Un officier nazi fracasse la tête d’un nouveau-né contre un mur, un soldat SS ricane devant le spectacle de la déchéance du vieillard pour l’obtention d’un morceau de pain ; ce sont là des faits désormais connus du cauchemar hitlérien. Mais, ces images interrogent : cet officier, ce soldat ont été, un temps, des bébés graciles et merveilleux comme tous les bébés du monde, des écoliers à la sympathique turbulence, des adolescents qui ont frémi au premier « Je t’aime »... Qu’est-ce qui a fait de ces ex-bébés, ex-écoliers et ex-adolescents les monstres que l’on sait ? Parmi tous les facteurs qui peuvent expliquer ces transformations, Hubert Hannoun se penche sur celui de l’éducation. Quelle éducation peut fabriquer un monstre ? Question qui en porte une seconde : l’expression d’éducation nazie n’est-elle pas contradictoire si éduquer c’est élever, dans tous les sens de ce terme ? Pour y répondre, Hubert Hannoun analyse de très nombreux textes d’idéologues pré-nazis et nazis. S’il étudie plus spécialement le Mein Kampf d’Adolf Hitler, il se réfère, de plus, à tous les auteurs qui, avant lui, l’ont annoncé ou, à son époque, soutenu. Parmi les auteurs français, il rappelle les idées de M. Barrés, de Bonald, A. Carrel, P. Drieu La Rochelle, J.-A. Gobineau, G. Le Bon, J. de Maistre, Ch. Mourras, G. Vacher de la Pouge ; parmi les auteurs allemands, il cite E.-M. Arndt, H.-S. Chamberlain, J.-G. Fichte, M. Heidegger, J.-G. Herder, E. Krieck, P.-A. Lagarde (Botticher), F.-W. Nietzsche, A. Rosenberg. Son constat, après analyse, est double : - Il n’est aucune affirmation des théoriciens de l’éducation nazie de l’époque hitlérienne qui n’ait été déjà formulée par d’autres idéologues -— français ou allemand — des siècles précédents. En ce sens, l’apport de l’ère hitlérienne en la matière est nul. - L’édifice théorique nazi ne comporte aucune contradiction interne mais se fonde dans sa totalité sur trois principes infondés voire en contradiction avec les données de l’expérience. Ces trois principes sont ceux du naturalisme raciste (volkisch), de la hiérarchisation des êtres et du providentialisme. Hubert Hannoun en vient ainsi à repousser les thèses nazies en dénonçant les fondements à la lumière des conquêtes des sciences contemporaines (histoire, biologie, ethnologie, sociologie...). Son argumentation lui permet d’affirmer, en conclusion, que la formation nazie ne peut que revêtir l’aspect d’un dressage infra-éducatif.