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« Jouer n’est pas un art de reproduction, car il n’y a rien du tout que l’art dramatique puisse reproduire en tant que tel. […] Un comédien reproduit quand il en copie un autre. »Simmel, 2001 : 66 Il s’agira ici de revenir sur les enjeux principaux de l’interrogation de Georg Simmel sur le cas du comédien. En replaçant sa réflexion dans le contexte de la réforme que connaît alors le théâtre, je voudrais à la fois signaler l’actualité du regard du sociologue et du philosophe sur l’évolution de...

À l’époque de Freud et de Simmel, la censure préventive ne pèse plus, sous sa forme traditionnelle, que sur les théâtres. Elle a été, pour l’édition et pour les journaux et revues, remplacée par la répression, confiée à la police et à la justice, de ce que le pouvoir en place tient pour des abus de la liberté de la presse. À Berlin et à Vienne, le contrôle de la presse et de l’édition reste plus étroit que celui que maintient en France la loi du 29 juillet 1881, mais l’industrie du livre et d...

Il est de coutume, chez les économistes, d’associer la Philosophie de l’argent de Georg Simmel (1987) à « l’école autrichienne » (Gloria-Palermo, 2013) ainsi nommée parce qu’elle a pour origine la pensée de l’économiste autrichien Carl Menger. Cette association a été popularisée par David Laidler et Nicholas Rowe dans un article qui demeure jusqu’à aujourd’hui le texte de référence pour les économistes souhaitant se familiariser avec l’œuvre de Simmel. On y trouve écrit : « les idées de Simme...

Simmel est sans doute le premier sociologue à avoir perçu l’importance de la confiance dans la vie sociale. Dans Philosophie de l’argent (1900), on trouve sa fameuse déclaration : « Sans la confiance des hommes les uns envers les autres, la société tout entière se disloquerait. » Locke avait déjà soutenu que la confiance était « le lien de la société », mais c’était sur l’arrière-plan de la fiction du contrat social. L’intérêt des analyses de Simmel est qu’elles s’efforcent de différencier le...

En 1909, dans ses Contributions à la Philosophie de l’histoire, Georg Simmel décrit la vie sociale et historique des hommes comme un entremêlement de deux processus fondamentaux : la transmission (Überlieferung) et l’action réciproque (Wechselwirkung). La première est transmission d’« un contenu existant sous une forme spirituelle objective à travers une succession d’individus » (Simmel, 2001 [1909] : 66). C’est par elle que la vie sociale est une vie historique dotée d’une « substance spirit...

Les remarques qui suivent portent sur certains aspects de la « philosophie de l’art » de Simmel développés dans la dernière décennie de sa vie. Comme on le verra, cette évolution est profondément enchâssée dans celle de deux autres grands projets, celui d’une épistémologie de l’histoire et celui d’une épistémologie de la connaissance [sociologique], l’ensemble de ces chantiers étant censé être réuni dans le dessein d’une nouvelle « métaphysique ». C’est en effet par ce terme que Simmel désign...

L’étude de la place de la religion, avec sa prétention absolue à la validité, dans les sociétés soumises au processus de différenciation a conduit Simmel à des analyses originales qui, si elles n’ont pas la notoriété des grandes synthèses historiques de Max Weber, ont conservé une pertinence diagnostique étonnante. La première partie de cet article rappelle les travaux consacrés par Simmel à la religion. La seconde aborde le renouveau contemporain de la thématique des arts de vivre (Foucault,...

Cet article examine la diffusion de la pensée de Simmel parmi les sociologues américains et identifie trois phases dans la manière dont cette dissémination s’est faite. Il retrace ensuite l’influence que Simmel a pu avoir sur les approches théoriques américaines. Georg Simmel se singularise par le fait qu’il est le seul savant européen à avoir eu tout au long du XXe siècle une influence marquante sur la sociologie aux États-Unis. Cela est particulièrement remarquable car, en dépit de la conce...

Peu d’auteurs ont laissé un héritage dont la valeur a été aussi contestée que celui de Simmel. Je me propose de passer en revue cinq manières dont les sociologues caractérisent habituellement l’œuvre de Simmel, et de tirer de leurs analyses averties ce qui pourra constituer une base pour avancer vers ce que cette œuvre peut encore nous enseigner, pour découvrir les points de départ qu’elle peut fournir à de nouveaux genres d’enquête. Simmel esthète Pour certains commentateurs, tout d’abord, l...

L’appréhension de l’œuvre de Georg Simmel en France a été durablement marquée par ses premiers introducteurs. Les reproches que lui adressa Emile Durkheim de faire une sociologie psychologique, la lecture polémologique qu’en proposa Julien Freund (Laurens, dans ce volume) ou encore l’utilisation qu’en fit ultérieurement Michel Maffesoli qui succéda à ce dernier à l’Institut de polémologie, ont orienté la réception de Simmel. Qu’ils œuvrent aujourd’hui dans la sociologie de Pierre Bourdieu ou ...

Introduction Les concepts d’holisme et d’individualisme forment une des oppositions constitutives de la sociologie comme science. La signification de ces concepts est en première ligne descriptive, car ils fournissent un moyen de classification des théories et représentent en même temps un clivage polémique entre écoles sociologiques. L’individualisme prend comme modèle la physique moderne et essaie d’expliquer l’ensemble de la société à partir de ses composants atomiques. Le holisme, à l’inv...

« Ainsi la “liberté de l’Église” ne consiste absolument pas dans la libération par rapport à des puissances laïques dominantes, mais dans leur assujettissement : par exemple, pour l’Église la liberté de l’éducation signifie que l’État reçoit des citoyens qui seront imprégnés d’elle et sous son influence, ce qui l’a fait assez souvent tomber sous sa domination »Simmel, 1999 : 241 Lecteur de Simmel (Stavo-Debauge, 2009 et 2013), je m’étais jusque-là montré peu attentif à ses réflexions sur le «...

L’un des grands livres de Georg Simmel, la Philosophie de l’argent, a connu une longue gestation. Comme l’a noté David Frisby dans ses préfaces et son introduction remarquables à la traduction de l’ouvrage en anglais, c’est en 1889 que selon Gustav Schmoller, l’une des figures majeures de l’école historique allemande d’économie politique, Simmel donna une conférence sur la psychologie de l’argent. Puis une série d’articles parurent entre 1896 et 1899, qui constituèrent des esquisses des diffé...

L’importation d’une œuvre, sa traduction et sa mise en circulation dans un espace académique ne laissent pas inchangée sa perception collective et en orientent la réception et les usages tant immédiats qu’ultérieurs (Sapiro, 2012). La plupart des sociologues français non germanophones n’ont ainsi d’abord connu Simmel que tardivement et à travers ses œuvres traduites. Si des travaux récents ont pu saisir ce que l’importation de Weber en pleine Guerre Froide a pu produire comme distorsion dans ...

Aux différents niveaux de sa réflexion, Simmel développe une pensée du tiers. Il refuse les oppositions déjà constituées. C’est aussi qu’il n’y trouve pas sa place. C’est vrai sur le plan théorique autant que disciplinaire et institutionnel. Il s’emploiera, par la sociologie, à penser les conditions de l’exercice de la pensée, et par la philosophie, jamais abandonnée, à développer une pensée de son temps, à savoir pour lui une modernité de crise. La pensée du tiers est une façon appropriée de...

Philosophe et sociologue, Georg Simmel (1958-1918) a développé une pensée originale qui se soustrait à la tentation des oppositions duales, telles qu’individu et société, expérience et structure. Sa pensée du tiers saisit la complexité des relations sociales à partir de la différenciation et de la réciprocité. Son approche se veut processuelle et relationnelle. Plus qu’un état de la société, ce sont les dynamiques qui la produisent, le « faire société » qu’il cherche à élucider. L’objectif de cet ouvrage est de montrer l’actualité et la fécondité des pistes ouvertes il y a un siècle par Simmel, pour penser des questions aussi décisives que la sociabilité, le pouvoir, la valeur de l’argent et du travail, la confiance ou la religion. Ces considérations se veulent des prolongements, des discussions à partir de Simmel plutôt qu’une exégèse de son œuvre. Elles font le pari que les sciences sociales ont beaucoup à gagner à rouvrir certaines de ces pistes. À travers son regard sociologique, Simmel nous engage à explorer la complexité des relations à travers lesquelles se constituent réciproquement l’individu et la société. À travers sa réflexion philosophique, il nous invite à interroger les évidences, les clivages catégoriels et disciplinaires auxquels nous nous sommes accoutumés. Esprit en son temps résolument moderne, Simmel, en bien des points, nous précède encore.

« Toute considération est une recherche, une aspiration à ce que l’on ne possède pas, une extension vers un proche que l’on n’a pas encore, mais dont pourtant on n’est pas absolument dépourvu.C’est l’attente d’une plus grande détermination de ce qui n’est que déterminé en général, et qui doit exister pour que l’on se mette à chercher, une anticipation qui nous tient jusqu’à ce qu’on l’ait réalisée. »Simmel 2004 [1916] : 367 Connu comme un des inspirateurs de la sociologie, Georg Simmel (1858-...

« (…) la domination pose ce problème sociologique tout à fait général : d’une part, la domination et la subordination constituent une forme de l’organisation objective de la société ; d’autre part, elles sont l’expression de différences qualitatives personnelles entre les êtres humains. Comment s’articulent dès lors ces deux déterminations et comment la diversité de leurs rapports influence-elle les formes de sociation ? »Simmel, 1992 [1908] : 207 traduit par mes soins ; trad. fr. 1999 : 253 ...