Une controverse judiciaire internationale s’est consolidée en 2011 lorsqu’une faible majorité de la Cour Constitutionnelle de la République de Corée contredit un arrêt de 2006 de la Cour Suprême d’Israël. À l’unanimité, les juges israéliens ont conclu que même combinée avec une procédure de changement d’employeur, le système de permis de travail liés à un employeur spécifique crée une forme moderne d’esclavage et constitue une violation étatique injustifiable des droits fondamentaux à la liberté et à la dignité des travailleurs (im)migrants. Ainsi, certaines questions juridiques clés demeurent: d’autres politiques ont un impact similaire sur les droits fondamentaux à l’émission de permis de travail liés à un employeur? Les données empiriques confirment-elles que certaines mesures additionnelles de protection sont en mesure de réduire l’effet négatif des politiques liant le travailleur à son employeur? Si non, comment devraient être modifiés les programmes d’admission de travailleurs (im)migrants afin d’assurer, en particulier, le respect leurs droits fondamentaux à la liberté, à la sécurité et à l’accès à la justice? Le cadre légal de l’immigration au Canada intègre tous les types de politiques liant le travailleur à un employeur spécifique, soit la reconnaissance de privilèges pour certains (A) de parrainer ou de « blacklister » un travailleur (im)migrant, (B) d’imposer d’une obligation de travail auprès d’un employeur/agent au pays, (C) d’imposer au pays un transfert vers un autre employeur spécifique ou (D) de déclencher le processus de rapatriement dans son pays d’origine d’un travailleur (im)migrant. Le Programme des Travailleurs Agricoles Saisonniers canadien est, de plus, caractérisé spécifiquement par les trois types de mesures spéciales de « réduction des abus » discutées par les juges israéliens et sud-coréens. Or, l’analyse des données empiriques -en fonction du cadre conceptuel des ‘atteintes étatiques au droit à la liberté/sécurité/accès à la justice’ développé par la Cour suprême du Canada-révèle que, même en cas de mise en oeuvre des trois mesures spéciales de « réduction des abus », les travailleurs (im)migrants sous politique liant à l’employeur font face (1) à des contraintes étatiques à leur liberté physique, (2) à des risques accrus de préjudice induits par l’État, (3) à un stress psychologique majeur induit par l’État, (4) à une restriction étatique de leur droit de ne pas être tenu en servitude, et plus précisément de leur liberté à faire les choix fondamentaux de quitter son employeur, son occupation, et son lieu de résidence ou travail, (5) à des obstacles étatiques à l’accès à la justice au pays et (6) à un déni étatique en matière d’équité procédurale. Dans ce contexte, pour que soit possible notamment l’exercide de leurs droits à la liberté, sécurité et justice, les autorités doivent émettre des autorisations de travail non-restrictives, et assurer bilatéralement une administration et un préfinancement du recrutement, parrainage, placement et intégration au pays des (im)migrants, ainsi qu’un processus de déportation respectant les principes d’équité procédurale. Aussi, vu que la séparation familiale induite par l’État restreint notamment le droit à l’intégrité psychologique et qu’une exclusion de l’accès au statut permanent restreint l’exercice du droit d’accéder à la justice au pays, une analyse plus approfondie sera nécessaire afin de comprendre les liens entre le respect des droits fondamentaux et l’accès à l’arrivée au pays à des procédures de réunification familiale et de statut permanent., An international judicial controversy began in 2011 when a slight majority of the Constitutional Court of the Republic of Korea reached a conclusion contradicting a 2006 unanimous decision of the Supreme Court of Israel. In the 2006 ruling, Israeli justices held that employer-tied work permit systems, even if incorporating a “change of employers” procedure, create a “modern form of slavery” and, more specifically, constitute unjustifiable state violations of migrant workers’ fundamental rights to liberty and dignity. Thus, key judicial issues remain unsettled: could policies other than employer-tied work permit systems similarly impact (im)migrant workers’ fundamental rights? Does empirical evidence confirm that “harm reduction” measures, including ‘change of employers’ procedures, may significantly reduce an employer-tying policy’s impact on individuals’ right to liberty (and/or to security of the person and access to justice)? If not, which labour (im)migration policies would be compatible with the respect of workers’ fundamental rights? Canada’s immigration law incorporates all types of employer-tying measures: (A) ‘worker sponsorship/blacklisting’ privileges, (B) ‘worker binding’ privileges, (C) ‘worker transfer’ privileges, and (D) ‘worker repatriation’ privileges. By reproducing legal mechanisms characteristic of past state practices which tied indentured workers, slaves and/or former slaves to employers, contemporary immigration frameworks, including various Canada programs such as the Seasonal Agricultural Worker Program, rely on employer-tying policies compelling (im)migrant workers in the country to, at all times, “obey and comply with all rules set down by the employer.” The Canadian SAWP also specifically incorporates the three “harm reduction” measures discussed by Israeli and South Korean highest court justices. When analyzed using the Supreme Court of Canada’s “liberty/security/access to justice harms” framework, empirical evidence shows however that, despite the enforcement of such “harm reduction” directives, employer-tied (im)migrant workers face (1) state restrictions to their physical liberty, (2) state-induced increased risks of harm, (3) restriction of their freedom from state interference with psychological integrity, (4) state restriction of their right not to be held under servitude, and more precisely of their freedom to make the fundamental choices to quit one’s employer, to quit one’s occupation, and to quit one’s place of residence or work, (5) state obstacles to access justice in the country, and (6) state denial of procedural fairness. In this context, to allow (im)migrant workers’ exercise of their fundamental rights, open work authorizations must replace (directly or indirectly) employer-tied ones, and co-governmental management and pre-financing of (im)migrant workers’ international recruitment, sponsoring, placement, integration, and deportation processes respecting procedural fairness, must replace the current recognition of employers/agents’ ‘worker acquisition’ and ‘worker removal’ privileges. Since empirical evidence also confirms that state-induced family separation restricts individuals’ right to psychological integrity, and that exclusions to permanent status procedures restrict individuals’ right to access to justice in the country, further analysis are necessary to better understand the link between the respect of fundamental rights and the recognition of family reunification and permanent legal status procedures upon arrival.