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Rentré à la cour, précepteur du roi, Fleury intègre donc désormais pleinement la sphère politique. C’est dire que rien de son itinéraire ultérieur ne peut se déprendre de ce cadre alors en plein bouleversement. On s’autorisera dès lors ici un survol des premiers temps de la Régence qui, à beaucoup d’égards, marquent d’une forte empreinte la situation française et même européenne, quelquefois bien après 1726. Avant ou après son accession au pouvoir comme premier ministre (sinon en titre, du mo...

Un abbé de cour dévot Dans cette brillante peinture, une seule ombre : la disparition de Marie-Thérèse, dès 1683. De nulle incidence sur les choix politiques de Louis XIV, la reine, irréprochablement dévote, en imposait par sa piété tout ibérique. On pourra indéfiniment spéculer sur les effets de son patronage concernant l’avancement d’André-Hercule si elle avait vécu plus longtemps. Il est vrai que la désignation à un évêché procédait aussi de considérations politiques, et il n’est pas dit ...

Cet ouvrage a pour ambition de suivre la trajectoire de Fleury depuis sa naissance, le 22 juin 1653, jusqu’au 11 juin 1726, date de son accession aux fonctions de premier ministre, c’est-à-dire d’écrire l’histoire d’une ascension en tâchant d’en éclairer les différents moteurs. Elle vise ainsi à combler une lacune. Les rares biographies consacrées au cardinal de Fleury passent en effet rapidement sur l’avant-1726, antichambre de la gloire. Le ton en est assez souvent hagiographique, dépendant...

Thomassin Le collège d’Harcourt cultive traditionnellement un antijésuitisme banal qui le rend perméable aux thèses jansénistes. Encore faut-il nuancer : ce jansénisme-là, pas plus que le jansénisme en général d’ailleurs, ne se distingue facilement d’un gallicanisme et d’un rigorisme qui s’inquiètent des positions excessivement romaines des pères jésuites, et, aux dires de leurs adversaires, laxistes au tribunal de la pénitence. Les jansénisants ne sont qu’une minorité, mais ils se recrutent...

La conspiration Cellamare Deux faits viennent souligner cette connivence : c’est en décembre 1718 la conspiration éventée de l’ambassadeur d’Espagne, le prince de Cellamare, où sont compromis le duc et la duchesse du Maine, qui comptent parmi les protecteurs de Fleury, ainsi que le cardinal de Polignac, vieille connaissance depuis Harcourt. C’est enfin, et plus profondément, l’évolution de la situation religieuse. Le complot visait à renverser le duc d’Orléans et à mettre à sa place le duc ...

Quoi qu’il en soit, lorsque, le 7 mai 1701, Fleury fait enfin son entrée dans la ville épiscopale, nulle voix discordante ne se fait entendre. Luc d’Aquin s’est tu, ayant à faire à trop fortes parties et ses partisans s’étant manifestement résignés. La réception du nouvel évêque à grands coups d’arquebusade est déjà l’occasion de sa part d’une édifiante simplicité : les deux grands bassins d’argent, de 300 livres chacun, que lui avaient offerts les consuls de Fréjus, sont aussitôt vendus sur ...

La montée à Paris Bonsy se révèle irremplaçable en ces débuts du jeune Fleury, seul à même de faire le pont entre le Languedoc et la capitale. Nouées du temps de Pierre, poursuivies par Jean, André-Hercule hérite de ces précieuses relations entretenues avec l’éminence fastueuse. Écoutons encore une fois Saint-Simon, langue acide mais indispensable : « Fleury, receveur des décimes du diocèse de Lodève, s’insinua dans le domestique du Cardinal, parvint jusqu’à lui, et à lui oser présenter son...

Aumônier de Marie-Thérèse puis de Louis XIV Ces bases intellectuelles et spirituelles entrevues, reste à préciser le moteur de l’ascension. Premier atout, déterminant, les relations de Fleury. Les réseaux parisiens qu’il intègre ont un parfum tout languedocien. D’abord Bonsy (resté dans le Midi en dépit de quelques incursions dans la capitale), qui l’a recommandé aux Castries, ses alliés (l’une de ses sœurs, Isabelle, ayant épousé en 1644 un marquis de Castries qui sera gouverneur de Montpel...

Le duumvirat entre dans sa phase critique au cours de l’année 1725. Aussi bien, il était dans sa logique cohabitationniste de se dénouer un jour ou l’autre en faveur du duc de Bourbon ou de Fleury. La faillite finale n’a rien qui doive surprendre par conséquent. Il n’est pas même jusqu’au triomphe du futur cardinal qui ne fût largement prévisible. Les conditions dans lesquelles M. le Duc s’était emparé du pouvoir en 1723, l’amitié et la confiance dont le roi honorait son précepteur donnaient ...

Quels sont les mécanismes qui ont conduit le rejeton d’une famille de financiers « moyens » du Languedoc à devenir, en 1726, le principal ministre du jeune Louis XV ? Les causes à l’origine de cette réussite sont de plusieurs ordres. D’abord, le mouvement d’ensemble de tout un lignage qui plonge ses racines dans la marchandise du Lodévois depuis au moins le xvie siècle. Puis, le passage à la finance – le maniement des deniers du roi – qui s’effectue avec le grand-père du cardinal dans les premières années du xviie et surtout son oncle Pierre-Moïse, trésorier de France au bureau des finances de Montpellier. Ce dernier favorise la montée à Paris du jeune André-Hercule qui embrasse dès lors la carrière ecclésiastique. Les moteurs de l’ascension sont ensuite individuels et reposent sur le jeu des clientèles, avec en particulier le cardinal de Bonsy puis le cardinal de Noailles qui obtient de Louis XIV l’évêché de Fréjus (1698) pour son protégé. Tirant profit de ses appuis à la cour et de son ferme soutien en faveur de la bulle Unigenitus, mais sans complaisance vis-à-vis des jésuites, Fleury est désigné par Louis XIV mourant précepteur du futur Louis XV. Sa proximité avec le petit roi le positionne dès lors en personnalité majeure. Les décès de Dubois puis de Philippe d’Orléans le laissent seul face au duc de Bourbon (1723). Trois ans seulement vont suffire à M. de Fréjus pour éliminer ce rival. Cette maestria curiale vient clore une ascension complexe, mélange de collectif et de structurel, d’individuel et de conjoncturel : historique, en somme.

L’archevêque de Paris à la rescousse Voici donc Fleury, la quarantaine franchie, peu en faveur auprès du roi, sans qu’on puisse toutefois parler de disgrâce irrémédiable – ainsi qu’en témoigne, on l’a vu, l’acquisition de Notre-Dame de La Rivoire. Reste qu’après des débuts brillants placés sous les heureux auspices de Bonsy et de Marie-Thérèse, l’ascension se ralentit, le mouvement s’essouffle. « Il essuya des disgrâces », nous dit Ranchon, sans qu’on sache bien ce que recouvre ce pluriel (l...

International audience; A nobleman and painter, Jean-Baptiste de Faudran became the most important artist in the city of Marseille around 1650, and he is one of the few provincial painters to have been recognized during his lifetime in the literature on art that was then emerging in France. Although the artist has already been the subject of several articles, notably by Marie-Claude Homet, the discovery of unpublished engravings as well as a set of archival documents shed new light on his life and work : the possible closeness to Federico Ubaldini during the painter’s stay in Rome, details of commissions already listed, but also the discovery of new commissions. However, it is perhaps the discovery of the sales quote of the painting of the Apotheosis of the City of Mar- seille that seems to be of greatest interest in this collection of documents. The sales quote allows us to specify the date and circumstances of the commission, but above all, it highlights an eminently liberal and modern conception on the part of the commissioners : their perception of the art of painting as being the exclusive expression of creative genius comes at a surprisingly early point in time – almost as if, in the specific case of this painter, the freedom of creation somehow had to be commensurate with his noble rank; Noble et peintre, Jean-Baptiste de Faudran s’impose autour de 1650 comme l’artiste le plus important de la cité phocéenne et l’un des rares peintres provinciaux à avoir bénéficié de son vivant d’une reconnaissance dans la littérature artistique alors naissante en France. Si l’artiste a déjà fait l’objet de plusieurs notices, notamment de la part de Marie-Claude Homet, la découverte de gravures inédites, mais aussi d’un ensemble de documents d’archives offrent un nouvel éclairage sur sa vie et son œuvre : possible proximité avec Federico Ubaldini, lors du séjour du peintre à Rome, précision sur les commandes d’œuvres déjà répertoriées, mais aussi découvertes de nouvelles commandes. Dans cet ensemble de documents, c’est toutefois peut-être la découverte du prix-fait du tableau de l’Apothéose de la Ville de Marseille qui nous semble revêtir le plus grand intérêt. S’il permet de préciser la date et les circonstances de la commande, le prix-fait met surtout en évidence une conception éminemment libérale et moderne de la part des commanditaires, percevant l’art de peindre comme expression exclusive du génie créatif, qui peut étonner par sa précocité. Un peu comme si, dans le cas spécifique de notre peintre, la liberté de création devait en quelque sorte répondre à la noblesse de son rang.

After the golden age of Platonism in the French Renaissance, the father of the Academy fell into disgrace and near oblivion. It wasn't until the second half of the 17th century - or even the last quarter - that he resurfaced, and with a bang : Plato became a major issue in the Querelle des Anciens et des Modernes. It was during the tumult of this same quarrel that La Bruyère published his Caractères, from which, on closer inspection, there seems to emerge a veritable innervation of Plato, taking it up, in turn, as a pledge of the greatness of the Ancients. This is what this study proposes : a complete rereading of La Bruyère's Caractères in the light of the Platonic corpus, both in terms of style and ideas.; Après l’âge d’or du platonisme dans la Renaissance française, le père de l’Académie tombe en disgrâce, et même quasiment dans l’oubli. Ce n’est que dans la seconde moitié du XVIIe siècle — voire dans le dernier quart — qu’il refait surface, et d’une manière éclatante : Platon constitue alors un enjeu majeur dans la Querelle des Anciens et des Modernes. C’est dans le tumulte de cette même querelle que La Bruyère publie ses Caractères dont, à y regarder de près, il semble se dégager une véritable innervation de Platon, le reprenant ainsi, à son tour, comme gage de la grandeur des Anciens. C’est là ce que propose cette étude : une relecture complète des Caractères de La Bruyère à la lumière du corpus platonicien, tant pour des questions de style que pour des questions d’idées.

Nous nous intéressons ici aux scènes de repas entre amis qui apparaissent dans quelques romans comiques du XVIIe siècle. En exploitant les motifs propres au topos du banquet, les auteurs de notre corpus (Furetière, Dassoucy, Scarron et Cyrano) regrettent ou exaltent des valeurs qui lui sont traditionnellement attachées. Dans l’échange du boire et du manger se trouve ainsi figurés et éprouvés la relation qui se noue entre amitié et vie collective; les conditions de l’acception et de l’adhésion aux règles; enfin, le sens d’un compagnonnage de plaisir qui est aussi un accompagnement dans la mort.

La década de 1640 fue un periodo en el cual surgieron varios visionarios y falsos profetas que afirmaban tener contacto con Dios y ser los transmisores de sus mensajes a reyes y príncipes. En este contexto, encuadramos los mensajes que la religiosa concepcionista sor María de Ágreda transmitió, por medio del género epistolar, a un atribulado Felipe IV, que tenía ya plena conciencia de que el estado deplorable de sus reinos se debía al castigo de Dios. La religiosa recordó al monarca que Dios le estaba castigando por haber llevado, durante las dos primeras décadas de su reinado, una política de grandeza y reputación. En esta labor, no estuvo sola ya que existieron varios visionarios que compartieron sus planteamientos. Con algunos de ellos, mantuvo una relación fluida. Una investigación detallada permite afirmar que sor María fue la voz de una facción cortesana que instrumentalizó el mensaje divino para instar a Felipe IV a reorientar la política de la Monarquía hispana. The 1640’s decade was a period during which were born many visionaries and fake prophets which used messages to Kings and Princes to say that they had direct contact with God and that they were the courier of God’s. Inside this context, we include the messages that the Concepcionista nun Sor María de Ágreda transmitted, by epistolary genre, to the saddened Felipe IV, who was absolutely convince that the disgraceful situation of his Kingdom was a consequence of the God’s punishment. The nun remembered to the King that God was punishing him because, during his two first decades of his reign, he carried on a policy of grandeur and reputation. She was not alone in this job and many others visionaries shared her planning. With some of them, she kept a fluent relationship. A deeply investigation help to say that Sor Maria was the voice of the courtly group who use as a tool the divine´s message to force to Felipe IV to re-orientate the Spanish Monarchy’s politic. La décennie 1640 a constitué une période durant laquelle des visionnaires et des faux-prophètes assuraient entrer en contact avec Dieu et être les émetteurs des messages aux rois et princes. Dans ce contexte, les messages de la religieuse Marie d’Ágreda, sœur de l’ordre de l’Immaculée Conception, sont transmis à travers le genre épistolaire, à un Philipe IV troublé, qui était pleinement convaincu que l’état déplorable des royaumes était dû au châtiment de Dieu. La religieuse rappela au souverain que Dieu le punissait d’avoir mené, pendant deux décennies de son règne, une politique de grandeur et réputation. À cet égard, elle n’est pas la seule puisque d’autres visionnaires ont partagé ses approches. Avec certains d’entre eux, elle avait établi des relations étroites. Une analyse détaillée permet d’affirmer que sœur Marie a été la voix d’une faction courtisane qui avait instrumentalisé le message divin pour exhorter Philippe IV à réorienter la politique de la Monarchie hispanique.

Le livre imprimé est le lieu privilégié pour comprendre comment s’est construit un nouveau regard sur l’Antiquité à la suite des guerres de Religion, de la mise en place de la censure des images ainsi que de la centralisation du pouvoir politique. Or, le nom de celles et ceux qui en ont déterminé la forme propre – imprimeurs, libraires, graveurs, correcteurs – ne figurent pas toujours en page de titre. Ils ont pourtant traduit, modifié et parfois déplacé des textes et des images pour répondre aux attentes d’un public friand de nouveautés. La présente enquête part d’un livre recomposé à partir d’un texte de Natale Conti et des illustrations de Vincenzo Cartari. Bricolé à la hâte dans une officine lyonnaise au début du xviie siècle, il a connu une fortune extraordinaire. Ses sources et sa postérité sont analysées à travers des figures monstrueuses entre la fable, la caricature religieuse, les sciences naturelles et la littérature de voyage, de l’Hécate à trois têtes aux démons dotés de seins pendants jusqu’aux sorcières du Brésil.

Les dieux-monstres de Cartari ont fait l’objet de critiques, notamment de la part de Jean Seznec dans sa Survivance des dieux antiques comme cela a été vu en introduction. Pour aller dans le sens de Seznec, il est vrai qu’un lecteur ou une lectrice non avisée pourrait être surprise de voir une Hécate à trois têtes animales, une Cérès à tête de cheval ou un Hermès à tête de chien. Cependant, on aurait tort d’interpréter cette gêne à l’encontre des dieux-monstres de Cartari comme un problème de...

La progressive codification de l’image allégorique et documentaire dans les années 1600, entre science, fiction et caricature religieuse, a progressivement éclaté le discours et l’illustration des mythographes modernes. Tout d’abord, le nouveau contexte historique et scientifique, c’est-à-dire les traités des naturalistes et des antiquaires, fonde toujours plus ses récits sur les reproductions des objets commentés ; l’image acquiert le statut de preuve de leur discours. Ensuite, l’allégorie s...

Les tailleurs d’images à Venise Plus on remonte dans le temps, plus le nom des graveurs est difficile à trouver. Dans l’affaire des illustrations de Cartari (qui servent à orner la Mythologie en 1612), seuls deux noms ont été mis en avant par la recherche : Bolognino Zaltieri et Giuseppe Porta pour l’édition vénitienne de 1571. Cependant, il demeure difficile de comprendre en quoi consistent exactement les tâches de l’un et de l’autre ; c’est là que la recherche en histoire de l’art prend le...

Le livre évoque l’intime, c’est pourquoi le vocabulaire qui en décrit la fabrique ou la lecture peut se teinter d’une connotation érotique : la page que l’on caresse, la matrice qui doit être chauffée, la pression sur la page vierge. Du sexe à la religion, la métaphore du livre comme pénétration d’un message divin est répandue, il suffit de penser à la Vierge ensemencée par la parole de Gabriel, qui a donné lieu à son iconographie la représentant un livre à la main. En plus d’être direct, le ...

Ce chapitre sur l’allégorie sera l’occasion d’analyser le rapport entre texte et image et d’observer le phénomène général de disparition d’un certain type de représentation allégorique, caractéristique de l’œuvre de Cartari : les laides allégories. En partant du chapitre consacré à Fortuna (Fortune dans la traduction française de Du Verdier), il s’agira de mettre en lumière le changement profond à l’œuvre dans la représentation allégorique au tournant des années 1600. Devant un paysage à pein...

Les deux Jean de Montlyard Jean de Montlyard est l’auteur de la première et de la seule traduction française de Natale Conti, que Paul Frellon reprend dans sa Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables de 1612. Comme indiqué précédemment, son nom apparaît aussi bien sur la page de titre que dans les extraits de privilèges royaux, où il est indiqué qu’il a vendu son manuscrit à Frellon en 1610. Montlyard est un personnage peu connu, seulement mentionné dans des notes en bas de page ou de...

Pierre Eskrich, Paul Frellon et Jean de Montlyard appartiennent à une époque de « scission », voire de « dualisme » entre les lettres et les sciences. La Mythologie de 1612 donne ainsi l’occasion d’envisager une période de redéfinition et de division des savoirs durant laquelle certaines productions livresques proposent au lectorat des textes et des images tirés aussi bien de la littérature antique, des récits de voyage que des traités des naturalistes. Les illustrations des naturalistes-anti...

L’analyse du rapport entre texte et image dans la Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables de 1612 que je propose permet de mesurer les écarts entre l’un et l’autre et leurs spécificités. Tandis que les dieux-monstres et la plupart des laides allégories en image disparaissent des illustrations des livres à partir du xviie siècle, d’autres monstres en revanche sont en plein essor : les prodiges et races monstrueuses. Ce chapitre sera ainsi l’occasion de revenir à l’étude du texte et de ...

« Descartes refiere que los monos podrían hablar si quisieran, pero que han resuelto guardar silencio, para que no los obliguen a trabajar. Los bosquimanos de África del Sur creen que hubo un tiempo en que todos los animales podían hablar. Hochigan aborrecía los animales ; un día desapareció, y se llevó consigo ese don. »Jorge Luis Borges, El libro de los seres imaginarios (paru sous le titre original Manual de zoología fantástica, Mexico, 1957). À l’ère du numérique, des ouvrages digitalisé...

De la traduction du texte, on en arrive à celle de l’image. Il faut commencer par constater que les illustrations de la Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables de 1612, à savoir le lot regravé sur bois pour les trois versions de l’édition lyonnaise de Cartari (1581) attribué à Pierre Eskrich, a été repris tel quel pour illustrer la Mythologie de 1612. Ce lot d’illustrations de la réédition lyonnaise de Cartari est le plus souvent fidèle aux illustrations de Giuseppe Porta et Bolognino...

À l’époque de la publication de la Deffense et illustration de la langue française de Joachim Du Bellay (Paris, Arnoul l’Angelier, 1549), les pratiques sociales de lecture sont en plein changement, les érudits ne détenant plus le monopole de la connaissance des textes savants (grec, latin, hébreu) et tous les artistes francophones, même les plus ignorants, ayant accès à Vitruve et Ovide en français. C’est contre cette « nouvelle classe de lecteurs » qui appelle un « afflux immense » de traduc...

Les éditions de Conti et Cartari Les premières éditions des Imagini de i dei degli antichi de Cartari et des Mythologiae sive explicationis fabularum libri decem de Conti paraissent à Venise entre les années 1550 et 1580. Elles répondent aux attentes d’un public humaniste, lettré et érudit. Illustrer un livre est une entreprise onéreuse et personne ne se lance sans quelques garanties de succès, sans compter que les illustrations in-texte sont encore rares à cette époque. C’est pourquoi, les ...

Nombreux sont les livres de l’Ancien Régime à être hybrides, comme la Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables de 1612, et pourtant seul un œil avisé et expert pourra en discerner les diverses composantes. La raison en est que la forme symbolique du livre prime dans le regard des lecteurs et lectrices et uniformise toute différence matérielle. Cette forme se fonde sur celle du manuscrit enluminé. Dans cet héritage, l’image sert de balise au discours, en structure les sections pour mieu...

Le dynamisme Élans et affrontements Richelieu, Descartes, Corneille, Saint-Cyran, Surin, les grands hommes de cette époque sont des militants engagés dans une lutte pour la maîtrise politique, scientifique, psychique, exaltés par l’idéal qu’ils construisent. Outre les conflits qui peuvent les opposer (Richelieu finit par emprisonner Saint-Cyran), chacun, dans son domaine, suscite des résistances qui conduisent à de violents affrontements, surtout sur le plan de la politique, la forme la plus ...

Les œuvres qualifiées de classiques se distinguent par l’harmonie rationnelle d’une structure et d’un style bien maîtrisés. Mais cette appellation est d’une « faible pertinence scientifique » (R. Zuber). Elle valorise des modèles sans définir précisément leurs caractères, et la liste des œuvres « classiques » a varié au cours des âges (p. 239). Du début du xixe siècle au milieu du xxe, on étendait à tout le siècle, de Malherbe et Corneille à La Bruyère et Fénelon, malgré « attardés et égarés ...

Ce qui définit l’époque de Richelieu, Descartes, Saint-Cyran et Corneille, c’est son dynamisme militant. Mais, à terme, il y aura des vainqueurs et des vaincus. Et pour tous l’ordre construit dans l’exaltation se retournera en oppression : la discipline étouffera le dynamisme qui l’a imposée. Aux conquérants de 1630 succéderont les sujets de 1660. Ce renversement s’annonce dès les années trente quand les trois courants de l’ordre nouveau, politique, scientifique et religieux, s’affrontent mor...

Molière à partir du « Misanthrope » « Le Misanthrope » (4 juin 1666 — 24 décembre 1666) Tartuffe traitait le problème de l’hypocrisie avec la structure manichéenne des comédies précédentes : d’un côté le fourbe et les naïfs qu’il subjugue, de l’autre les gens de bon sens, soutenus par le rire du public et par l’intervention du roi. Le Misanthrope est une mise en scène bien plus équilibrée des avantages et inconvénients de la sincérité aussi bien que de la flatterie, de la complaisance, de la ...

L’âge héroïque croyait maîtriser la condition humaine : voici qu’elle échappe ; l’argent, l’absolutisme, un Dieu inaccessible nous asservissent. La recherche du profit et du plaisir remplace dévouement et générosité. L’optimisme humaniste s’inverse en anxiété, le libertinage se réduit en scepticisme hédoniste. Tout l’acquis devient « inutile et incertain » (Pascal, Pensées, S. 445). Il ne reste à l’homme qu’une « capacité […] vide », « qu’il essaie inutilement de remplir de tout ce qui l’envi...

Crises et ouvertures : la fin du centralisme Entre 1679 et 1685 « finit l’apogée de ce règne et ce comble de gloire et de prospérité » (Saint-Simon). Crise économique, aggravée par des guerres ruineuses ; sclérose de l’absolutisme, autour d’un roi vieilli. De nouvelles tendances se dessinent en tous domaines. Une nouvelle littérature apparaît, caractérisée par des thèmes sociaux et idéologiques, un rationalisme critique, une structure éclatée, un style acéré et, quelquefois, par le sentimenta...

La crise éclate à la faveur de la décompression consécutive au brusque affaiblissement du pouvoir, après la mort de Richelieu (4 décembre 1642) et de Louis XIII (14 mai 1643), remplacés par une Régente et un diplomate sans apparente autorité. Mais le succès de l’Augustinus et le revirement de Corneille montrent que la crise était à l’œuvre avant cette date. De l’héroïsme à l’opportunisme L’héroïsme de Richelieu, et de ceux qui risquaient leur tête contre lui, fait place à l’opportunisme de Ma...

Les Frondes et leur échec Avec la ruine des féodaux, le triomphe de l’absolutisme et des financiers, le conflit entre les pouvoirs et les consciences religieuses rigoristes, l’affirmation du public mondain, le milieu du xviie siècle est un tournant de notre histoire. Les besoins de la guerre, dans une période de récession économique (41 millions de dépenses militaires en 1648, alors que le revenu net de l’État est de 20 millions) maintiennent l’autoritarisme et la pression fiscale. Le peuple ...

Le roman La mise au pas de 1623 a donné un coup d’arrêt au réalisme critique du roman comique. Ni Francion ni le picaresque n’ont de disciples, malgré le succès des traductions du Lazarillo et du Guzman. Mais les discours et les analyses de L’Astrée n’ont pas davantage de postérité. Le roman de l’amour, de la femme, de l’idéal, de l’utopie, expression lyrique d’une insatisfaction, cède la place au dynamisme du roman d’aventures extraordinaires, cousin de la tragi-comédie qui, vers la même épo...

À partir de 1606, le pouvoir d’Henri IV paraît stabilisé. Son assassinat par un fanatique, le 14 mai 1610, ne remettra pas en cause son œuvre, malgré les faiblesses d’une Régence marquée par le pouvoir du tyrannique Concini (1613-1617), puis de l’incapable Luynes (1617-1621), par les États Généraux de 1614 (où le conflit entre le Tiers État et la Noblesse sauve l’indépendance de la monarchie), par les révoltes des Grands (1614, 1615-1616, 1620) et des protestants (1620-1621). Le grand élan my...

Le théâtre va dominer cette période pour plusieurs raisons. Cette cérémonie publique convient à un pouvoir soucieux d’impressionner l’élite qui se rassemble dans la capitale, où la Cour et les salons font de la vie une représentation. Le genre dramatique est l’expression d’une période d’affrontements, avide de grandeur spectaculaire. Enfin, soumis par nature à d’étroites limites de temps et d’espace, c’est le genre qui se prête le mieux à la normalisation. Toutes ces raisons ne vont pas dans ...

La Bruyère La vie La Bruyère (1645-1696) est de moyenne bourgeoisie d’offices parisienne ; de ce milieu rationaliste sont déjà sortis Boileau et Furetière, en attendant Voltaire. Célibataire — et misogyne — il vit pauvrement, puis modestement quand un héritage lui permet d’acheter une charge de trésorier de France (1673). Il aurait commencé dès 1670 à noter les réflexions d’où sortiront Les Caractères. En août 1684, il devient précepteur du petit-fils de Condé, adolescent incapable d’attentio...

Biographie Jean de La Fontaine (1621-1695), de bonne bourgeoisie provinciale, devient, comme son père, maître des eaux et forêts à Château-Thierry. En 1658, il présente Adonis à Fouquet, qui le pensionne : en échange, il écrit de petits poèmes et Le Songe de Vaux. Après l’arrestation du surintendant*, resté l’un des rares fidèles, La Fontaine sollicite la clémence, en 1662, dans une Ode au Roi et dans une Élégie aux Nymphes de Vaux (anonyme). Son oncle Jannart, soupçonné d’organiser l’aide à ...

Molière jusqu’à « Dom Juan » Présentation générale a. La personne, son statut et la fonction de son œuvre On connaît mal la personnalité intime de Jean-Baptiste Poquelin (1622- 1673), qui signe Molière à partir de 1644. Tous ses écrits personnels ont disparu. Il était « rêveur et mélancolique » (Lagrange) ; généreux : ses compagnons lui sont très attachés ; « facile à s’indigner » et (seulement vers la fin, à cause des difficultés, de la maladie ?) impatient jusqu’à la tyrannie. Nous connaiss...

Les conditions de la vie politique, psychique et littéraire après la Fronde La défaite des Frondeurs achève le passage des militants aux sujets, le triomphe de l’absolutisme et des financiers, c’est-à-dire de la faveur et du profit. On les recherche cyniquement ou l’on se replie frileusement sur soi-même ou l’on console son amertume dans l’augustinisme autour duquel se poursuivent les affrontements. N’étant plus rattachés à un système de valeurs, la science devient expérimentale et l’amour do...

Conditions générales La faiblesse du pouvoir, la fatuité des opposants, l’antihumanisme frappent d’inflation des langages héroïques, qui dérapent dans le romanesque. Corneille et Rotrou y insèrent un machiavélisme dont ils tirent des effets vigoureux. Mais il devient invraisemblable chez La Calprenède et Mlle de Scudéry, en attendant Quinault et Thomas Corneille. Cette tendance générale est confirmée par l’évolution du mécénat et du public. Louis XIII « raya après la mort du Cardinal toutes l...

Bayle Le regard d’un étranger Pauvre, provincial, rural jusqu’en 1669, puis exilé à partir de 1681 dans la Hollande commerçante, financière, bourgeoise, tolérante et ennemie de la France, vigoureusement huguenot, Pierre Bayle (1647-1706) est vraiment étranger au système louis-quatorzien, sur lequel il porte un regard doublement critique : protestant et libéral. De la lutte contre les superstitions au réalisme subversif (1682-1683) Ma « vocation légitime », c’est la lutte contre « les progrès ...

Les « Pensées » de Pascal Genèse et plan À partir de la fin 1656, Pascal prépare une Apologie de la religion chrétienne. Il jette sur le papier des phrases elliptiques, des paragraphes, quelques développements de plusieurs pages. En 1658 (mai ?) il expose son dessein dans une conférence et répartit ses notes (611 fragments) en trente-quatre liasses, attachées chacune par un fil et regroupées en deux parties : une étude de l’homme, mélange incompréhensible de grandeur et de misère, et son expl...

Le présent volume prend place dans la série Histoire de la littérature française précédemment éditée chez Nathan. Publié pour la première fois en 1989, il a été profondément remanié à la lumière des recherches les plus récentes. Il présente et analyse les principales œuvres du xviie siècle dans leur originalité singulière, tout en les replaçant dans leur contexte littéraire et socio-culturel, pour expliquer l’évolution des genres, des thèmes, des structures et des styles par la transformation des publics, des auteurs, de leurs protecteurs, de la fonction même de la littérature et de ses conditions de production et de réception. Il distingue les différentes périodes du siècle et en définit les caractères, replaçant les œuvres à la fois dans une continuité diachronique et dans leur fonction synchronique. Il montre, pour chaque époque, les tendances communes et la différenciation des genres et des visions. Il favorise ainsi l’inscription des connaissances dans une réflexion historique. Destiné aux étudiants de Lettres de tous niveaux (classes préparatoires, premier et second cycles des universités), cet ouvrage sera aussi très utile pour la préparation des concours.

Racine jusqu’à « Phèdre » La problématique de Racine Pauvre orphelin provincial, Jean Racine (1639-1699) devient l’un des personnages les plus en vue de la Cour du Roi-Soleil. Mais son œuvre est radicalement pessimiste. Comment s’articulent dans sa personnalité la motivation de son triomphe et sa vision tragique ? Il serait si simple d’expliquer l’œuvre de Racine par la pensée tragique de son auteur. Mais on n’en trouve pas trace. Sa conception de la tragédie n’est pas philosophique, mais est...