j’examinerai quelques difficultés propres à cet exercice qui tiennent essentiellement aux types de données produites par les trois principales démarches appliquées à l’analyse de la morphologie des mondes de l’information : la monographie, l’analyse de registres administratifs et l’enquête directe. Enfin je proposerai quelques pistes pour élargir la gamme des sources disponibles vers ce que j’appellerai provisoirement l’enquête « indirecte » ou « par traces ». Cette dernière partie sera fondée sur la présentation d’une enquête en cours utilisant comme matériau des profils de journalistes publiés sur le site de mise en relation professionnelle LinkedIn.

The social status of journalists has changed very little since the beginning of the twen- tieth century. Due to a rising market for freelance work, low wage scales and lay-offs affecting early and mid-career professionals, today's journalists find themselves in precari- ous situations quite similar to those described in the International Labour Organisation's famous report on the life and working conditions of journalists working in 20 countries in the 1920s (Bureau International du Travail, 1928). My aim in this paper is to propose a new source of data that will undoubtedly prove useful to scholars working in the field of journalism studies: curriculum data listed on the profiles of individuals registered with LinkedIn, a professional social network. The findings presented here are drawn from research conducted on the labour market for French journalists. And indicate that men and women do not forge the same kind of careers in journalism, nor do they leave the profession the same way and with the same regularity.

Dans cet article, une séquence d'interaction journalistique entre acteurs d'un même monde de l'information est analysée afin de comprendre comment s'organise la division du travail dans ce monde et les conflits de juridiction qui l'agitent.

La production, la mise en circulation et le contrôle de flux d'information sont des éléments clés du gouvernement moderne. Le constat est régulièrement fait dans les diverses disciplines qui traitent de l'institutionnalisation des phénomènes politiques et du rapport qu'entretiennent les institutions politiques et les médias.A lire la production scientifique sur le processus d'intégration européenne, cette généralisation de l'usage des politiques d'information et de communication comme moyen d'action publique a connu avec la construction européenne un terrain très fertile.Pourtant, la question demeure de savoir si les relations entre la commission européenne et les médias ressortent véritablement d'une « politique » de l'information. Autrement dit si derrière les mots de la rhétorique institutionnelle peut se déceler une véritable action publique, dotée d'une cohérence politique et d'une certaine profondeur historique. C'est la question à laquelle on essaiera de répondre dans cet article en montrant comment se sont tissés, à partir des années 1960 et sous la forme de ce que l'on pourra appeler, à la suite d'un journaliste bruxellois, le « système Olivi », de nombreux et très étroits liens entre la Commission européenne et les journalistes présents à Bruxelles pour en couvrir l'actualité

Une lecture de l'ouvrage de Julien Duval consacré au journalisme économique en France

Note critique

L'analyse d'un cas extrêmement banal de ce que l'on peut appeler l'action publique communicative (la remise d'un prix européen de l'environnement) permet dans cet article de mettre en évidence l'ensemble des dispositifs d'intermédiation et de coproduction qui permettent de faire venir de bons mots au bon moment dans la bouche d'un Commissaire européen. Le fonctionnement de ces dispositifs suppose la présence dans le district européen à Bruxelles de nombreux acteurs prêts à s'y engager, notamment des journalistes. Ceux-ci sont donc décrits comme des "travailleurs de la gouvernance".

Gilles Bastin entwickelt eine Kritik des Konzeptes vom "journalistischen Feld" ("champ journalistique") in der Soziologie Pierre Bourdieus. Vorgestellt wird zunächst die Genese des Untersuchungsgegenstandes "Journalismus" innerhalb der Soziologie Bourdieus. Dabei wird die Kontinuität deutlich, mit der Bourdieu seit den 60-er Jahren die Journalisten als immer mächtiger werdende Agenten ("opérateurs") der "sozialen Magie" ("magie sociale") und der Abläufe zunächst innerhalb des Feldes der Intellektuellen begreift. Bastin analysiert sodann die diversen Vorschläge unterschiedlicher Autoren zu einer Beschreibung des "journalistischen Feldes" sowie die Varianz dieser Begriffsverwendung, die die Feldkonzeption insgesamt sehr heterogen werden lässt. Er schlägt im Lichte anderer berufssoziologischer Konzeptionen (so von Everett C. Hughes) drei Perspektiven der Kritik vor: Erstens lasse das Feldkonzept Bourdieus die Arbeit "verschwinden", es vernachlässige die Arbeitsbedingungen und die inhaltliche Tätigkeit der Journalisten; zweitens führe es zu einem disparaten Blick auf dasselbe Forschungsproblem "journalistisches Handeln"; und drittens individualisiere es nachdrücklich journalistische Praktiken., Cet article est consacré à l'analyse de la notion de "champ journalistique". On rappelle l'origine des travaux bourdieusiens sur le journalisme et l'importance de plus en plus grande de cet objet, jusqu'à son accession à la description par le "champ". La grande indétermination de ce concept permet cependant que coexistent sous une même appelation des travaux différents et l'article se conclut par une critique de ces travaux, éclairée notamment par un point de vue de sociologie interactionniste.

Cet article propose à partir de textes de Weber, Durkheim et Simiand et de quelques études récentes sur ces auteurs, de réfléchir aux processus de constitution de deux traditions de sociologie économique qui se présentent aussi comme deux modalités possibles d’un entre-deux entre histoire et théorie économique.

Dans cet article, la question de l'information européenne est abordée à partir de l'analyse des « mondes de production » (Salais et Storper, 1994) dans lesquels agissent les professionnels qui se sont spécialisé à Bruxelles dans le traitement de l'information institutionnelle européenne. Ces mondes sont décrits à l'aide de trois études de cas portant sur des entreprises fondées dans cette ville pour diffuser l'information européenne : l'Agence Europe (1957), Europe Information Service (1972) et Euractiv.com (1998). On essaie notamment de décrire les réseaux et les compétences mobilisés pour fonder ces bureaux d'information, les conventions de qualité sur lesquelles sont fondés les produits qu'ils diffusent et les conventions d'emploi qui leur permettent de mobiliser la main d'œuvre de professionnels de l'information.Au terme de cette analyse, il apparaît que l'économie politique du monde de production de l'information européenne à Bruxelles a connu des changements de grande ampleur. Fondée dans les années 1950 sur des réseaux mobilisant des compétences politiques et professionnelles liées au monde du journalisme, sur des conventions de qualité fortement personnalisées et sur un modèle salarial très stable dans le temps, elle s'organise aujourd'hui davantage autour de réseaux liés aux affaires européennes, de conventions de qualité reposant sur la sous-traitance et d'un modèle de travail free lance généralisé.Cette évolution est contraire à la direction prise par le monde des « correspondants », tel qu'il apparaît dans les statistiques issues des dossiers d'accréditation de journalistes auprès des institutions européennes. L'analyse conduit donc à revenir sur les présupposés de la sociologie des métiers de l'information qui prend souvent pour objet des figures professionnelles telles que celle du correspondant et néglige de s'intéresser aux travailleurs de l'information que sont pourtant aussi les acteurs de ces mondes (à Bruxelles comme ailleurs).

This PhD thesis applies an interactionist framework to the study of journalism and journalists-sources relationships. The case study is based on a 3 years fieldwork in Brussels, among the journalits covering the European Union. A specific attention is given to institutional settings, carreers and labor., En 1965, une porte-parole de la Commission européenne avançait l’idée que derrière le Marché Commun de l’époque se cachait en fait une « formidable histoire de relations publiques ». Le 16 mars 1999, au moment de présenter la démission de son collège de commissaires face aux journalistes, Jacques Santer incriminait le « climat malsain » régnant dans la salle de presse pour expliquer ce fiasco. Que s’est-il passé entre les deux dates ? Comment comprendre le rôle joué par l’information dans l’histoire récente de la construction européenne à Bruxelles ? Ces deux questions forment la trame de la réflexion qui est menée dans cette thèse.Pour y répondre et comprendre comment se fabrique l’information européenne, il faut se placer au cœur de la relation entre les institutions européennes, en particulier la Commission, et les professionnels présents à Bruxelles pour produire et traiter cette information. La reconstitution ce que l’on peut dès lors appeler le « monde social de l’information européenne » est au centre de la thèse. Les principes qui organisent ce monde de l’information sont notamment lus à travers les lieux qui le constituent (la salle de presse de la Commission), les règles de son fonctionnement, les acteurs qui traversent ce monde et les carrières qu’ils y font, leur travail quotidien et les polémiques professionnelles qui les agitent.L’analyse de la régulation des « territoires » de l’information à Bruxelles montre d’abord que la situation actuelle est le fruit d’un long travail de construction mis en place depuis les années 1960. Elle se caractérise par la concentration dans cette ville de très nombreux professionnels de l’information et l’existence, à la Commission européenne, d’un véritable « laboratoire » de l’information dans lequel se tient tous les jours un briefing de presse à midi. C’est ce travail, tout à la fois matériel, institutionnel et réglementaire, qui permet à la Commission d’être aujourd’hui au centre du monde de l’information européenne, alors qu’elle peinait, dans les années 1950 à attirer l’attention des médias. Ce travail a par ailleurs conduit la Commission, notamment par le biais d’une procédure d’accréditation conjointe avec les représentants des journalistes à Bruxelles, à mettre en place un accord (aujourd’hui remis en cause) qui lie la fermeture du monde de l’information à sa « pacification ». L’institution se trouve par là aussi engagée, localement, dans la définition des qualités professionnelles des journalistes.La deuxième partie de la thèse est consacrée aux carrières de ces professionnels de l’information. Le monde de l’information européenne n’est pas qu’une place de correspondance traversée un temps par des professionnels circulant à travers lui, même si l’on peut distinguer des signes de plus grande adéquation aujourd’hui à ce modèle. De nombreux acteurs y font des carrières longues et qui les conduisent à s’engager dans des relations d’emploi multiples avec tous ceux qui ont besoin de travail de l’information (institutions, médias, ONG, think tanks, etc.). Les opportunités de travail sont nombreuses localement, comme le montre l’analyse d’un corpus d’offres d’emploi, et le développement de ce que l’on peut appeler une économie des contacts reposant sur une base freelance, fortement sous-traitée et peu contractualisée, permet une grande latence de mouvement de la part des professionnels intéressés. Cependant, l’analyse de récits de carrière montre aussi que ces mouvements sont fortement contraints par une tension qui traverse le monde de l’information. D’un côté la logique de la profession journalistique prescrit des carrières courtes sur place et peu d’engagement dans des relations d’emploi locales ; de l’autre, de nombreuses opportunités disponibles attirent les professionnels de l’information vers des carrières locales. Les différentes façons de résoudre ces tensions tout au long d’une carrière individuelle sont analysées. Par là, on montre aussi comment se construit dynamiquement une identité professionnelle.La dernière partie de la thèse traite la question des pratiques de l’information et des dispositifs qui l’encadrent. Le fil conducteur dans cette partie est la question de la circulation, non plus des personnes, mais des mots dans le monde de l’information européenne. La maîtrise des mots est en effet un enjeu déterminant pour les professionnels de l’information, qui défendent ainsi une juridiction professionnelle, comme pour les sources de l’information. Et là encore, deux attitudes s’opposent. D’un côté la production « ordinaire » de l’information peut être analysée comme une forme de coproduction dans laquelle les journalistes peuvent s’appuyer sur leurs engagements dans le monde local lui-même pour guider ces mots. De l’autre, des journalistes engagés dans une entreprise de morale professionnelle refusent cette coproduction et apportent à la fin des années 1990 des mots nouveaux dans le monde de l’information européenne.Cette thèse contribue donc à la compréhension de ce que l’on appelle aujourd’hui la « nouvelle gouvernance » européenne. Les professionnels de l’information, parce qu’ils irriguent le monde de l’information en y faisant carrière et en y mettant en circulation des mots porteurs de repères politiques et économiques, doivent en effet être considérés comme des acteurs du processus d’intégration européenne et des travailleurs de la gouvernance.Elle contribue aussi à la réflexion sur le lien qui unit les professions aux mondes locaux de l’activité professionnelle. Les deux ont souvent été opposés, que ce soit dans la théorie fonctionnaliste des professions comme dans la théorie néo-wébérienne des marchés protégés. À l’aune des résultats de ce travail, une telle opposition n’est plus tenable et l’on s’oriente vers la compréhension de la dynamique qui les unit nécessairement. La réflexion sur la profession journalistique s’en trouve bousculée puisque l’on montre que, loin d’être une catégorie a priori et neutre de l’analyse, la dénomination même de journaliste se construit dans un monde local de l’information, le long de carrière parfois très longues et au gré de controverses visant à défendre et imposer des figures professionnelles.