Cet article se propose de soulever les impasses épistémologiques produites par le développement contemporain du concept de handicap – concept formé dans un rapport étroit avec le contexte sociétal et avec les questions de droits de la personne, plus qu'avec la problématique nosographique et clinique. Dans ce cadre nous investiguons plus particulièrement la notion de handicap mental, entité clinique dont l'histoire classificatoire, au cœur de l'édification de la psychiatrie dès le XIXe siècle, fut particulièrement malaisée. Il s'agit à partir de l'étude de cette trajectoire de contribuer à soutenir l'intérêt de son approche théorico-clinique psychanalytique. Nous réalisons une analyse de l'évolution des conceptions psychiatrique et psychanalytique sur le handicap mental. Nous les discutons en dégageant des pistes de réflexion pour le travail clinique et thérapeutique orienté par la psychanalyse, que nous menons avec de jeunes patients handicapés et leurs parents. Le handicap mental est replacé dans la dynamique historique des tentatives de classification dont il a fait l'objet : idiotisme, idiotie, débilité mentale, handicap mental ou intellectuel... Son étiologie organique avérée ou fortement supposée a originellement maintenu, et continue de maintenir à la marge certains modes de penser cliniques et de traitements psychiques dont l'approche psychanalytique fait partie. Nous discutons et différencions les concepts de « mental » et « psychique » et l'ambiguïté de leurs acceptions. Le « mental handicapé », quand il est réduit à son étiologie neuronale, est envisagé dans une perspective déficitaire, qui relègue au second plan voire rend superflue l'investigation de la vie psychique. Nous rappelons, notamment à la suite de D. Widlöcher, combien la pensée Kraepelinienne faisant dépendre l'indication thérapeutique de l'étiologie supposée est de nos jours dépassée. Ainsi mettons-nous l'accent sur les différences individuelles dans la relation qui se construit entre le jeune handicapé et ses proches et dans l'interaction entre leurs psychés. Les effets de la naissance d'un enfant handicapé sur la construction du sentiment de parentalité, le lien de filiation et le narcissisme parental sont ainsi compris au sein de la dynamique des interactions, réelles et fantasmatiques , qui nécessairement diffèrent en fonction des sujets, parents et enfants. Plus particulièrement, nous envisageons la « situation anthropologique fondamentale » de J. Laplanche comme modèle heuristique pour penser la vie psychique pulsionnelle de l'enfant porteur de handicap et le sexuel infantile qui la constitue, dans l'interaction adulte-enfant, comme chez tout un chacun. Nous faisons l'hypothèse que la rencontre parentale avec un enfant présentant une pathologie handicapante est susceptible de renvoyer d'une manière trop brutale, certains parents, à leur propre « étrangeté », c'est-à-dire à l'inquiétant du retour d'un refoulé ou de modes de pensée primitifs abandonnés depuis longtemps. Cette irruption interne est susceptible de conduire chez le parent à une ré-élaboration fantasmatique relançant la dynamique pulsionnelle chez l'enfant. Dans d'autres configurations cliniques, elle peut susciter chez le parent l'usage de défenses drastiques visant à geler sa propre vie pulsionnelle et celle de l'enfant, ayant pour effet chez ce dernier d'entraver l'effort de traduction des messages énigmatiques, le désir de comprendre et d'inhiber la créativité d'une vie psychique fondée sur la dynamique auto-érotique. La compréhension, l'écoute et la prise en charge cliniques psychanalytiques du patient porteur d'un handicap mental repose sur la reconnaissance fondamentale de son infantile, c'est-à-dire d'un inconscient, d'un sexuel infantile inconscient et permet, dans certaines configurations qui ont pu geler, inhiber ou réprimer la vie psychique de l'enfant, de redynamiser les mouvements pulsionnels. This article aims to bypass the epistemological impasses produced by the contemporary development of the concept of disability – a concept formed in close relation with the societal context and with questions of human rights, more than with a nosographic and clinical problematic - and more precisely with regard to mental disability, a clinical entity whose classification history is particularly difficult, and yet at the heart of the edification of psychiatry since the 19th century. In studying this trajectory, we aim to demonstrate the interest of psychoanalysis's theoretical-clinical approach. We analyze the evolution of psychiatric and psychoanalytical conceptions of mental disability. We discuss them and identify avenues of reflection for the psychoanalytically oriented clinical and therapeutic work we do with young disabled patients and their parents. Mental disability is placed in the historical dynamic of the attempts to classify it: idiotism, idiocy, mental debility, mental or intellectual disability, etc. Its proven or strongly assumed organic etiology originally marginalized, and continues to marginalize, certain modes of clinical thinking and psychic treatments, of which the psychoanalytical approach is one. We discuss and differentiate between the concepts of "mental" and "psychic" and the ambiguity of their meanings. The "mentally handicapped" subject, when reduced to their neuronal aetiology, is considered from a deficit perspective, which relegates the investigation of psychic life to the background or even renders it superfluous. Following in the footsteps of D. Widlöcher, we point out that Kraepelin's thinking, which made the therapeutic indication dependent on the supposed aetiology, is now outdated. We therefore emphasize the individual differences in the relationship that develops between the young disabled person and his or her family, and in the interaction between their psyches. The effects of the birth of a disabled child on the construction of the feeling of parenthood, the bond of filiation, and parental narcissism are thus understood within the dynamics of interactions, both real and fantasized , which necessarily differ according to the subjects, parents and children. More specifically, we consider J. Laplanche's "fundamental anthropological situation" as a heuristic model for thinking about the psychic life of the child with a disability and the infantile sexuality that constitutes it, in adult-child interaction, as in everyone else. We hypothesize that the parental encounter with a child presenting a handicapping pathology is likely to send some parents back to their own "uncanniness," that is to say, to the disturbing return of a repressed or primitive way of thinking abandoned a long time ago, coming from their own "internal foreign land." This internal irruption is likely to lead to a re-elaboration of the parent's fantasies, re-launching the child's drive dynamics. In other clinical configurations, it may prompt the parent to use drastic defenses aimed at freezing his or her own and the child's drives, with the effect of hindering the child's efforts to translate enigmatic messages and their desire to understand, and inhibiting the creativity of a psychic life based on auto-erotic dynamics. Psychoanalytic understanding, listening, and clinical treatment of the mentally handicapped patient is based on the fundamental recognition of the infantile, i.e. of an unconscious, an unconscious infantile sexuality; the psychoanalytic approach allows for, in certain configurations that may have frozen, inhibited, or repressed the child's psychic life, a revitalization of the drives. [ABSTRACT FROM AUTHOR]