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Dans le présent article, nous nous attacherons à montrer comment Han Song, l’un des auteurs phares de la science-fiction chinoise contemporaine, parvient à faire référence, via la science-fiction, à un traumatisme historique censé être inabordable : le massacre de la place Tian’anmen. Pour ce faire, nous nous concentrerons sur la nouvelle « La Chambre noire » (Anshi 暗室), et notamment sur les nombreux parallèles existants entre la « fable », au sens d’Aristote, de la nouvelle et les événements de Tian’anmen, mais aussi sur l’utilisation de l’allégorie permettant de laisser une sorte de témoignage de cet événement traumatique tout en contournant la censure. In this article, I will attempt to show how Han Song, one of the leading authors of contemporary Chinese science fiction, manages, through science fiction, to make reference the unspeakable trauma of the Tiananmen massacre. To this end, I will focus on the short story “The Dark Chamber” (Anshi 暗室), in particular on the many parallels between the “fable”, in Aristotle’s sense, of the short story and the events of Tiananmen, as well as on the use of allegory as a way of bearing witness to this traumatic event while circumventing censorship.

Faut-il définir la climate fiction, fiction climatique, cli-fi ? Ou plutôt l’éprouver et la pratiquer, dans la création comme dans la critique et la théorie ? Le comité scientifique du colloque La ville dans les fictions climatiques (2021) s’est prêté à l’exercice. Cinq brèves variations sont proposées ici : a) sur les formes narratives et les questions qu’elles permettent de poser en les incarnant dans les histoires ; b) sur le tournant émotionnel de l’urgence dans la cli-fi ; c) sur les échelles d’action qu’elle peut exprimer ; d) sur le remaillage intermédiatique qu’elle suscite (avec l’aide d’un sanglier) ; e) sur la catégorisation critique populaire ou spontanée qu’elle manifeste. Should we define climate fiction, cli-fi ? Or rather experience it and practice it, through creation as well as in criticism and theory ? The scientific committee of the symposium The City in Climate Fictions (2021) took part in the exercise. Five brief variations are proposed : a) on the narrative forms and the questions they raise by embodying them in the stories ; b) on the emotional turn of emergency in cli-fi ; c) on the scales of action it can express ; d) on the intermedial interlinking it generates (with the help of a wild boar) ; e) on the popular or spontaneous critical categorization it manifests.

Le juriste humaniste André Alciat est passé à la postérité comme le créateur du genre littéraire de l’emblème, appelé à une immense fortune à la Renaissance et à l’époque classique. Cependant, son œuvre poétique, mise au service de sa conception de l’enseignement du droit, reflète également les prises de position de son auteur dans le domaine juridique. Par l’entremise d’une lecture hautement personnelle du mythe de Narcisse, Alciat propose en effet dans son emblème Philautia (1546) un véritable manifeste en faveur de l’humanisme juridique, renvoyant dos-à-dos ses adversaires, juristes comme philologues. The jurist and humanist Andrea Alciato went down in history as the creator of the literary genre of the emblem, bound to a great fortune in the Renaissance and in the Classical period. However, his poetic work, put at the service of his conception of the teaching of law, also reflects the views of its author in the legal field. Indeed, in his emblem Philautia (1546), Alciato offers a true manifesto in favor of legal humanism through a very personal reading of the myth of Narcissus, dismissing back-to-back his opponents, jurists as well as philologists.

Cet article traite de l’identification d’Étienne Pasquier à l’éloquence civilisatrice de l’Hercule gaulois. Dans le contexte troublé du xvie siècle, le juriste-humaniste s’identifie lui-même à cette éloquence qu’il met en œuvre dans le but de participer à la civilisation entreprise par la République des Lettres. Pasquier veille ainsi à diffuser son savoir, mais aussi à civiliser les actes royaux en les confrontant à un idéal de justice. Derrière cette double acception de l’éloquence se dessine alors les traits du héros gaulois décrit par Lucien de Samosate. This article deals with the identification of Étienne Pasquier with the civilizing eloquence of the Gallic Hercules. In the troubled context of the 16th century, the jurist-humanist identified himself with this eloquence that he implemented with the aim of participating in the civilization undertaken by the Republic of Letters. Pasquier thus took care to disseminate his knowledge, but also to civilize royal acts by confronting them with an ideal of justice. Behind this double meaning of eloquence then emerges the features of the Gallic hero described by Lucien de Samosate.

Dans Pero sigo siendo el rey (2009), l’un de ses polars les plus « déjantés », Carlos Salem livre une réflexion très personnelle sur la réalité de l’Espagne en ce début de XXIe siècle. Au cœur de cette Espagne résolument moderne subsiste, d’après l’auteur argeñol, une Espagne « freinée », figée dans les années 1960, qui représente allégoriquement la part de la psyché espagnole qui, tant qu’elle n’aura pas pansé les plaies de son histoire récente, sera condamnée à errer entre un passé irrésolu et un avenir incertain. In Carlos Salem’s Pero sigo siendo el rey (2009), a novel often considered as idiosyncratic and extravagant also lies the argenol author’s most personal analysis of contemporary Spain. As he demonstrates, even though Spain has decidedly taken a modern turn, it somehow remains suspended, stuck in the 1960s – a decade that allegorically marked the national collective psyche and still conveys the myth that, as long as the country does not manage to come to terms with its painful recent history, it will be doomed to wander between its irresolute past and its doubtful future.

La prima parte del saggio analizza due episodi significativi della più antica ricezione della Commedia in ambito religioso, gli antichi commenti dei cosiddetti Anonimo Lombardo e Anonimo Teologo. L’analisi congiunta dei due apparati notulari si giustifica alla luce della tradizione manoscritta comune (i due testi viaggiano sempre insieme) e di una comune formazione culturale, genericamente religiosa per il Lombardo, specificamente domenicana per il Teologo. Il problema del rapporto tra fictio e verità nella poesia dantesca, così come affrontata dai primi esegeti di estrazione mendicante, Guido da Pisa in particolare, e laica, su tutti Benvenuto da Imola, costituisce l’asse portante della seconda parte del saggio. La première partie du présent article analyse deux épisodes significatifs de la réception la plus ancienne de la Commedia en contexte religieux, les commentaires de ceux que l’on appelle l’Anonyme Lombard et l’Anonyme Theologien. L’analyse conjointe de ces deux commentaires se justifie à la lumière de leur tradition manuscrite commune (les deux textes sont toujours transmis ensemble) et d’une commune formation culturelle, globalement religieuse pour le Lombard, plus spécifiquement dominicaine pour le Théologien. Le problème du rapport entre fictio et vérité dans la poésie de Dante, traité par les premiers exégètes d’origine mendiante, Guido da Pisa en particulier, et laïque, avant tout Benvenuto da Imola, constitue l’enjeu de la seconde partie de l’article. The first part of the present study examines two of the most significant episodes of the most ancient reception of the Commedia in religious environments, the commentaries by the so called Anonymous Lombardus and Anonymous Theologus. The shared manuscript tradition of the texts, which are always transmitted together, and the common cultural education of the two authors (religious, in a wide sense, for the Lombardus, and specifically dominican for the Theologus), justify a combined analysis of these two commentaries. The second part of the essay focuses on the relation between fictio and truth within the dantean poetry. This issue, as tackled by the first exegetes of mendicant extraction, Guido da Pisa in particular, and secular, first of all Benvenuto da Imola, shows two different perspectives in the interpretation of Dante’s Commedia in 14th and 15th centuries.

« Descartes refiere que los monos podrían hablar si quisieran, pero que han resuelto guardar silencio, para que no los obliguen a trabajar. Los bosquimanos de África del Sur creen que hubo un tiempo en que todos los animales podían hablar. Hochigan aborrecía los animales ; un día desapareció, y se llevó consigo ese don. »Jorge Luis Borges, El libro de los seres imaginarios (paru sous le titre original Manual de zoología fantástica, Mexico, 1957). À l’ère du numérique, des ouvrages digitalisé...

Le livre imprimé est le lieu privilégié pour comprendre comment s’est construit un nouveau regard sur l’Antiquité à la suite des guerres de Religion, de la mise en place de la censure des images ainsi que de la centralisation du pouvoir politique. Or, le nom de celles et ceux qui en ont déterminé la forme propre – imprimeurs, libraires, graveurs, correcteurs – ne figurent pas toujours en page de titre. Ils ont pourtant traduit, modifié et parfois déplacé des textes et des images pour répondre aux attentes d’un public friand de nouveautés. La présente enquête part d’un livre recomposé à partir d’un texte de Natale Conti et des illustrations de Vincenzo Cartari. Bricolé à la hâte dans une officine lyonnaise au début du xviie siècle, il a connu une fortune extraordinaire. Ses sources et sa postérité sont analysées à travers des figures monstrueuses entre la fable, la caricature religieuse, les sciences naturelles et la littérature de voyage, de l’Hécate à trois têtes aux démons dotés de seins pendants jusqu’aux sorcières du Brésil.

Les dieux-monstres de Cartari ont fait l’objet de critiques, notamment de la part de Jean Seznec dans sa Survivance des dieux antiques comme cela a été vu en introduction. Pour aller dans le sens de Seznec, il est vrai qu’un lecteur ou une lectrice non avisée pourrait être surprise de voir une Hécate à trois têtes animales, une Cérès à tête de cheval ou un Hermès à tête de chien. Cependant, on aurait tort d’interpréter cette gêne à l’encontre des dieux-monstres de Cartari comme un problème de...

La progressive codification de l’image allégorique et documentaire dans les années 1600, entre science, fiction et caricature religieuse, a progressivement éclaté le discours et l’illustration des mythographes modernes. Tout d’abord, le nouveau contexte historique et scientifique, c’est-à-dire les traités des naturalistes et des antiquaires, fonde toujours plus ses récits sur les reproductions des objets commentés ; l’image acquiert le statut de preuve de leur discours. Ensuite, l’allégorie s...

Le livre évoque l’intime, c’est pourquoi le vocabulaire qui en décrit la fabrique ou la lecture peut se teinter d’une connotation érotique : la page que l’on caresse, la matrice qui doit être chauffée, la pression sur la page vierge. Du sexe à la religion, la métaphore du livre comme pénétration d’un message divin est répandue, il suffit de penser à la Vierge ensemencée par la parole de Gabriel, qui a donné lieu à son iconographie la représentant un livre à la main. En plus d’être direct, le ...

Les tailleurs d’images à Venise Plus on remonte dans le temps, plus le nom des graveurs est difficile à trouver. Dans l’affaire des illustrations de Cartari (qui servent à orner la Mythologie en 1612), seuls deux noms ont été mis en avant par la recherche : Bolognino Zaltieri et Giuseppe Porta pour l’édition vénitienne de 1571. Cependant, il demeure difficile de comprendre en quoi consistent exactement les tâches de l’un et de l’autre ; c’est là que la recherche en histoire de l’art prend le...

Ce chapitre sur l’allégorie sera l’occasion d’analyser le rapport entre texte et image et d’observer le phénomène général de disparition d’un certain type de représentation allégorique, caractéristique de l’œuvre de Cartari : les laides allégories. En partant du chapitre consacré à Fortuna (Fortune dans la traduction française de Du Verdier), il s’agira de mettre en lumière le changement profond à l’œuvre dans la représentation allégorique au tournant des années 1600. Devant un paysage à pein...

Les deux Jean de Montlyard Jean de Montlyard est l’auteur de la première et de la seule traduction française de Natale Conti, que Paul Frellon reprend dans sa Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables de 1612. Comme indiqué précédemment, son nom apparaît aussi bien sur la page de titre que dans les extraits de privilèges royaux, où il est indiqué qu’il a vendu son manuscrit à Frellon en 1610. Montlyard est un personnage peu connu, seulement mentionné dans des notes en bas de page ou de...

Pierre Eskrich, Paul Frellon et Jean de Montlyard appartiennent à une époque de « scission », voire de « dualisme » entre les lettres et les sciences. La Mythologie de 1612 donne ainsi l’occasion d’envisager une période de redéfinition et de division des savoirs durant laquelle certaines productions livresques proposent au lectorat des textes et des images tirés aussi bien de la littérature antique, des récits de voyage que des traités des naturalistes. Les illustrations des naturalistes-anti...

L’analyse du rapport entre texte et image dans la Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables de 1612 que je propose permet de mesurer les écarts entre l’un et l’autre et leurs spécificités. Tandis que les dieux-monstres et la plupart des laides allégories en image disparaissent des illustrations des livres à partir du xviie siècle, d’autres monstres en revanche sont en plein essor : les prodiges et races monstrueuses. Ce chapitre sera ainsi l’occasion de revenir à l’étude du texte et de ...

De la traduction du texte, on en arrive à celle de l’image. Il faut commencer par constater que les illustrations de la Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables de 1612, à savoir le lot regravé sur bois pour les trois versions de l’édition lyonnaise de Cartari (1581) attribué à Pierre Eskrich, a été repris tel quel pour illustrer la Mythologie de 1612. Ce lot d’illustrations de la réédition lyonnaise de Cartari est le plus souvent fidèle aux illustrations de Giuseppe Porta et Bolognino...

À l’époque de la publication de la Deffense et illustration de la langue française de Joachim Du Bellay (Paris, Arnoul l’Angelier, 1549), les pratiques sociales de lecture sont en plein changement, les érudits ne détenant plus le monopole de la connaissance des textes savants (grec, latin, hébreu) et tous les artistes francophones, même les plus ignorants, ayant accès à Vitruve et Ovide en français. C’est contre cette « nouvelle classe de lecteurs » qui appelle un « afflux immense » de traduc...

Les éditions de Conti et Cartari Les premières éditions des Imagini de i dei degli antichi de Cartari et des Mythologiae sive explicationis fabularum libri decem de Conti paraissent à Venise entre les années 1550 et 1580. Elles répondent aux attentes d’un public humaniste, lettré et érudit. Illustrer un livre est une entreprise onéreuse et personne ne se lance sans quelques garanties de succès, sans compter que les illustrations in-texte sont encore rares à cette époque. C’est pourquoi, les ...

Nombreux sont les livres de l’Ancien Régime à être hybrides, comme la Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables de 1612, et pourtant seul un œil avisé et expert pourra en discerner les diverses composantes. La raison en est que la forme symbolique du livre prime dans le regard des lecteurs et lectrices et uniformise toute différence matérielle. Cette forme se fonde sur celle du manuscrit enluminé. Dans cet héritage, l’image sert de balise au discours, en structure les sections pour mieu...

La présente thèse porte sur les récits allégoriques écrits entre 1453 et 1510, qui constituent les derniers représentants directs de l’importante tradition allégorico-narrative popularisée par le Roman de la Rose. Dans la mesure où ils s’ancrent par rapport à un avant et dans l’absence d’un après, ces textes ont développé une poétique tardive qui leur est propre, fondée sur le respect de l’héritage littéraire plus que sur la rivalité, sur la préservation des procédés d’écriture plus que sur leur rénovation. Se dissociant de la filiation critique inaugurée par Jean de Meun, ils renouent ainsi avec les propositions allégorico-narratives non conflictuelles de Guillaume de Lorris, qu’ils honorent par un certain conservatisme. Si l’étude des dernières manifestations d’un genre nécessite, en plus de s’attarder aux considérations poétiques, de replacer les œuvres tardives dans l’histoire littéraire (pour comprendre leur état de postérité et de finalité), il semble que, dans le cas des derniers récits allégoriques, la poétique des textes soit révélatrice de leur positionnement : au-delà des bouleversements culturels du tournant du xvie siècle, le rapport paisible de ces œuvres à leur filiation paraît en effet avoir peu encouragé le renouvellement de la pratique. This thesis focuses on allegorical narratives written between 1453 and 1510, which are the last direct representatives of the important allegorical-narrative tradition popularized by the Roman de la Rose. Insofar as they are anchored in relation to a before and in the absence of an after, these texts have developed a late poetics of their own, based on respect for the literary heritage rather than on rivalry, on the preservation of writing procedures rather than on their renovation. Dissociating themselves from the critical filiation inaugurated by Jean de Meun, they thus revive the non-confrontational allegorical-narrative proposals of Guillaume de Lorris, whom they honor with a certain conservatism. If the study of the last manifestations of a genre requires, in addition to focusing on poetic considerations, placing late works in literary history (to understand their state of posterity and finality), it seems that, in the case of the last allegorical narratives, the poetics of the texts is revealing of their positioning: beyond the cultural upheavals of the turn of the 16th century, the peaceful relationship of these works to their filiation seems to have encouraged little renewal of the practice.