Au cours des quinze dernières années, soit depuis la publication du recueil collectif Aimititau ! Parlons-nous ! dirigé par Laure Morali, ont vu le jour plusieurs projets littéraires et artistiques fondés sur un dialogue entre Autochtones et allochtones. Parmi ces projets on compte : « Suite d’automne (correspondance) » et Uashtessiu Lumière d’automne de Rita Mestokosho et Jean Désy (2011), Nous sommes tous des sauvages de Joséphine Bacon et José Acquelin (2013), Kuei, je te salue. Conversation sur le racisme de Deni Ellis Béchard et Natasha Kanapé Fontaine (dont une nouvelle édition augmentée est parue en 2020), et plusieurs autres ouvrages qui, tel que Shuni de Naomi Fontaine (2019), sans mettre en scène le dialogue, reposent sur un échange avec des destinataires plus ou moins implicites. Cet article vise à étudier et à comparer, dans ces textes et recueils collectifs, la manière dont, au-delà des intentions exprimées, la parole est donnée ou attribuée aux sujets autochtones, ou alors cédée ou simplement… reçue. En considérant les oeuvres les unes par rapport aux autres, et en circulant entre les questions d’élocution et de délocution, mais aussi liées au plurilinguisme et à la pensée circulaire, et sans jamais oublier que ces oeuvres sont publiées en tout ou en très grande partie dans la langue coloniale qu’est le français, l’article s’interroge sur la façon dont s’y orchestre le discours et se demande si ces textes participent à un processus de décolonisation de la parole ou s’ils n’ont pour effet, parfois ou en partie, de manière parfois inconsciente, de perpétuer la distribution colonialiste du discours ?, Over the past fifteen years, since the publication of the collective collection Aimititau! Parlons-nous! edited by Laure Morali, several literary and artistic projects have emerged based on a dialogue between Indigenous and non-Indigenous subjects. Among these projects are: « Suite d’automne (correspondance) » and Uashtessiu Lumière d’automne by Rita Mestokosho and Jean Désy (2011), Nous sommes tous des sauvages by Joséphine Bacon and José Aquelin (2013), Kuei, je te salue. Conversation sur le racisme by Deni Ellis Béchard and Natasha Kanapé Fontaine (in a new, augmented edition published in 2020), and many other texts such as Shuni by Naomi Fontaine (2019) that, although they do not explicitly feature a dialogue, are based on an exchange with more or less implicit recipients. This article aims to study and compare, in these texts and collective works, the way in which, beyond the expressed intentions, speech is given or attributed to Indigenous subjects, or else ceded or simply… received. By considering the works in relation to each other, and by maneuvering between the questions of elocution and delocution, as well as questions related to plurilingualism and circular thought, and never forgetting that these works are published in whole or in very large part in the colonial language that is French, the article questions the way in which discourse is orchestrated and asks whether these texts participate in a process of decolonization of speech or if, sometimes or partially or unconsciously, they perpetuate the colonial distribution of discourse?