International audience; As part of the doctoral thesis I have conducted, this anthropological article makes use of a long-term ethnographic analysis centered on the city of Marseille to address two types of rallies that affect protest demonstration practices: the appearance and persistence of leading protest groups (cortèges de tête) since 2016, and the Yellow Vest demonstrations of 2018 and 2019. These two areas of collective mobilization under scrutiny are distinct from other domestic demonstration practices, in particular trade unions demonstrations. They tend not to establish prior contact with the police, engage in unpredictable routes, provide no security volunteers and reject any form of hierarchy among the participants, as well as a notable tolerance for varying degrees of violence. These two phenomena are analyzed in their capacity to affect the behavior of participants, in particular vis-à-vis violence.The participants in these two protest spaces, who are heterogeneous in gender and age, clearly assert their independence vis-à-vis trade unions and political parties within this framework. However, they stand out by their political socializations. Apart from high school students, the participants in these cortèges de tête are experienced demonstrators and claim to belong to the left, the far left or the “extreme left”. The Yellow Vest demonstrators experienced their first collective mobilization within this framework, and claim to belong to various political sensitivities.The interviewees are well aware that they have broken away from the practices of trade unions demonstrations, which they consider to be ineffective. This is because, over the past few decades, these demonstrations have failed to take into account the demands and goals set out by various social movements. Instead, they aim to question society in a holistic way and clearly affirm their will not to limit their struggle to what is authorized by the state. These forms of mobilization are thus connected with such practices as rioting, and are conceived by the participants as a political tool whose ultimate goal is to win over political leaders’ attention.Since the mobilizations of 2016, the developments in policing techniques, in particular the “militarization” of forces assigned for this purpose, and the mobilization of non-specialized police units, have contributed to rising tensions for these two spaces of demonstration. Participants, who have faced methods such as systematic tear gassing, entrapment techniques, flash-balls, charging, verbal intimidation, and police brutality, feel unfairly assaulted. These methods have helped to foster solidarity among some of the participants within these very heterogeneous groups, but also the acceptance of violence for others. It is therefore necessary to take into account all of the emotions experienced within the framework of these mobilizations, especially when demonstrators and law enforcement clash directly, in order to understand the participants’ procedural commitments in these two spaces of protest.; Cet article, fondé sur une enquête ethnographique de longue durée centrée sur la ville de Marseille, menée dans le cadre d’une thèse de doctorat, propose une analyse anthropologique de deux formes de mobilisation qui modifient les pratiques des manifestations revendicatives : l’apparition et la persistance des « cortèges de tête » depuis 2016, et les manifestations gilets jaunes de 2018 et 2019. Les deux espaces de mobilisation collective étudiés ont rompu avec la pratique domestiquée des manifestations, notamment des manifestations syndicales : absence de communication avec la préfecture de police, imprévisibilité des parcours, refus d’un service d’ordre, rejet d’une hiérarchisation des participants, acceptation de pratiques violentes à différents degrés. Ces deux phénomènes sont traités ici dans leur capacité à transformer les individus qui y participent, notamment en ce qui concerne leur rapport à la violence. Les acteurs de ces deux espaces, très hétérogènes en genre et en âge, affirment clairement leur indépendance vis-à-vis des syndicats et des partis politiques dans ce contexte. Ils se distinguent cependant par leurs socialisations politiques. Les participants aux « cortèges de tête », en dehors des lycéens, sont coutumiers des manifestations et se revendiquent de gauche, d’extrême gauche ou d’ultragauche. Les protagonistes des manifestations de gilets jaunes ont pour un certain nombre d’entre eux vécu leur première expérience de mobilisation collective dans ce cadre et se déclarent de sensibilités politiques diverses. Les manifestants interviewés ont conscience de rompre avec les pratiques des manifestations syndicales, qu’ils considèrent comme inefficaces, car n’ayant pas permis d’aboutir ces dernières décennies à une prise en compte des revendications portées par différents mouvements sociaux. Ils souhaitent questionner la société de manière globale et affirment clairement leur volonté de ne pas se limiter à ce qui est autorisé par l’État pour lutter. Ces formes de mobilisation renouent avec des pratiques comme l’émeute et sont pensées par les acteurs qui en font le choix comme un outil politique, ultime moyen de se faire entendre par les dirigeants.Les transformations des techniques de maintien de l’ordre depuis les mobilisations de 2016, notamment par la « militarisation » des forces qui y sont dévolues et la mobilisation lors des manifestations d’unités de police non spécialisées, participent à une montée en tension de ces espaces. Les acteurs faisant face à ces méthodes (gazage systématique, nasse, tir de Flash-Ball, charge, intimidation verbale, interpellation musclée) se sentent injustement agressés, ce qui va contribuer à créer de la solidarité au sein de ces groupes pourtant très hétérogènes et conduire certains manifestants à accepter des pratiques violentes. La prise en compte des émotions ressenties dans le cadre de ces mobilisations, notamment lors de moments de face à face entre manifestants et forces de l’ordre, est donc nécessaire pour comprendre l’engagement processuel des participants à ces deux espaces.