International audience; La politique implique, de par son étymologie même, un ancrage géographique et spatial ; les connotations socio-culturelles vont donc peser fortement sur la traduction du texte politique. Ce texte, nous proposons de l’étudier sous sa forme brève, par le biais du lexique et plus précisément des anthroponymes. Les noms d’hommes politiques ne sont en effet pas des anthroponymes anodins : l’homme politique est représentatif, aux sens propre et figuré, d’un territoire, d’un parti, d’une organisation. Son nom a donc valeur de symbole. Il est aussi souvent inscrit dans l’histoire nationale. Il signifie plus que sa valeur première de désignation individuelle. Preuve en est le nombre d’anthroponymes politiques qui ont donné lieu à des dérivations adjectivales ou nominales entrées dans l’usage. Au cinéma, art axé sur la représentation sinon du réel, du moins d’un réel ou prétendu tel, ce type d’anthroponymes peut s’avérer difficile à interpréter lorsque le film est proposé dans une version de doublage linguistique. Le code onomastique y revêt poutant une importance fondamentale. Il participe à conférer une valeur d’authenticité au scénario, mais il dépasse cette fonction première : « Nommer n’est pas refléter les choses, c’est classer, définir, abstraire. Un signe n’a de référent qu’en situation de discours précise. » (Cordesse et al., 1991 : 12). Dans le monde de Woody Allen, par exemple, les noms propres ont valeur de code socio-culturel, partagé à la fois par les protagonistes au sein de la diégèse et par le cinéaste et son public originel. Allen les utilise le plus souvent en conversation, entre membres de l’intelligensia new-yorkaise. Marqueurs de connivence « libérale » au sens anglo-saxon du terme, ils leur permettent d’afficher un front commun anti-conservateur, à visée fréquemment ironique. Leurs connotations peuvent alors poser des problèmes de compréhension au spectateur étranger. Car le nom propre, en situation dialogique, implique une présupposition d’existence des individus désignés qui soit partagée par les interlocuteurs. Mais le bagage cognitif des spectateurs français et américains n’inclut pas systématiquement cette même connaissance préalable, remettant en cause les possibilités d’interprétation du texte. Le traducteur audiovisuel va devoir repérer et re-créer pour le public du doublage les connotations portées par ces locuteurs fictionnels, en fonction des compétences spectatoriales qu’il aura anticipées. De ce fait, les anthroponymes politiques sont plus ambigus encore à traduire dans les films de début de carrière d’Allen, antérieurs à la mondialisation. Cette étude de cas compare ainsi les noms d’hommes politiques issus des VO et VD françaises de quatre films couvrant vingt ans de sa filmographie, Annie Hall (1977), Manhattan (1979), Crimes and Misdemeanors (1989) et Deconstructing Harry (1997), pour analyser les stratégies de leurs adaptateurs français face aux capacités d’accueil relatives des publics source et cible, en s’appuyant sur les théories de l’esthétique de la réception et le concept de contrat de spectature.