Tout au long de son œuvre, l’écrivain du XIXe siècle George Washington Cable, natif de la Nouvelle-Orléans, n’a cessé de jeter un regard à la fois tendre et féroce sur sa cité d’origine, qu’il finira par quitter quasiment contraint et forcé, coupable d’avoir suscité par sa plume acérée le courroux de ses concitoyens créoles. Aux confins de l’art et du témoignage historique, son recueil de nouvelles Old Creole Days (1879) se nourrit de la culture populaire orale, et fut même largement inspiré par des archives locales consciencieusement épluchées par un Cable qui fut longtemps journaliste. Loin de se contenter de dépeindre une ville aux effluves purement romantiques, au charme désuet et à la splendeur révolue, il adopte un point de vue satirique à l’encontre de la communauté créole et démonte les mécanismes rouillés d’une société moribonde, gangrenée par les préjugés, raffolant d’un qu’en-dira-t-on à l’impact souvent destructeur, et cramponnée jusqu’à l’obsession à une conception hiérarchique des races. La problématique de l’usurpation d’identité et du trompe-l’œil est centrale à plusieurs nouvelles du recueil, et renvoie à celle du regard. Regard de l’auteur sur sa ville et ses habitants, regard des personnages sur eux-mêmes et sur l’autre, tendance fréquemment voyeuriste des protagonistes et des narrateurs : la thématique du regard est omniprésente dans le recueil, comme si dans cette ville, êtres, objets, lieux étaient constamment scrutés, au travers d’un œil à la vision souvent déficiente, produisant une image déformée, toujours éminemment subjective. En quoi cette société créole en déliquescence, incapable de jeter son regard au-delà des limites qu’elle-même s’est fixées, fait-elle de la Nouvelle-Orléans cette cité « décalée », où le paraître prime sur l’être, dans un jeu sans fin de simulacres, de faux semblants, et de coups de théâtre qui font le sel des nouvelles de Cable ? Throughout his work, 19th century writer George Washington Cable, who was born in New Orleans, kept describing his native city with a tender and yet ruthless eye, before being almost forced into exile for having sharply turned his pen to a critique of his Creole fellow citizens. His story collection Old Creole Days (1879) is in between historical testimony and artistic work. Drawing from oral popular culture, it was largely inspired by local archives, as Cable, once a journalist, conscientiously skimmed them before drafting his tales. Far from merely focusing on the romantic character of New Orleans, on its old-fashioned charm and bygone glory, Cable’s satirical outlook probes the rusty mechanisms of a moribund society that revels in often devastating gossip, is plagued by prejudice and obsessed with a hierarchical conception of race. The issue of misused identity and sham, that is central in several stories of the collection, is related to the question of look – the look of the writer at his city and its inhabitants, the look of the characters at themselves and others, the frequent voyeuristic tendency of the protagonists and narrators. Look is omnipresent in the story collection, as though in New Orleans people, objects and places were constantly scrutinized through an often deficient sight that produces a distorted, yet highly subjective image of reality. How does the collapsing Creole society that fails to look beyond the limits it has set for itself make New Orleans a misfit city, whose inhabitants have sacrificed essence for appearance, in a never-ending game of make-believe, shams and dramatic turns of events that are the real thrill of Cable’s fiction ?