Primerano, Julie, Marchand, Anne, Laboratoire Lorrain de Sciences Sociales (2L2S), Université de Lorraine (UL), Groupement d'Intérêt Scientifique sur les Cancers d'Origine Professionnelle en Seine-Saint-Denis (GISCOP93), Université Paris 13 (UP13), Institutions et Dynamiques Historiques de l'Économie et de la Société (IDHES), Ecole Normale Supérieure Paris-Saclay (ENS Paris Saclay)-Université d'Évry-Val-d'Essonne (UEVE)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université Paris Nanterre (UPN)-Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (UP8)-Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (UP1), Laboratoire méditerranéen de sociologie (LAMES), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Aix Marseille Université (AMU), École normale supérieure - Cachan (ENS Cachan)-Université Panthéon-Sorbonne (UP1)-Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (UP8)-Université Paris Nanterre (UPN)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université d'Évry-Val-d'Essonne (UEVE), Aix Marseille Université (AMU)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), and Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (UP1)-Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (UP8)-Université Paris Nanterre (UPN)-Université d'Évry-Val-d'Essonne (UEVE)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Ecole Normale Supérieure Paris-Saclay (ENS Paris Saclay)
Parmi les salariés exposés aux substances cancérogènes dans le cadre de leur travail, près des deux tiers sont des ouvriers. Chaque année, plusieurs milliers de ces travailleurs – de 14 000 à 30 000 personnes selon le dernier plan cancer – contractent un cancer en lien avec leur parcours professionnel, dont la plupart décèdent. À l’appui d’enquêtes de terrain menées dans deux territoires longtemps industriels (Lorraine et Seine-Saint-Denis), auprès de salariés et d’anciens salariés atteints de cancer d’origine professionnelle et leurs proches, cet article s’intéresse aux processus d’évaluation, de catégorisation et de jugements portés sur ces corps ouvriers, malades du travail, ainsi situés au cœur d’enjeux politiques et financiers. Dans l’espace de la réparation de ces maux du travail, le corps ouvrier n’est pas un « corps neutre », il est à la fois un « témoin à charge », une « preuve » de situations exposantes dans l’espace productif, un objet médical lu à travers des filtres sociaux, reflet de rapports de domination et enfin, un construit rationalisé, monétarisé par fragment. Nearly two-thirds of employees exposed to carcinogenic substances at work are blue-collar workers. Every year in France, thousands of employees - between 14,000 and 30,000, according to the latest French cancer survey - contract an occupational cancer. Most die. The article describes the results of a field study conducted in Lorraine and Seine-Saint-Denis, two of France’s oldest industrial regions. Employees and ex-employees suffering from work-related cancer were interviewed, along with their families, in order to understand the evaluation, categorisation and assessment processes that they faced from a political and financial perspective. In terms of the reparations they were offered, it becomes clear that workers’ well-being is not a neutral subject. Quite the contrary, their ill health bears witness to (and proves) the unhealthy situations to which they were exposed on the job. That being the case, health can be construed here a medical object capable of being apprehended through social filters – a reflection of domination relationships, hence a rationalised construct subject to fractal monetisation. Entre los empleados expuestos a sustancias carcinógenas en el marco de su trabajo, cerca de dos tercios son obreros. Cada año en Francia, varios de miles de estos trabajadores – de 14,000 a 30,000 personas según el último programa de cáncer – contraen cáncer relacionado con su trayectoria profesional, y la mayoría muere. Se llevaron a cabo encuestas de campo en dos zonas industriales durante un largo tiempo (Lorena y Sena-Saint-Denis) a antiguos empleados que padecen cáncer debido a su trayectoria profesional y a sus allegados. Este artículo se interesa en el proceso de evaluación, de categorización y en juicios sobre estos cuerpos obreros, enfermos de trabajo, situado así en el meollo de los desafíos políticos y financieros. En el espacio de la repartición de estos males del trabajo, el cuerpo obrero no es un “cuerpo neutro”, es al mismo tiempo un “testigo con cargo”, una “prueba” de situaciones que se exponen en el espacio productivo, un objeto médico que se lee a través de filtros sociales, que refleja las relaciones de dominación y finalmente, una construcción racionalizada, monetizada por fragmentos.