Les systèmes publics de santé peuvent être conçus comme des contextes pluralistes, dans lesquels les acteurs poursuivent des objectifs souvent variés et contradictoires, mais demeurent unis par des rapports d’interdépendance. Au sein de tels contextes, aucune autorité souveraine ne peut contrôler parfaitement la trajectoire de l’action collective. Afin d’orienter le changement, l’État, qui occupe tout de même une position particulière, a l’obligation de s’insérer dans les interactions en constante évolution des principaux acteurs. Cette thèse vise ainsi à comprendre et à analyser les capacités de gouverne de l’État et les dynamiques entre les acteurs concernés dans le pilotage et la mise en œuvre d’une réforme d’un système public de santé. Elle propose un cadre théorique qui s’appuie sur l’analyse organisationnelle de Crozier et Friedberg (1987) et sur l’approche des instruments d’action publique de Lascoumes et Le Galès (2004). Dans cette perspective, les acteurs identifiés sont motivés par certains enjeux et mobilisent des stratégies, ce qui influence l’évolution de l’action collective. Dans l’optique de garder le cap, l’État a recours à des instruments de diverses natures, comme ceux s’appuyant sur l’autorité formelle ou la communication et l’information. Ce cadre théorique est appliqué lors d’une étude de cas portant sur une réforme du système public de santé du Nouveau-Brunswick lancée en 2008. En matière de restructuration, à ce moment, huit régies régionales de la santé (RRS) ont été fusionnées en deux (RRS A et B). Ces deux RRS représentent ainsi des unités d’analyse imbriquées. Par ailleurs, la démarche analytique s’appuie sur des entretiens effectués auprès de représentants de l’État, comme des ministres de la Santé ou des sous-ministres, et d’autres acteurs concernés, comme des présidents directeurs généraux d’organisations de santé, des professionnels de la santé ou des citoyens. Elle se base également sur une analyse documentaire incluant une revue médiatique. La période étudiée est caractérisée par trois phases temporelles distinctes : l’élaboration de la réforme (2006 à 2008), le grand lancement et ses suites (2008 à 2010) et la mise en œuvre de la réforme (2010 à 2015). Durant ces étapes, les acteurs de la gouverne sont animés par des enjeux variés qui les poussent en quelque sorte à changer leurs comportements, par exemple, l’accès et la coordination des soins et des services, la performance et la participation citoyenne. De plus, des facteurs du contexte systémique, comme les droits linguistiques en santé, animent parfois des acteurs de la gouverne. La recherche démontre qu’au fil de l’évolution du contexte, l’État s’adapte aux dynamiques d’interactions des acteurs concernés et mobilise des types d’instruments en conséquence. Cette réaction aux diverses actions stratégiques peut être imaginée en tant qu’un processus continu d’apprentissage. En conclusion, des recommandations concrètes sont formulées à l’intention des preneurs de décision lors de la conduite d'une réforme d'un système public de santé, qui sont cohérentes avec des modifications apportées au cadre théorique. Celles-ci ont trait aux alignements proposés par l’État, au processus continu d’apprentissage, aux types d’instruments qui peuvent servir à renouveler la légitimité, et enfin, à la population, un groupe d’acteurs important du contexte pluraliste. Les recommandations émises mettent en valeur l’idée générale qu’une réforme se déroule dans un long horizon temporel et que sa programmation par l’État est très difficile., Public health systems can be characterized in terms of pluralistic contexts, involving actors with diverging objectives, who remain linked through ties of interdependence. In such contexts, no formal authority can exercise complete control over the trajectory of collective action. In order to guide change, the State, who nonetheless occupies a particular position, has the obligation to insert itself in the ever evolving interactions of key actors. This thesis aims to analyze and understand the State’s governing capacities, and the dynamics between the concerned actors in piloting and implementing a public health system reform. The thesis proposes a theoretical framework drawing upon the organizational analysis of Crozier & Friedberg (1987) and the policy instruments approach of Lascoumes & Le Galès (2004). In this perspective, the identified actors are motivated by their particular stake in the issue and mobilise strategies that effect the evolution of the collective action. In order to reach its objectives, the State calls upon instruments of various kinds, such as those based on formal authority or communication and information. The theoretical framework is applied to a case study: the New-Brunswick health system reform launched in 2008. In terms of reorganisation, the eight existing regional health authorities (RHAs) were amalgamated in two (RHA A and RHA B). RHAs A and B thus represent two units of analysis. In addition, the analysis is informed by interviews with representatives of the State, such as health ministers, deputy ministers, and other relevant stakeholders, such as chief executive officers of health organizations, health professionals, and citizens. The analysis is also supported by a review of the grey literature, including media reports. The study period is characterized by three specific time points: the formulation of the reform (2006 to 2008), the grand launch and immediate response (2008 to 2010), and the implementation of the reform (2010 to 2015). During these phases, the stakeholders were compelled by various aspects of the reform that motivates them to change their behaviors, for example, access and coordination of care, performance and public participation. Moreover, factors present in the systemic context, such as language rights within the health care setting, provide further motivation, among certain actors, influencing change. This research demonstrates that as the context evolves the State must adapt to the dynamic interactions of the actors involved, and mobilizes various instruments to respond accordingly. The response to various strategic actions may be conceptualized as a continuous learning process. In conclusion, practical recommendations are proposed, aimed at decision-makers when conducting public health system reforms. The recommendations proposed are also consistent with the modifications made to the theoretical framework. These relate to the objectives proposed by the State, the continuous learning process, the types of instruments that can be used to renew legitimacy, and regarding the citizen population, an influential group of actors in the pluralistic context. The recommendations emphasize the general idea that a reform takes place over a long period of time, and that its programming by the State can be very difficult.