French and German do not use tenses in the same way. There are more of them in French, and their use is more varied, whereas German more often uses the Präsens. I intend to show through a corpus study that aspectual phenomena are a key that could explain these differences.The generic term aspectuality involves grammatical aspect on the one hand (expressed by a grammatical category) and Aktionsart on the other hand (a quality of the process that the VS expresses without its grammatical categories). I distinguish in the Aktionsart several binary oppositions: atelic vs telic (the process goes naturally to its end, therefore it always implies a given duration), non-transformative vs transformative (the process leads to a new state), static vs dynamic, punctual vs non-punctual. These characteristics are better described by one bipolarity (static processes at the one pole, punctual ones at the other) than by a hierarchical organization.Past tenses in French are structured in an opposition that can be called aspectual, insofar as it interferes with the Aktionsart: passé simple and passé composé mean that the process is telic, whereas the imparfait means that it is atelic. The tense contributes to selecting one of the potential meanings of the VP. This aspectual opposition has discursive consequences: the process that is expressed with an imparfait qualifies the moment the utterance speaks of (the topic time), whereas the passé simple places the new process (with its duration) in relation to the topic time.German has no such opposition but compensates for it with a more marked Aktionsart: verbal lexemes, and the VPs that are formed with them, have aspectual characteristics that are not so easily subject to reinterpretations in context as in French. Therefore, and because the most relevant kind of Aktionsart in German is not telicity but, German aspectuality is similar to that of Slavic languages, but does not form a system like them. The perfects (passé composé, Perfekt, Plus-que-parfait) seem to be evolving forms, from Phase (the predication concerns the time after the process) to genuine tense (the predication concerns the process itself). I have established a typology of their uses. When they assume the role of a tense, perfects become integrated into the verbal system: Perfekt becomes neutral as concerns the Aktionsart, like the Preterit (whereas Phase implies a transformative process); the passé composé plays the part of the passé simple when confronted with the imparfait. The French futur proche expresses sometimes the prospective Phase, sometimes a future tense. In order to refer to the future, German has a much debated form, werden + infinitive, used less frequently than French future tenses. With regard to its etymology and its uses, it is better described as a tense than as a modal form, unless one considers that there is no such thing as the future tense. Aspectual differences between French and German explain in part the different use of the tense: the présent generally carries the same aspectual effect as the imparfait (the process must be atelic), whereas in German telic processes mean that the process expressed with the Präsens is future. Consequently, the Präsens and modal verbs in the Präsens represent greater competition for the expression of the future. The German future tense is limited to the most typical uses of a future tense, i.e., those in which the paradox of every future tense is most apparent: the speaker commits himself to a fact that is not (yet) proved to be true.Conversely, in French, it is the use of the présent to express future time that is more limited: it can only be used when there is, at the time of the utterance, a programme that plans the future process. The speaker does not commit himself to the future realization of the process but to the fact that it belongs to the programme.Aspectuality thus explains the richness of the French tense system and the relative vagueness of the German system: the French tenses express a grammatical aspect that affects the Aktionsart, whereas the lexical aspect (Aktionsart) is more developed in German and more often affects the tenses.; Mon travail part de l’observation que l’allemand et le français possèdent des systèmes de Temps comparables à l’indicatif (un Présent, un ou deux Temps simples au passé, une forme appelée Futur, voire deux en français si l’on admet le Futur Proche, et un parfait combinable avec toutes les formes verbales), mais en font un usage différent. Dans le corpus bilingue que j’ai étudié (trois textes français et trois textes allemands récents représentants des trois genres : texte narratif, texte dramatique, texte commentatif, auxquels s’ajoute mon corpus de DEA), on constate :- que le Présent nettement plus utilisé en allemand, alors que le français montre une répartition plus équilibrée avec les Temps du passé et de l’avenir ;- que les formes les moins utilisées (Futur, parfait, plus-que-parfait) sont toutes mieux représentées en français.Il semble que les Temps verbaux jouent un plus grand rôle en français qu’en allemand. Mon travail cherche à montrer que les phénomènes aspectuels sont l’une des clefs qui explique ces différences.Dans une première partie, je définis les notions clés de temporalité et d’aspectualité. Pour décrire la temporalité d’un énoncé, j’utilise essentiellement deux intervalles, le moment de l’énonciation t0 tel que l’énoncé se le donne, le moment dont parle l’énoncé ou moment thématique ; le moment où a lieu le procès (le point E de Reichenbach) est moins pertinent, car ce moment n’est pas toujours exprimé par l’énoncé, notamment à l’imparfait : Le chat était dans la pièce ne donne aucune information sur l’intervalle pendant lequel le chat est resté dans la pièce, de son entrée jusqu’à sa sortie, il parle uniquement d’un moment du passé pendant lequel le procès était vrai. On peut envisager un quatrième point ou intervalle pour les énoncés complexes (par exemple au Plus-que-parfait).Dans l’aspectualité, j’oppose conformément à la tradition l’aspect grammatical (porté par une catégorie grammaticale) et le mode d’action (caractéristique du procès exprimé par le GV privé de Temps et de mode). Je distingue dans le mode d’action plusieurs oppositions binaires : - télique (le procès va naturellement vers une fin, il implique donc toujours une durée) / atélique ; le caractère est révélé par le test exprimée par Garey en 1976 : si un procès en cours a été interrompu, peut-on dire qu’il a été réalisé ? si non, il est télique. - transformatif (le procès aboutit à un nouvel état) / non-transformatif (le procès peut être télique ou atélique, mais n’implique pas la création d’un nouvel état) ;- statique / dynamique ;- ponctuel / non-ponctuel ;La perspective contrastive m’a aidé à distinguer la notion de télicité, mieux représentée dans la littérature sur le français, de la notion de transformativité, que les tests mettent mieux en évidence en allemand ; les deux notions sont souvent assimilées sous l’un ou l’autre terme ou sous celui de perfectivité (terme que je réserve à l’aspect grammatical).Ces oppositions s’organisent mieux dans une bipolarité unique (des procès statiques, qui impliquent l’absence de changement aux procès ponctuels, où la notion de changement est la plus prononcée) que dans une hiérarchie, puisqu’il y a inclusion : les procès ponctuels sont tous transformatifs, les procès transformatifs sont tous téliques, les procès téliques sont tous dynamiques.Deuxième partie : les Temps du passéL’opposition des Temps du passé français peut être qualifiée d’aspectuelle dans la mesure où elle interfère avec le mode d’action : passé simple et passé composé imposent que le procès soit télique, l’imparfait impose un procès atélique. Ainsi, dans l’énoncé « le témoin baissait les yeux », baisser les yeux signifie avoir les yeux baissés (procès atélique) ; au PS, « le témoin baissa les yeux », la même expression verbale signifie abaisser les yeux, amener son regard vers le bas (procès télique). J’ai trouvé dans mon corpus des procédés réguliers qui permettent de conformer le sens du GV au mode d’action exigé par le Temps verbal, comme l’effet inchoatif du passé simple et du passé composé vs l’effet résultatif de l’imparfait (avoir les yeux baissés est l’état qui résulte du procès abaisser les yeux), ou l’effet itératif de l’imparfait.Le Temps contribue donc à sélectionner l’un des sens potentiels du GV. Cette opposition aspectuelle a des conséquences discursives : le procès à l’imparfait n’introduit pas de nouvel intervalle puisque le procès n’est pas présenté avec sa durée, mais qualifie le moment dont parle l’énoncé (son moment thématique), le PS situe le nouveau procès (avec sa durée) par rapport au moment thématique.L’allemand, qui avec le Prétérit ne possède pas cette opposition des Temps, la compense (entre autres) par un mode d’action plus marqué : les lexèmes verbaux, et les GV que l’on forme à partir de ces lexèmes, ont des caractéristiques aspectuelles qui sont moins sujettes à des réinterprétations en contexte. A un verbe unique en français (ou expression verbale) qui prend un sens télique ou atélique selon le Temps utilisé peuvent ainsi correspondre en traduction deux verbes allemands ; ainsi sein/werden face au seul verbe être ou haben/bekommen face à avoir (Ils avaient / eurent un enfant : Sie hatten / bekamen ein Kind). Sur ce point, et parce que le mode d’action prédominant en allemand n’est pas la télicité, mais la transformativité, l’aspectualité allemande s’apparente à celle des langues slaves, sans toutefois former un système.Troisième partie : les Temps composésLes parfaits (passé composé, Perfekt, Plus-que-parfait) semblent être des formes en évolution entre Phase (la prédication porte sur l’après-procès) et Temps (la prédication porte sur le procès). J’ai établi une typologie de leurs emplois, qui sont à peu près les mêmes dans les deux langues, bien que le PC soit plus souvent employé que son équivalent allemand. On peut distinguer un emploi purement de phase, où le moment thématique de l’énoncé (matérialisable par un complément de temps thématique) est l’état résultant du procès (Elle est partie maintenant, elle est partie depuis deux heures) d’emplois purement temporels où le PC ou Perfekt peut être remplacé par un PS ou Prétérit. Mais la série de tests que j’ai appliqués aux énoncés de mon corpus montre qu’il existe des emplois intermédiaires entre les deux. Par exemple, certains énoncés acceptent l’introduction d’un complément du type depuis x temps qui désigne non pas la durée de l’état résultant du procès (comme avec un parfait de phase), mais la durée ou le cadre du procès lui-même. Ces énoncés permettent de dresser un bilan actuel de procès passés.En prenant le rôle d’un Temps, les parfaits s’intègrent naturellement au système verbal de leur langue : le Perfekt devient neutre quant au mode d’action, comme le prétérit (alors que l’expression de la phase implique un procès transformatif) ; le passé composé occupe la place du passé simple face à l’imparfait.Le Futur proche hésite également entre l’expression de la phase (prospectif) et le Temps futur, mais ses emplois ne sont pas exactement symétriques de ceux du PC. En général, les formes verbales qui renvoient à l’avenir sont majoritairement des formes composées : aller + infinitif, werden + infinitif, verbe de modalité (devoir, sollen, wollen) + infinitif, être sur le point de, et même le Futur simple français, à l’origine composé de l’infinitif + auxiliaire avoir. En examinant six critères pour délimiter Temps et phase (dont la possibilité d’un complément de temps datant le procès ou sa phase préparatoire, et la défectivité de la forme), j’ai constaté que si certaines formes sont clairement du côté de la phase (être sur le point de) et que d’autres ont toutes les caractéristiques d’un Temps (Futur simple français et Futur allemand), les autres formes ont un comportement variable selon les critères.Quatrième partie : les FutursPour l’expression de l’avenir, l’allemand dispose d’une forme controversée, werden + infinitif, beaucoup moins employée que les Futurs français. Elle est l’objet de débats toujours renouvelés entre modalistes et temporalistes. Par son étymologie et par ses emplois, elle se décrit mieux comme un Temps que comme une forme modale, mais son emploi relativement rare et les nuances qu’elle peut véhiculer par opposition au Présent futural demandent une explication. Ces nuances semblent contradictoires d’un énoncé à l’autre : tantôt le Futur renforce l’assertion, tantôt il l’affaiblit. Cette constatation a conduit à des définitions pertinentes dans la littérature récente, d’après laquelle le Futur exprime une position complexe du locuteur : il engage sa responsabilité pour affirmer des faits pour lesquels il ne possède pas tous les éléments objectifs de connaissance. Ce paradoxe reflète exactement la particularité de tout énoncé portant sur l’avenir : le locuteur s’engage (Indicatif) sur un fait qui par définition n’est pas (encore) avéré. On constate d’ailleurs des nuances comparables, bien que moins marquées, pour le Futur français.Les différences aspectuelles entre l’allemand et le français peuvent expliquer pourquoi ces nuances dites modales sont plus sensibles en allemand, et pourquoi le Futur est moins employé en allemand qu’en français : le Présent français exerce généralement le même effet aspectuel que l’imparfait (le procès doit être atélique) ; inversement, en allemand, les procès téliques sont affirmés avec leur aboutissement, ils donc imposent un sens futural au Präsens. Le Präsens, ainsi que les verbes de modalité au Präsens, représentent donc une concurrence plus forte pour l’expression de l’avenir. Le Futur allemand est limité aux emplois les plus typiques d’un Temps futur, ceux où le paradoxe lié à l’existence d’un Temps futur est mis en valeur.En français, inversement, c’est l’emploi du Présent pour l’expression de l’avenir qui est plus spécialisé : il implique l’existence au moment de l’énonciation d’un plan ou d’un schéma qui prévoit le procès ; le locuteur ne s’engage pas sur la réalisation à venir du procès, mais sur son appartenance au plan. Ainsi s’explique l’impossibilité d’utiliser le Présent futural pour des procès non planifiables ou avec des modalisateurs, à moins qu’ils ne qualifient le plan : Il prend sans doute l’avion à 3 heures est possible s’il signifie non pas Il est vraisemblable qu’il prenne effectivement l’avion à 3 heures, mais Il est vraisemblable qu’il ait prévu de / que son planning prévoie qu’il prenne l’avion à 3 heures.L’aspectualité explique donc la richesse du système des Temps français et la relative indétermination du système allemand : les Temps français expriment en partie un aspect grammatical, qu’ils imposent au mode d’action, tandis que l’aspect lexical (mode d’action), plus développé en allemand, s’impose davantage aux Temps verbaux.