Nicklaus, Sophie, de Lauzon-Guillain, Blandine, Camier, Aurore, Somaraki, Maria, Adam, Tania, Divaret-Chauveau, Amandine, Adel-Patient, Karine, Charles, Marie-Aline, and de Lauzon-Guillain, Blandine
De nombreuses méta-analyses mettent en avant les bénéfices de l’allaitement sur la santé et le développement de l’enfant. Néanmoins, peu d’études considèrent l’alimentation du nourrisson au cours de la première année dans sa globalité, ceci alors que les pratiques d’alimentation (alimentation lactée puis diversifiée) sont liées entre elles. Ainsi, dans une première étape, nous avons cherché à caractériser l’alimentation des nourrissons en tenant compte de la durée d’allaitement ou du recours aux formules infantiles, de l’âge d’introduction et de la fréquence de consommation des différents groupes d’aliments puis des morceaux et enfin, de la consommation d’aliments infantiles et d’aliments issus de l’agriculture biologique. Dans la cohorte nationale ELFE (Charles et al., 2020), 8922 nourrissons avaient des données exploitables pour répondre à cet objectif. Nos analyses ont montré que, au-delà de la durée de l’allaitement et de l’âge à la diversification alimentaire, la description des pratiques d’alimentation, nécessite de considérer l’âge d’introduction de certains groupes alimentaires spécifiques tels que les boissons sucrées, le lait de vache ou les céréales infantiles, et d’introduction des morceaux (Camier et al., 2020). Par contre, le type d’aliments consommés (infantiles ou issus de l’agriculture biologique) participait peu à la définition des différents types de pratiques identifiés en 2011-12. Concernant les caractéristiques familiales associées à ces pratiques, comme dans des études précédentes, les pratiques d’allaitement et de diversification plus en accord avec les recommandations sont liées avec un âge ou un niveau d’études maternels plus élevés. Nous montrons également que la migration et un faible niveau de revenus sont associés à un allaitement plus long. Enfin, la présence d’enfants plus âgés dans le foyer est associée à un allaitement plus long mais aussi à une introduction précoce du lait de vache.Lorsque nous regardons les liens entre ces pratiques d’alimentation et la croissance des enfants, nous constatons qu’une durée plus longue de l'allaitement était liée à un IMC plus faible à 1 an mais à un IMC plus élevé à 7 ans (Camier et al., soumis). À l'âge de 7 ans, les enfants allaités pendant plus de 6 mois présentaient un risque plus faible d'insuffisance pondérale que les enfants allaités pendant 1 à 3 mois. Par rapport à l'âge recommandé pour la diversification alimentaire (4-6 mois), une diversification précoce ( 6 mois) était liée à un risque plus élevé d'allergie alimentaire entre 1 et 5,5 ans. Un faible score de diversité à 10 mois était lié à un risque plus élevé de rhinoconjonctivite avant 5,5 ans. Enfin, plus le nombre d'aliments allergènes (parmi lait, œuf, blé et poisson) non introduits à 10 mois était élevé, plus le risque de maladies allergiques avant 5,5 ans était important, en particulier l'allergie alimentaire et la rhinoconjonctivite.Nous avons enfin analysé le lien entre les pratiques d’alimentation et le neurodéveloppement lors des suivis à 1 an et 3,5 ans, respectivement (Somaraki et al., en préparation). Nos résultats confirment l’association positive entre la durée d’allaitement et les scores de neurodéveloppement. Au-delà de l’allaitement, l'introduction de morceaux était associée à la motricité globale à l'âge d'un an : une introduction précoce, avant 8 mois, était associée à une probabilité moindre de faire partie du groupe " score de motricité globale inférieur " et une introduction tardive (après 10 mois) à une probabilité plus élevée, par rapport à une introduction entre 8 et 10 mois. Ces associations n'ont pas été observées à 3,5 ans. Les associations avec le langage expressif présentaient un schéma similaire, avec une probabilité plus faible de faire partie du groupe " score de langage expressif plus faible " chez les enfants auxquels on a introduit des morceaux d'aliments tôt, et probabilité plus élevée chez ceux auxquels on a présenté des morceaux d'aliments tard. Cette association est également observées à l'âge de 3,5 ans. Ainsi ceci suggère une association positive entre l'introduction lors d’une période sensible (entre 8 et 10 mois) d'aliments texturés et le développement de l'enfant, plus particulièrement la motricité globale et le langage expressif. Ces premières analyses seront poursuivies en intégrant d’autres dimensions de l’alimentation précoce, notamment sa dimension environnementale.