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Pour comprendre le rapport entre l’avant-garde et le soi-disant « retour à l’ordre » qui se propage dans l’entre-deux-guerres, il faut identifier le rôle joué par la critique d’art dans les relations entre art et politique à Paris à cette époque. En effet, dès la fin du xixe siècle, de nombreux critiques d’art liés plus tard à l’École de Paris s’aventurent dans des querelles qui marqueront un tournant majeur dans la politisation des discours sur l’art. On assiste, d’une part, à une profusion ...

Dans l’entre-deux-guerres à Paris, au moment où une frange d’intellectuels unit ses voix aux mouvements nationalistes, des critiques d’art gravitant autour de l’École de Paris prennent des positions esthétiques et idéologiques parfois déroutantes. L’ouvrage examine les motivations personnelles, communautaires et sociales des divers auteurs qui ont débattu la question d’un art juif et de son éventuel caractère ethnique. Il étoffe notre compréhension de la politisation des discours sur l’art, sans céder à une vision simplificatrice ou binaire : à l’heure de la montée des fascismes, la critique d’art s’est adaptée aux circonstances, reflétant ainsi les glissements et les instabilités de l’époque.

Adolphe Basler, entre avant-garde et tradition Comme nous avons pu le constater, toutes les expressions partisanes utilisées par la critique d’art conservatrice se lisaient dans les textes de vulgarisation, dont le discours dominant était à la fois acerbe, outrageant et accusateur. L’usage de certaines formules rhétoriques avait rapidement gagné les milieux les plus militants et apparaît de façon surprenante dans les écrits de deux figures majeures de la critique d’art parisienne des années 1...

La collection « Artistes juifs » de la maison d’édition Le Triangle Waldemar-George a été l’un des auteurs les plus prolifiques de la maison d’édition Le Triangle : il compte à son actif sept monographies consacrées à des artistes juifs. Cet engagement s’explique par son adhésion enthousiaste au projet de la collection « Artistes juifs », qui s’imposait comme l’expression d’un judaïsme communautaire et solidaire à la fin des années 1920. Tiraillé entre son appartenance à la culture française,...

Le cosmopolitisme de l’École de Paris Dans la première moitié du xxe siècle, Paris est la capitale incontestée des arts internationaux, où se précipite avec enthousiasme une foule d’artistes, poètes, acteurs, musiciens, philosophes et écrivains. La Première Guerre mondiale et l’après-guerre ont déclenché de grandes vagues migratoires qui ont accru de façon exponentielle la présence d’étrangers sur le territoire français. Si les facteurs économiques sont déterminants, ils ne sont cependant pas...

Camille Mauclair et les réseaux politiques de droite Écrivain, poète et critique d’art, Camille Mauclair (ill. 9) naît à Paris en 1872 et grandit au sein d’une famille de catholiques alsaciens installés dans la capitale. Ses liens avec sa terre d’origine se maintiendront grâce aux propriétés qu’il possède près de Phalsbourg et de Saverne. Son père décédant alors qu’il a seulement dix ans, il doit penser très tôt à acquérir une autonomie financière, tout en éprouvant l’irrépressible désir de s...

« À la source de l’art moderne », la dernière publication répertoriée à ce jour d’Adolphe Basler, date de 1945 et fait partie d’un recueil de Gaston Diehl consacré aux « problèmes » de la peinture. Le court essai du critique d’art s’inscrit dans un contexte assez particulier, car ce livre est préparé au moment même où la France subit les dures épreuves de la guerre. La participation de Basler relève donc d’un ultime changement de cap, le rapprochant enfin des cercles de l’élève d’Henri Focill...

Ce texte accompagne la publication des dessins d’Adrien Karbowsky sur la plateforme d’édition numérique de sources enrichies de l’Institut national d’histoire de l’art, Pense, qui présente les élévations des décors de l’hôtel particulier de Jacques Doucet (19, rue Spontini) exécutées en 1906 par Karbowsky et identifie les différents objets ayant appartenu au collectionneur et représentés par le décorateur.

Tout à la fin de son exposé, Benjamin récapitule une dernière fois les traits communs aux diverses facettes du changement produit par l’industrialisation, mutation qu’il a étudiée en se penchant, dans chaque chapitre, sur un domaine social en particulier : « Au xixe siècle, le développement des forces productives a émancipé les formes plastiques de la tutelle de l’art […]. L’architecture montre la voie en devenant construction d’ingénieur. Vient ensuite la photographie comme reproduction de l...

Le dernier chapitre de l’exposé se penche sur les travaux de rénovation du baron Haussmann et s’intéresse en particulier à leur fonction militaro-politique : rendre impossible l’édification de barricades à Paris en perçant de larges boulevards et des enfilades de rues en ligne droite, pour permettre aux autorités de mieux contrôler l’espace urbain en cas de soulèvement. Le chapitre se compose de deux paragraphes, que vient compléter un troisième alinéa, en apportant une conclusion à l’ensembl...

Après avoir ébauché le premier texte des « Passages » avec Hessel, c’est tout seul que Benjamin allait continuer de travailler à son projet. Il entreprend de compléter ses propres observations par des témoignages littéraires datant de l’époque où les passages étaient à leur apogée, afin de juxtaposer à leur état actuel le temps de leur préhistoire. Cette association entre documents du passé et récit au présent caractérise les textes qu’il esquisse à ce moment-là : les notes lapidaires des « P...

Du rapport fondamental entre passé et présent que Benjamin a inscrit dans son projet des Passages, nous mettrons encore ici un dernier aspect en vedette : la relation entre d’un côté les images du xixe siècle qu’il a réunies dans ses notes et matériaux, et de l’autre la théorie visuelle qu’il élabore dans son essai sur l’œuvre d’art. Pour ses Passages, Benjamin a choisi principalement des lithographies et des gravures sur bois ; autrement dit, des documents graphiques à grand tirage, destinés...

Dans le cinquième chapitre de son exposé, Benjamin s’intéresse à l’œuvre de Charles Baudelaire, chez qui Paris devient pour la première fois « objet de poésie lyrique ». Après s’être penché, dans le chapitre consacré à l’intérieur, sur les appartements bourgeois comme refuge, il se tourne à présent vers ce qui advient dans l’espace urbain. Les « rues de Paris » sont le lieu de la vie publique et d’une existence individuelle toujours plus fortement vouée à l’anonymat et à la « détresse », en r...

Les amples recherches menées par Benjamin au Cabinet des estampes ont laissé des traces dans sa correspondance, où il les évoque à plusieurs reprises. La toute première indication figure dans une lettre du 10 juillet 1935 à Max Horkheimer : « Depuis la mi-mai, je travaille avec la dernière intensité à parachever ma documentation à la Bibliothèque nationale et au Cabinet des estampes. » Dans les lettres qui suivent, il s’emploie à souligner en particulier telle ou telle visée de ses recherches...

Le troisième chapitre de l’exposé des Passages traite des expositions universelles, grands rassemblements internationaux où l’industrie et les arts appliqués faisaient parade de leurs prouesses. Organisées à partir de 1851, elles se sont tenues à intervalles irréguliers, environ tous les trois ans, dans différentes villes – le plus souvent à Paris, qui les a accueillies à cinq reprises entre 1855 et 1900. Ce troisième chapitre se rattache à celui des passages, qui, avec leurs toits de verre, ...

Au printemps de 1935, juste avant d’entamer ses recherches au Cabinet des estampes, Benjamin consigne déjà dans ses notes un ensemble consistant de gravures qu’il a vu à l’exposition La Commune de Paris. 18 mars – 28 mai 1871, présentée au musée municipal de Saint-Denis, du 17 mars au 26 mai 1935. Le catalogue compte 695 pièces, dont certaines sont des suites d’images et se composent de plusieurs planches ; il s’agissait donc d’une documentation historique d’assez grande ampleur. Les notes de...

Le chapitre d’introduction de l’exposé est dédié à l’objet qui fut longtemps au cœur du projet de Benjamin sur Paris : les passages. L’argumentation du texte se déploie en deux sections qui comptent chacune trois paragraphes. La première associe les passages et la construction en fer. La nouvelle technique naissante se trouve prise dans les formes traditionnelles d’une conception académique de l’architecture, et ce conflit entre une construction essentiellement moderne et une décoration extér...

L’œuvre graphique de Grandville (de son vrai nom Jean Ignace Isidore Gérard, 1803-1847) tient une place à part dans le projet des Passages. À lui seul, le pseudonyme que le dessinateur s’était choisi, « Grandville » – il l’a repris de son grand-père, qui était comédien –, l’identifie déjà comme l’artiste par excellence de la métropole parisienne. Benjamin connaissait ses ouvrages illustrés et il en a mentionné plusieurs. Mais celui auquel il s’est intéressé le plus, c’est Un autre monde (1844...

Une vitrine avec des images d’Épinal Au seuil des études menées à Paris par Benjamin, il y a l’ébauche intitulée « Passages », qu’il rédigea en juillet 1927 avec son ami Franz Hessel (1880-1941). Les deux hommes travaillaient alors à la traduction d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. En parallèle, ils publiaient de petits textes de feuilleton recueillant les choses vues dans la métropole parisienne. Hessel, qui avait douze ans de plus que Benjamin, s’était déjà adonné à la flâner...

Dans le deuxième chapitre de son exposé, Benjamin aborde un autre « bouleversement dans les rapports de l’art à la technique » : les modifications techniques et esthétiques apportées aux arts visuels par l’invention de la photographie. Son argumentation s’articule en cinq points. Les deux premiers paragraphes présentent le dispositif du panorama, tel qu’il fut inauguré à Paris en 1799 : un procédé pictural où l’imitation de la nature est poussée jusqu’à l’illusion. En cherchant à reproduire f...

Entre 1927 et 1930 à Berlin, puis de 1934 à 1940 à Paris, Walter Benjamin travaille à accumuler des matériaux pour un projet de vaste envergure : retracer, à partir de l’étude des passages parisiens, une « préhistoire du XIXe siècle ». La rédaction du texte est sans cesse différée, tandis que l’immense corpus préparatoire semble voué à croître indéfiniment, devenant une somme composite de citations que double parfois, à la manière d’une note de régie, une réflexion ou une remarque énigmatique. Au fil de ses recherches, Benjamin se rend à l’évidence : il faudra que son Livre des passages soit enrichi par des images. Une « documentation visuelle » se constitue bientôt, écrit-il, glanée pour l’essentiel dans les recueils du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale où il travaille pendant son exil parisien. Une centaine de notes témoignent de cette collecte et conservent, enfermée dans leurs plis, la mention d’une ou de plusieurs images qui sont restées pour la plupart inconnues jusqu’ici. Steffen Haug a voulu retrouver cette réserve enfouie. Gravures et dessins de presse, tracts, réclames, affiches et photographies, de Meryon et Grandville à Daumier, en passant par la cohorte anonyme et le tout-venant de la production visuelle à grand tirage du XIXe siècle : la moisson rapportée ici est surprenante. Elle invite à lire ou relire les Passages en faisant à l’image toute la place qu’elle occupe dans la pensée du dernier Benjamin, à l’heure où s’élaborent, sous la menace de temps assombris, son essai « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », le projet de livre sur Baudelaire ou ses Thèses sur le concept d’histoire.

Le quatrième chapitre de l’exposé est consacré à l’intérieur bourgeois, un phénomène qui s’est constitué au xixe siècle avec l’émergence d’une nouvelle classe sociale aisée, principalement composée d’entrepreneurs qui firent fortune grâce aux progrès de la technique au moment de la révolution industrielle (tandis que la noblesse se concentrait sur la propriété foncière et l’agriculture). Lorsqu’une nouvelle répartition du pouvoir se mit en place après la révolution de juillet 1830, ce ne fut ...

Après ses recherches au Cabinet des estampes, Benjamin allait encore intégrer, entre 1936 et 1940, une quinzaine de notes iconographiques à ses liasses des Passages. Ces entrées ont été ajoutées au fil des années, avec une régularité qui témoigne de son intérêt persistant pour l’image. On trouve dans les matériaux des Passages, juste après les notes prises au Cabinet des estampes, d’autres références à des images. Elles se rapportent à des ouvrages illustrés appartenant au fonds général des i...

At the onset of the Great War, few artists grasped how radically different it would be from previous military conflicts. Despite their commitment to transformation in the aesthetic realm, many avant-gardists relied on old-fashioned or outmoded visual styles to grapple with the beginnings of a war that proved more disruptive to established cultural patterns than any art they could make about it. The American modernists considered in this essay are Man Ray, who invoked Renaissance battle scenes to suggest war’s inevitable recurrence; Marsden Hartley, an early abstractionist who borrowed from traditional heraldic art to honor a German friend who died in combat; and Romaine Brooks, who drew on her nineteenth century romantic and symbolist predecessors to convey heroism and decadence. Perplexed by the present, even modernists reached instinctively for the past.

La figure vorticiste du « barbare » était dialectiquement issue de l’esthétisme moderniste britannique, car elle en signifiait la suppression et le dépassement. L’idéal féminin et domestique des intérieurs bourgeois du cercle Bloomsbury autour de Roger Fry était converti en virilité, leur modernité hésitante en modernisme agressif, leur temporalité intermédiaire entre la fin de l’ère victorienne et le début de l’ère des masses en conscience post-historique. Pour Lewis, la fin du monde d’hier imposait le début d’une nouvelle barbarie, consciente de surcroît de sa supériorité nordique. Esthète jusqu’au bout des ongles, Lewis a participé à la guerre, sans en revendiquer une quelconque paternité : il l’a suivie, indifférent, avec cette impassibilité qui en l’occurrence n’était pas propre aux automates, mais aux dieux.

Au début de 1914, le philosophe religieux russe Nikolaï Berdiaev faisait paraître un important essai consacré à l’art de Picasso puis, dès l’annonce de la Première Guerre mondiale, il initiait une série de chroniques philosophiques portant sur celle-ci, analysant ses causes et effets. En juxtaposant ces écrits aux visées en apparence éloignées, il s’agit ici de faire ressortir la perméabilité entre l’éthique, l’esthétique et le social dans le discours sur l’art moderne en Russie et d’entrevoir ainsi les différentes significations, craintes et espoirs dont les productions artistiques – tout comme leurs créateurs – pouvaient faire l’objet.

World War I sparked a surge in the manipulation of nostalgic ideas to shape the concept of an idealist future. However, directing the public to believe in a real that is not actually real may require suppression of the sacrifices necessary to achieve it; T. E. Hulme’s belief that the concern is not with ‘truth’ but ‘success’ indicates a propagandist practice of interpretation and distortion – of the real, and of the idea of an alternate reality. Such contradictions create conditions where a current real, albeit manipulated as in Dora McLaren’s 1914 poster For Horsenden Hill, is confronted by an alternative, revealed in imagery such as C. R. W. Nevinson’s Returning to the Trenches. This paper examines ideological constructions of interpretations of the real specific to 1914, demonstrating how propaganda is used in representing alternate realities whilst struggling with its contradictory claims.

Si les débuts des carrières artistiques d’August Macke et de Franz Marc sont de prime abord assez comparables, leur réflexion respective sur la guerre à venir ne l’est pas. Au mois d’avril 1914, Macke voyage pendant quelques semaines en Tunisie. Il peint des aquarelles qui sont reçues comme le journal d’un voyage par l’histoire de l’art. Pleines de couleurs et de lumière, ses aquarelles ne laissent pas deviner la guerre à venir. Macke ne montre aucune inquiétude, tandis que Marc réagit déjà avec gravité un an avant l’éclatement de la guerre. Alors que la carrière de Macke s’achève cruellement sur les champs de bataille avant qu’il ait pu développer une peinture pure, son ami Marc transforme sa théorie des couleurs, conçue en 1910, en peinture peuplée de formes agressives, de roues pointues et étincelantes. Les formes autant que les couleurs deviennent l’expression radicale autant que métaphorique de combats bien réels. La confrontation des œuvres peintes par les deux amis en 1914 permet d’appréhender la manière dont la guerre s’impose dans la peinture et de comprendre comment, dans l’œuvre de Marc, l’abstraction devient la forme réfléchie des événements pour lesquels il ne peut trouver de mots adéquats. Ce texte explore particulièrement l’influence de l’individualité sur la manière de peindre et le rôle primordial de l’expérience de guerre de Marc sur le choix et le développement de l’abstraction.

Au cours de l’année 1914, les organes de presse des partis politiques anglais affirment le rôle d’avant-garde des futuristes et vorticistes par l’emploi du champ lexical de la guerre, à trois moments : lors de la rencontre entre l’avant-garde italienne et l’avant-garde anglaise, au cours de l’affrontement entre leurs représentants qui provoque la naissance du vorticisme et, enfin, lors de l’entrée en guerre du pays. L’analyse de la presse politique qui suit les manifestations de ces avant-gardes et consacre leur rôle de miroir des bouleversements de la société anglaise permet d’étudier la manière dont l’opinion publique, à Londres, pense la guerre, durant l’année 1914, ainsi que le contexte politique dans lequel elle va survenir.

With the outbreak of World War I Russian avant-garde artists contributed to their nation’s struggle by producing paintings, posters, postcards and prints. This essay examines three examples of Russian responses to the war in the visual arts: the posters designed published by Segodniashnii Lubok (Today’s Lubok, taking its name from a type of popular print or broadsheet), Natalia Goncharova’s lithographic album Mystical Images of War and Olga Rozanova’s cycle of linocuts and collage titled War. The posters of the artists of Segodniashnii Lubok, particularly those designed by Kazimir Malevich, were directly inspired by Russian folk art forms, particularly the lubok. Likewise, Goncharova’s and Rozanova’s war-time prints were inspired by the lubok, but these appropriations of a popular art form were tied to a view of war through the prisms of Apocalypticism as well as Byzantine artistic and spiritual tradition.

The years previous to WWI were a time of crisis for the Flemish artist, architect and designer Henry van de Velde: as one of the founding fathers of Art Nouveau he noticed that its time had passed. His search for alternatives included regionalism, cyclopean classicism or retreat into neo-rococo aestheticism – all of which were not satisfactory and far away form his avant-gardism of around 1900. In addition he felt isolated in the provincialism of Weimar, ridden by sorrows over his underfinanced School of Applied Arts, offended by intrigues at the Grand-Ducal court, and disillusioned by the growing chauvinism. Yet with the Theater for the first Werkbund exhibition in Cologne 1914 he demonstrated his ability to combine functional considerations and new technologies with plastic organic form and merge them into a synthesis of the arts. And despite of what has been written by modernist protagonists about the Werkbund debate with Muthesius, he achieved a considerable point win within the institution. But all of his hopes for rejuvenation were shattered with the outbreak of WWI in August 1914.

L’ethnologue allemand, Leo Frobenius (1873-1938), est connu pour ses expéditions ethnographiques et ses écrits sur l’art africain. Au début de l’année 1914, il se trouvait en Afrique du Nord, parcourant les territoires français de l’Algérie et du Maroc, à la recherche d’un art préhistorique africain. Établis par les peintres de l’expédition, les relevés de gravures et de peintures rupestres furent comparés aux œuvres d’art moderne. Son expédition suivante, sur les territoires de la mer Rouge à l’automne 1914, montre l’enjeu stratégique que représentent les colonies pour les puissances belligérantes. En suivant les pas de Leo Frobenius en Afrique tout au long de l’année 1914, il s’agit de montrer pourquoi il est alors à l’avant-garde des arts et des combats et de mettre en exergue la rupture que constitue le déclenchement de la guerre.

Through Hommage to Blériot by Robert Delaunay and Festa patriotica by Carlo Carrà, both painted in 1914, this paper will seek to clarify the paradox underlying the attitude of the avant-gardes towards the aviator. The pilot and/or the plane constructor were venerated as Gods when the Great War broke out. He was the New Man of the future whose mission was to restore the essence of a greater humanity which many saw lost in years of degeneracy at the turn of the century. Combining spirituality and technical achievement, his crossing of the starry firmament embodied the revival of the humanistic ideal, the rebirth of a humanity reaching for its highest mission in the universe. If the First World War tended to prove that mankind could hardly handle the effects of their own inventions, the aviator, master of the machine and unlimited skies became a central figure to the discourse that used humanistic arguments to mask and justify the massacre.

En 1914, le théâtre du Vieux-Colombier poursuit sa première saison. Jacques Copeau, qui vient de lancer vaillamment ce petit théâtre, remporte tous les suffrages dans la presse. Son programme est ambitieux et innovant : installation sur la rive gauche de Paris, loin des autres scènes de la capitale, exigence littéraire, prédominance du répertoire classique, alternance des spectacles, décabotinisation de l’acteur… Dans cette aventure, deux jeunes acteurs débutants et prometteurs : Charles Dullin et Louis Jouvet. Forte de cette première campagne, la troupe se remet en ordre pour une deuxième saison lorsque la guerre éclate. Jouvet et Dullin partent au front, Copeau est réformé. L’aventure du Vieux-Colombier se poursuit via une correspondance où les thèmes de la guerre se mêlent à ceux du théâtre, rendu impossible par la séparation.

Un groupe d’aquarelles exécutées avec finesse en 1906 par le décorateur Adrien Karbowsky (1855-1945) est conservé à la bibliothèque de l’INHA. Elles représentent les principaux espaces de l’hôtel particulier de Jacques Doucet, situé 19, rue Spontini à Paris, avec une précision telle que chacune des œuvres de l’exceptionnelle collection de tableaux, dessins, sculptures, objets d’art et mobilier du xviiie siècle du couturier est identifiable (fig. 1). Cette demeure, aménagée dans un style Régen...

Monsieur l’Administrateur,Chers collègues,Chers amis, Si la leçon inaugurale appartient au rituel du Collège de France et marque un moment décisif dans le projet d’enseignement du titulaire d’une chaire, la dernière heure de ce même enseignement n’est pas nécessairement considérée comme son symétrique, c’est-à-dire qu’elle n’a pas un « format » déterminé. Cependant, ceux parmi les professeurs qui lui confèrent un statut particulier, se livrent la plupart du temps à un bilan de leur activité. ...

Le développement de l’historiographie de l’art, durant le XIXe siècle, a été grandement favorisé par l’invention de la photographie. Peu à peu, les chefs-d’œuvre de la peinture, de la sculpture et de l’architecture ont fait l’objet de campagnes photographiques au sein des grandes collections publiques et sur les sites monumentaux. L’enseignement de l’histoire de l’art a profité de cette documentation grâce aux projections lumineuses qui, à partir des années 1890, l’accompagnent d’abord en Allemagne, puis dans les autres pays européens, modifiant les comportements de l’orateur et du public, et redéfinissant certaines orientations de la discipline. Roland Recht consacre sa leçon de clôture aux projections lumineuses utilisées depuis plus d’un siècle dans tous les enseignements d’art ou d’archéologie. Cette leçon est augmentée d’un texte écrit en 2020, dans lequel l’auteur retrace son parcours de chercheur à la curiosité insatiable.

En complément de la leçon de clôture, j’ai souhaité donner un bilan de mes travaux. Il s’agit aussi d’une tentative d’y mettre un peu d’ordre. Ce bilan n’a de sens, me semble-t-il, que s’il est thématique, ce qui, à défaut de souligner la continuité de l’ensemble de mes recherches, en accentue une certaine disparité que je ne tiens pas à nier. Mon entrée en histoire de l’art avait bien commencé : j’entends par là qu’elle amorçait une ligne bien droite et continue. Louis Grodecki, dont j’ai ét...

S’il n’est pas avéré que Ménélik II ait utilisé son propre portrait photographique pour communiquer avec les chefs d’État étrangers, le roi a exploité la photographie dans la diplomatie autour d’une question cruciale, celle de sa succession. En 1907, le roi a en effet fait parvenir au Kaiser allemand Guillaume II une photographie de son petit-fils Iyasu, signée Bédros Boyadjian. La légende désigne explicitement Iyasu comme héritier du trône. La datation du document, le 4 juillet 1907, surpren...

La peinture éthiopienne connaît d’autres changements majeurs dans les premières décennies du xxe siècle à partir de sa capitale, Addis-Abeba, en raison d’une affluence inédite de visiteurs étrangers. Des légations de France, d’Italie, de Grande-Bretagne, d’Allemagne et de Russie s’établissent dans la capitale dans le sillage de la bataille d’Adoua, tandis que les missions diplomatiques, scientifiques ou commerciales étrangères se multiplient dans la région. En 1917, l’arrivée du chemin de fer...

Ménélik II a disparu petit à petit de la vie politique éthiopienne. Paralysé partiellement à partir de 1908, il perd toutes ses facultés mentales et physiques à partir de 1909 mais ne meurt que quelques années plus tard, dans un secret qui a confondu ses contemporains, tant éthiopiens qu’étrangers. Sitôt le roi écarté de la vie politique, ses plans pour sa succession ont été mis à mal par toute une série d’acteurs, au premier rang desquels la reine elle-même. Le leğ Iyasu a finalement été des...

Image de couverture : Ménélik II au gebbi d’Addis-Abeba par B. Boyadjian, années 1900. © IsIAO, Rome, fonds Bertolani, cote 19/A – Personalità e Tipi – Capi – II – Menelik 11-18. Doc. 1 : Yohannès IV et son fils, le ras Araya Sellasé, début des années 1880 – photographe inconnu, reproduction Naretti. Extrait de Guébré Sellassié, Chronique du règne de Ménélik II, roi des rois d’Éthiopie, Paris, t. 1, 1930, planche 12, p. 140. Doc. 2 : Portrait de Ménélik II, années 1880, par ...

Les photographies sont des objets transmissibles, échangeables et transportables de par le monde, et les documents présentés ici sont en majorité conservés à l’étranger. Il est donc malaisé – voire souvent impossible – de savoir comment elles ont été utilisées sur leur lieu de création. En revanche, différentes peintures murales d’église sont aujourd’hui visibles dans leur cadre géographique, architectural et culturel d’origine. Décryptées à l’aune de l’historiographie royale et des grands my...

Créées par des étrangers venus d’horizons divers (français, suisse, italien, arménien), les photographies de la cour de Ménélik II ont été des documents commandités, pensés et interprétés par le roi. Peut-on qualifier le processus d’introduction de la photographie à la cour royale éthiopienne d’« acculturation » ? Le mot désigne tous les contacts d’interaction qui résultent de la rencontre de deux cultures, mais il a souvent été employé dans la confrontation de deux sociétés de force inégale,...

Afäwarq Gäbrä Iyäsus, « Il dagmawi Menilek », Luigi Fusella (éd.), Rassegna di studi Etiopici, Rome, Istituto per l’Oriente, XVII (1961), XIX (1962). Albertis Enrico Alberto d’, Una gità all’Harrar, Milan, Fratelli Treves Editori, 1906. Amero Constant, Le Négus Ménélik et l’Abyssinie nouvelle, Paris, J. Lefort, 1897. Annaratone Carlo, In Abissinia, Rome, Enrico Voghera Editore, 1914. Antonelli Pietro, Menelik, Imperatore d’Etiopia, Rome, Stabilimento Tipografico Italiano, 1891. Audon Henri, «...

Les premiers photographes au service de la royauté éthiopienne ont des profils très différents : de nationalité suisse, française, italienne ou arménienne, ce sont des professionnels ou des amateurs, écrivain-voyageur, diacre, commerçant, ingénieur ou archiviste... Quelle était la nature de leurs relations avec la cour et les personnages qu’ils photographiaient ? Qui, des photographes ou des photographiés, contrôlait la forme des clichés et le sens dont les images étaient investies ? Premiers...

L’essor de la photographie est contemporain de profonds changements géopolitiques en Éthiopie. L’avènement au trône de roi des rois de Ménélik II en 1889 déplace le siège du pouvoir royal du nord du pays vers sa région d’origine, jusqu’ici périphérique. Le Choa devient le nouveau centre du royaume, avec pour capitale Enṭoṭṭo, puis Addis-Abeba au début des années 1890. Le site sert de tremplin pour la conquête de toutes les régions limitrophes, en particulier méridionales. À son retrait de la ...

Archives du ministère des Affaires étrangères (MAE), Paris Mémoires et documents (MAE/MD) Abyssinie/mer Rouge 61, Abyssinie, 2 (1839-1866) 62, Abyssinie, 3 (1867-1883) : « Correspondances et documents divers relatifs à l’Éthiopie, au roi Jean, à Ménélik II » 105, Abyssinie 4 (1884-1887) : « Présents au roi Jean et à Ménélik II » 138, Abyssinie 5 (1887-1895) Nouvelle Série, Correspondance politique et commerciale, 1897-1918 – Éthiopie Politique intérieure : vol. 1 (1898-1908), vol. 2 (1908-191...

Adjémian Boris, Immigrants arméniens, représentations de l’étranger et construction du national en Éthiopie (xixe-xxe siècle) : socio-histoire d’un espace interstitiel de sociabilités, thèse de doctorat en histoire sous la direction de Gérard Noiriel et Alessandro Trulzi, EHESS, 2011. Alämayähu Megäs, Addis Abäba Adebarat, 8 volumes manuscrits conservés aux archives de l’Institute of Ethiopian Studies, 1970 (calendrier éthiopien), Addis-Abeba. Aleme Eshete, « The Establishment of the Capuchin...

Depuis la fin du Moyen Âge, la royauté éthiopienne a eu des relations sporadiques avec les pays européens. Ces contacts ont été décuplés au cours de la seconde moitié du xixe siècle par l’intermédiaire des voyageurs étrangers, toujours plus nombreux dans la région après l’ouverture du canal de Suez en 1869. La France, l’Angleterre et l’Italie établirent peu à peu des protectorats dans toute la Corne de l’Afrique : les colonies du golfe de Tadjurah, de Somalie, du Kenya, du Soudan et d’Érythré...