En 1930, un groupe d'entrepreneurs chinois vivant entre Shanghai, Hong Kong et Pékin, fondent une des plus grandes compagnies cinématographiques de l'époque, la Lianhua. La Chine est alors une nation jeune et vulnérable et leur projet est autant économique que politique. La compagnie ambitionne de donner ses lettres de noblesse au cinéma chinois et de concurrencer les Majors américaines qui dominent le marché du film. À Shanghai, elle projette de bâtir un « Hollywood oriental ». Un immense complexe de production voit alors le jour, sorte de microcosme idéal où l'art et la culture doivent servir le projet de construction nationale. Les acteurs, réalisateurs, techniciens de la Lianhua comptent parmi les plus grands de l'époque. Leurs films attestent de leur exigence artistique, combinant la volonté de s'approprier le cinéma hollywoodien et d'explorer l'art cinématographique à la nécessité de dénoncer les problèmes du pays. Ce projet connut bien des difficultés. La guerre avec le Japon en 1937 marqua un premier coup d'arrêt, brutal. Les dissensions de l'immédiat après-guerre l'achevèrent. Mais, même après sa disparition en 1948, son héritage se transmit dans l'espace chinois. Cet ouvrage retrace l'histoire de la Lianhua entre 1930 et 1948, examinant, à travers les heurs et malheurs d'une grande compagnie cinématographique, l'aventure des hommes et de leurs films. C'est à la fois le cinéma d'avant la Chine communiste et le destin d'une communauté culturelle d'exception qui sont révélés. « Si une loi forçait tous les poètes, tous les compositeurs, tous les peintres et tous les sculpteurs à renoncer à leur activité, seule une fraction du public s'apercevrait de la différence et une portion plus infime encore en éprouverait le moindre regret. Si la même interdiction frappait les cinéastes, les conséquences sociales seraient catastrophiques. » Erwin Panofsky, « Style et matière du septième art » (1936). « Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores Étonnons-nous des soirs mais vivons les matins Méprisons l'immuable comme la pierre ou l'or Sources qui tariront Que je trempe mes mains En l'onde heureuse. » Guillaume Apollinaire