Matthieu Noucher, Aurélie Bousquet, Anne Gassiat, Baptiste Hautdidier, Xavier Amelot, Laurent Couderchet, Sébastien Nageleisen, Aménagement, Développement, Environnement, Santé et Sociétés (ADES), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université Bordeaux Segalen - Bordeaux 2-Université Bordeaux Montaigne, Aménités et dynamiques des espaces ruraux (UR ADBX), Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), and Université Bordeaux Segalen - Bordeaux 2-Université Bordeaux Montaigne-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
En application de la loi du Grenelle 1 et 2 sur la trame verte et bleue (TVB), des Schémas Régionaux de Cohérence Écologique (SRCE) sont actuellement en cours de réalisation. Pour faciliter la cartographie des continuités écologiques, plusieurs guides ont été élaborés (COMOP TVB, ECONAT). Les principes méthodologiques qui y sont proposés permettent, notamment, de mettre en évidence trois enjeux majeurs que nos travaux antérieurs viendront illustrer : 1) L'offre en matière de données et la question de la traçabilité. Malgré la rigueur scientifique des contenus des bases de données géographiques, il est nécessaire d'être conscient des compromis techniques, financiers, organisationnels, cognitifs qui résultent de leurs protocoles de production. Ainsi, la réutilisation de bases de données d'occupation du sol déjà existantes oblige à travailler à partir de données géographiques élaborées et non de référentiels bruts, les identités géographiques étant déjà repérées, identifiées et classifiées. Ces bases de données vont à leur tour faire l'objet de nouveaux traitements, de nouvelles classifications ainsi que de nouvelles représentations. Mais quels résultats peut-on attendre de ces nouvelles manipulations ? Une étude réalisée avec le CEMAGREF (Bousquet, 2010) a volontairement remobilisé des bases de données d'occupation du sol (CLC, IPLI 77/ LittoMos, etc.) allant de 1977 à 2006 sur un espace restreint (pays du Bassin d'Arcachon et du Val de l'Eyre), les résultats espérés étaient l'identification des changements structurels de l'espace mais au final, seuls des changements conjoncturels ont été mis en évidence. La question de la traçabilité apparaît alors comme un préalable essentiel à l'évaluation de la qualité des productions. 2) La transposition des représentations et la question scalaire. La réutilisation de données multi-sources génère également des problèmes quant à l'interopérabilité des bases entre elles. Elle joue, in fine, sur l'opérationnalité des documents produits. Le hiatus entre le continuum spatial des trames vertes et bleues et les documents fonciers à produire met ainsi en évidence la relation très forte entre le niveau scalaire et la discontinuité des phénomènes géographiques observés (Couderchet, 2008). La question scalaire se pose en effet avec une acuité particulière lorsqu'il s'agit, par exemple, de mettre en place des sous-trames régionales (PNR, SCoT et PLU) ou d'établir le nouveau système d'aires protégées malgaches (Amelot et al., 2011). 3) L'implication des gestionnaires et la question des savoirs locaux. La mise en place des SRCE mobilise à la fois la sphère scientifique, la sphère politique (élus et associations) mais également les usagers. La confrontation de savoirs savants (scientifiques), experts (techniciens) et ordinaires (citoyens) devient impérative dans la définition participative des enjeux. Une démarche de médiation visant la co-construction de la trame avec les acteurs locaux est alors proposée. Son objectif est de valider les continuités écologiques par une modélisation de données et, en parallèle, de développer un outil de médiation locale entre constructions scientifiques et représentations vernaculaires de la biodiversité, fondée sur une démarche par consensus différencié (Noucher, 2008). Finalement, l'implication des sciences de la nature, des sciences sociales et des sciences spatiales doit faciliter la mise en œuvre d'une approche argumentée (par la traçabilité et l'évaluation de la qualité des données), négociée (par la confrontation des modèles scientifiques et des savoirs vernaculaires) et multi-échelles (par l'appariement d'approches régionales et locales) de la cartographie des continuités écologiques et offrir ainsi des perspectives différentes aux modalités de production des actuels zonages environnementaux (Couderchet et Amelot, 2011). C'est sur ces principes généraux qu'un groupe de recherche s'est constitué à l'initiative de l'UMR ADES et du CETE du Sud-ouest auxquels s'associent le MNHN, l'ONCFS et l'INRA dans le cadre de l'appel à projet DIVA, du MEDDTL. Le programme de recherche dont nous proposons ici de présenter les grands axes vise l'analyse multi-échelle des lisières pour la réalisation de la trame verte et son intégration aux documents de planification. Ce projet entend répondre, en particulier aux difficultés de transposition entre les échelons régionaux et celui des territoires opérationnels (celui des PLU), d'où l'importance des questions de traçabilité, d'échelle et de médiation des savoirs locaux.