Search

Faire l’histoire des vêtements comme manière de se reconnaître et de s’identifier suppose l’interdisciplinarité et l’imbrication de diverses sources. Les actes dotaux, les testaments, les inventaires après décès montrent l’importance accordée aux habits par chaque couche sociale, leur transmission d’une génération à l’autre, d’une personne à une autre ; la distinction entre ce qui est « neuf » ou « vieux », « porté » ou « non porté », relevant de la « parade » ou de l’« intime » ; le contrast...

« L’enfant apprend en croyant l’adulte. Le doute vient après la croyance. »(Ludwig Wittgenstein.) Qu’est ce qu’une mode sinon une manière d’être collective dont le costume est une des expressions matérielles les plus remarquables ? Fondée sur le nombre de témoins, son rayonnement se mesure à l’accumulation d’exemples pertinents qui prouvent sa capacité à uniformiser les apparences. Un élément isolé ou considéré comme une pièce unique perd ainsi toute signification. Au XVIIIe siècle, l’évoluti...

Le développement de l’industrie des indiennes avec la fin de la prohibition, en 1759, s’explique en grande partie par l’engouement du peuple pour les cotonnades. C’était effectivement un des arguments avancés par les adversaires de l’interdit qui frappait l’importation et la fabrication des indiennes depuis 1686. Déjà en 1749, l’inspecteur des manufactures Pradier expliquait ainsi les raisons du succès de ces toiles introduites par contrebande : « Le peuple l’aime, il y trouve bon marché, dur...

En 1997, jugé désuet et sans grand intérêt, le musée d’Art populaire régional installé, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, au Château des ducs de Bretagne ferme définitivement ses portes. La collection rassemblée par le conservateur Joseph Stany Gauthier entre 1925 et 1950, soit plus de trois cents pièces, gagne les réserves. Dix ans plus tard, ouvert à l’hiver 2007, un nouveau musée, consacré à l’histoire de la ville de Nantes du XVe siècle à nos jours, présentant une sélection de ...

En France, sous l’Ancien Régime, lorsqu’une personne meurt subitement, on appelle les autorités judiciaires de la région. Accompagnées d’un chirurgien, elles viennent sur place pour reconnaître le corps, l’identifier, donner les causes de la mort et autoriser, ou non, la sépulture. Sur un procès-verbal appelé levée de cadavre, sont alors portés le sexe, les mensurations, l’âge approximatif de la dépouille, les principales caractéristiques de son visage, la situation, l’attitude et les plaies ...

Marqueurs identitaires, marqueurs sociaux, les costumes ruraux ont aussi été considérés comme étant les symboles les plus spectaculaires de campagnes jugées « éternelles » et arriérées dans les récits de voyages et les témoignages des XIXe et XXe siècles. Rédigés par des auteurs urbains et notables, ils visent bien souvent à conforter les représentations de ces « pays de sauvages » dont les langues, les patois et les pratiques sociales leur paraissent si étranges et si primitifs. Dans le cas ...

Considéré par les préhistoriens comme l’une des premières manifestations d’une « révolution symbolique » ayant donné naissance à l’humanité moderne – ses exemples les plus anciens connus datant de quelque 100 000 ans –, le bijou est un objet étrange et polysémique. Aucune culture, ni aucun groupe humain n’y échappe. Dénué, à quelques exceptions près, de toute fonction utilitaire, il se charge de multiples sens qu’ils soient décoratifs, identitaires, magico-religieux, prophylactiques, sentimen...

Nichée en fond d’estuaire, entre Morlaix et Brest, Landerneau, au XVIIIe siècle, est une ville d’environ 4 000 habitants. Elle s’est développée autour de son pont habité, carrefour entre Léon et Cornouaille. Cette situation va expliquer la mixité des populations, des costumes, des métiers, excluant des identités fortes. On y parle français et breton, on s’habille en costume traditionnel et à la française, les maîtres à danser côtoient chirurgiens et matrones, maîtres de barques et matelots, p...

Michelle Perrot a insisté sur la nécessité de réhabiliter tous les types d’écrits pour en faire des objets d’histoire. Souvent, au cours de mes recherches concernant la littérature et l’histoire des femmes du XIXe siècle et du début du XXe, j’ai eu l’occasion de mettre cela en pratique en travaillant sur la presse féminine et l’image des femmes dans la presse en général. Dans ces revues ou ces journaux, les représentations de costumes régionaux ou nationaux apparaissent, au gré d’un article o...

Au XIXe siècle, la Bretagne a connu une floraison particulièrement riche et diversifiée des costumes populaires : un premier recensement incomplet autour de 1830, l’enquête très attentive de Hippolyte Lalaisse en 1843 et 1844 le démontrent. Dans la première moitié du XXe siècle, les nombreux témoignages épars de Mathurin Méheut et l’étude systématique de René-Yves Creston en suivent les dernières expressions. Les costumes traditionnels vont finir de disparaître de la réalité quotidienne et so...

En 2001, l’association Dourdon a entrepris une étude sur l’importance du lin dans les 22 communes du pays de Landerneau-Daoulas (fig. 1). Ce travail a débouché sur une exposition en 2005, L’Année du lin, et la publication d’un ouvrage, L’Or Bleu. Nous avons dépouillé tous les inventaires après décès des 22 communes pour la période 1670-1790. Environ 24 000 actes (scellés, inventaires, partages, ventes) ont été consultés, dont 6 937 inventaires proprement dit. Nous avons systématiquement relev...

Entre 1870 et 1918, l’Alsace a connu un profond mouvement régionaliste en raison de l’Annexion à l’Empire allemand. Outre la langue, la culture, les traditions, le costume a été l’objet d’une attention toute particulière. Notamment de la part des artistes et des créateurs du Musée alsacien fondé en 1902 et ouvert en 1907. C’est dans ce contexte que paraissent les premières enquêtes ethnographiques sur le costume traditionnel alsacien. Deux personnalités publient deux ouvrages fondamentaux, ma...

What is traditional dress? Generally speaking, the term tradition refers to cultural expressions which incorporate values of the past, preserving them in the present, and securing their transmission to the future. Tradition is usually juxtaposed to innovation and, in the case of dress, to fashion. Tradition, however, is not static; it bears a dynamic which creates a continuous, though not radical change. Clothing is a multi-dimensional cultural phenomenon and its development is affected by ma...

La grande diversité et le charme pittoresque des costumes régionaux français ont nourri l’imaginaire de quelques intervenants culturels québécois, qui voyaient dans la reproduction de ce modèle une opportunité de renforcer les traits pittoresques de la province. Si nos ancêtres bretons, normands ou picto-charentais portaient des vêtements aussi remarquables, serait-il possible de retrouver chez nous les traces d’un héritage vestimentaire qu’ils nous auraient laissés ? Cette quête d’identifica...

Quand on observe les nombreuses gravures représentants les canotiers parisiens, les plaisanciers qui vont sur la Seine et la Marne dans les années 1840 à 1860, on est étonné de constater qu’ils portent un costume de marin. Certains s’habillent en pêcheurs picards, normands, bretons ou méditerranéens, d’autres préfèrent la tenue des matelots de la marine de guerre. Contrairement à leurs homologues britanniques, allemands ou scandinaves, les Parisiens ne veulent pas rester en bourgeois pour all...

Depuis sa création en 1900, le premier objectif de la Fédération régionaliste française (FRF), autrement appelée « mouvement régionaliste français », était de diviser la France en régions homogènes. Ses adhérents voulaient créer des cadres plus vastes que les départements et leur donner plus de libertés et de prérogatives. La FRF fut en cela un lobby œuvrant dans les domaines politique, administratif et économique pour une réforme de l’État allant dans le sens de la régionalisation. Le lien e...

Jeanne Messager fut une figure éminente de la vie culturelle normande pendant plus d’un demi-siècle. Il existe pourtant très peu d’écrits consacrés à son œuvre : quelques passages dans L’Histoire de l’Office Municipal de la Jeunesse d’Édouard Colin ; Marie-Thérèse Duflos-Priot y fait référence dans son ouvrage Les groupes folkloriques en France et l’exposition Costume-Coutume réalisée par le musée national des Arts et Traditions populaires en 1987 prend l’exemple de Jeanne Messager pour illus...

Plutôt tourné vers des archives et autres sources documentaires, l’historien porte souvent sur les groupes folkloriques un regard très critique, n’y voyant qu’un petit monde de joyeux amuseurs publics peu soucieux de réalité historique, exhibant des vêtements stéréotypés, à l’authenticité douteuse. Une image bien péjorative que certains membres de ces associations souhaiteraient aujourd’hui renouveler. Ainsi, en octobre 2004, Alain Clerc, représentant les compagnons du Bareuzai, groupe folklo...

Les processus de patrimonialisation sont non seulement multiples et variés dans leurs formes mais ils se côtoient, se chevauchent, voire se renforcent. J’ai choisi de me pencher sur les liens qu’entretiennent deux objets distincts, qui tous deux ont été largement patrimonialisés en Bretagne depuis le XIXe siècle, les costumes et les remparts médiévaux. Si les chronologies et les formes de patrimonialisation de chaque objet semblent différer, les processus se rencontrent néanmoins. En effet, l...

Cette recherche, qui vient après le remarquable ouvrage de Dominique Veillon, La mode sous l’Occupation, est fondée pour une part sur des travaux menés aux Archives municipales et au musée des Tissus à Lyon, et aux Archives nationales à Paris. L’apport essentiel provient des archives du musée des Arts décoratifs à Paris et des albums d’échantillons conservés par le musée des Tissus de Lyon, appartenant à la maison Coudurier Fructus Descher, une des compagnies lyonnaises de textiles de mode pa...

En partie du fait des lois somptuaires de l’Ancien Régime, les habits populaires des XVIIe et XVIIIe siècles étaient confectionnés avec des tissus très simples, sans aucun décor. Broderies et dentelles étaient réservées aux classes aisées. En basse Normandie, les broderies n’apparaissent dans les costumes populaires qu’après 1789, et en quatre étapes successives, approximativement définies comme suit : 1789-1815 : l’ère exclusive du point de chaînette ; 1815-1835 : l’ère du point de chaînette...

La chikolodenn est la coiffe que René-Yves Creston a reconnue comme étant celle du groupe de Saint-Pol-de-Léon, qui compte vingt communes environnant la capitale de l’ancien évêché de Léon. Moins connue que la coiffe du pays bigouden par exemple, la chikolodenn n’en est pas moins, dans cette partie du Haut-Léon, en Basse Bretagne, un important marqueur d’appartenance territoriale. Mon propos est de tenter de montrer comment la coiffe a changé de statut au fil du temps, ou pour reprendre le te...

« Jouer l’Arlésienne »… Cette expression, inspirée d’un texte d’Alphonse Daudet, est encore couramment usitée, même dans la presse audiovisuelle, pour suggérer l’absence ; mais elle évoque aussitôt le fantasme étonnant d’une femme séductrice « toute en velours et dentelles », c’est-à-dire arborant des atours régionaux qui semblent participer de ce charme envoûtant qui conduit vers la mort le jeune Frédéric, protagoniste du drame de Daudet. Cette place de l’« Arlésienne » dans l’imaginaire col...

Pour remporter le « trophée de l’âne » du Salon de l’agriculture 2005 à Paris, les concurrents devaient se prêter à une « épreuve de tradition ». À cette occasion, des personnages en costumes folkloriques entraient en piste, accompagnés de l’âne « Grand noir du Berry ». Les éléments vestimentaires présentés devaient ainsi être immédiatement identifiés par le public comme « le costume berrichon ». Tout comme la grande coiffe bigoudène représente « la coiffe bretonne », même si une multitude de...

Une trentaine d’années après l’abolition de l’esclavage, la condition économique des anciens esclaves ne s’est guère améliorée. Dans la société coloniale de la Martinique, les clivages reposant sur les revenus et sur l’appartenance à une « race » sont encore bien présents. Jusqu’à l’extrême fin du XIXe siècle, l’habit reste un marqueur social fort. L’habit créole que nous nous proposons d’étudier est l’un des anciens costumes de la Martinique, celui qui fut porté dès le XVIIIe siècle par les ...

When I began to research this topic, a colleague reminded me of the well known Ed McLachlan cartoon captioned ‘Whilst doing a long overdue clean out at the offices of Ireland’s oldest and most respected school of dance, Mrs O’Hara made a terrible discovery.’ Her discovery was a heavy tome entitled The Book of Irish Dancing, vol. 2, How to incorporate the arms. This cartoon helps to emphasise the fact that the image of the Irish dancer has become very familiar as a cultural icon, one to which ...

Lors d’une rencontre, qui remonte à déjà bien des années, Nicole Pellegrin m’avait fait cette remarque que je cite de mémoire : « Finalement, le seul moyen d’optimiser la connaissance du costume régional est de retourner aux collections des musées », remarque qui ne pouvait qu’interpeller le conservateur de musée que j’étais. En effet, force était de constater que, dans la pratique, nous répétions trop souvent les mêmes descriptions en nous référant aux mêmes sources documentaires. Et pourtan...

La broderie, dans la première moitié du XIXe siècle, fut une activité prépondérante de la Lorraine préindustrielle puisqu’elle a employé de 150 000 à 200 000 ouvrières à domicile, chiffres difficilement contrôlables tant les autorités officielles, dont les agents recenseurs, la considéraient comme un métier de second rang. C’est au tournant des XVIIIe et XIXe siècles que la broderie blanche (avec du coton blanc sur tissu blanc) débute à Nancy. Un savoir-faire y existait déjà puisque, avant la...

Au XIXe siècle, le désir de découvrir les richesses archéologiques et les aspects pittoresques de la province française suscite la mode des récits d’écrivains voyageurs et des recueils d’estampes. De toutes les contrées de France, la Bretagne séduit particulièrement pour son exotisme. L’importante production de livres et l’abondante iconographie qui lui sont consacrés à l’époque témoignent de l’attrait, de la curiosité pour le pays et ses habitants. La profusion d’images au XIXe siècle est in...

Se pencher sur les perceptions du vêtement des Alsaciennes aux XVIIe et XVIIIe siècles c’est étudier l’image que chacun cherche à donner de soi à travers son apparence vestimentaire, ainsi que le regard que l’autre porte sur un groupe social ou sur les habitants d’une province. Selon la nature de la source étudiée, la notion de perception recouvre des dimensions différentes. Jacqueline Tuffal définit le recueil de costumes comme un ouvrage consistant à « donner l’aspect extérieur de l’individ...

Au cours de la première moitié du XIXe siècle, coexistent deux manières d’arpenter, d’observer et de décrire le territoire national. La première, qui s’inscrit dans la généalogie du voyage patriotique dont le modèle s’était forgé dans la France des Lumières, prend corps, sous le Consulat et l’Empire, dans ce que nous appellerons, par souci de commodité, la statistique départementale. Description à visées scientifiques, marquée au coin de l’encyclopédisme, elle recycle, en les adaptant aux nou...

La question de la définition des identités par le vêtement est l’un des axes fondateurs des recherches de l’historien de la mode. L’étude des mécanismes vestimentaires éclaire, en effet, d’une manière différente notre compréhension des relations sociales entre individus, et révèle souvent les aspects les plus subtils de l’organisation d’un groupe. La question du vêtement enfantin et de son implication dans les mécanismes qui régissent la manière dont l’enfant s’imprègne du fonctionnement de l...

La blouse est un élément à part entière du statut social à l’intérieur de l’entreprise ; si cela est évident pour certaines professions (pour l’instituteur par exemple), quand on évoque le monde ouvrier, le vêtement n’est pas le premier élément que l’on regarde. Pourtant l’ordre de l’usine passe de manière subtile par l’uniformité d’une tenue portant souvent plus ou moins discrètement le nom et/ou le logo de l’entreprise. Cette image, qui peut paraître banale, est une construction progressive...

« La réputation des broderies de Tours dites Vouvray est établie par la broderie de fonds de bonnets », écrivait dans les années 1880 Alfred Delaborde, patron brodeur à Tours. C’est une broderie blanche tardive, née au XIXe siècle après la guerre de 1870, à Vouvray, commune proche de Tours sur la rive droite de la Loire, dans une région de vignoble. C’est celle que nous trouvons sur les bonnets ronds paillés de Touraine (fig. 1). C’est une broderie à grosses fleurs effectuée au point de bourd...

« Partout où l’on trouve une originalité quelconque, soit dans le vêtement des hommes, soit dans celui des femmes, on aime à la voir reproduire dans des tableaux ou dans des albums qui en conserve le souvenir. »(M. Armand-Dumaresq, Spécimens des costumes populaires des diverses contrées, Exposition universelle de 1867.) « Partir pour mieux se retrouver » constitue l’axiome tautologique justifiant le voyage. Le déplacement, réalisé sans autre but que de se rendre dans un lieu identifié comme u...

Faut-il croire à un âge nouveau pour l’histoire des costumes régionaux ? Faut-il croire, plus brutalement encore, que cette histoire est formée depuis peu, que nous sommes seulement au début d’un long programme de travail ? Il n’y a pas eu, au XIXe siècle, de Quicherat ou de Racinet pour se pencher sur cette partie de nos anciennes mœurs vestimentaires. C’eût été absurde sans doute : les costumes régionaux, portés par les contemporains, étaient prétendus immémoriaux ; on était ainsi dispensé ...

Pourquoi partir du vocabulaire pour traiter de caractérisation culturelle, de volontarisme identitaire, d’« emblématisation » vestimentaire ? D’une part, il n’est pas certain que l’on s’en soit toujours assez préoccupé et j’en retiens comme exemple une étude qui sera encore évoquée plus loin : dans un propos plus général sur la Calabre, l’auteur indique que la nouvelle bourgeoisie d’origine albanaise (immigration du XVe au XVIIe siècle) « affirm[e] [sa] fidélité à [ses] origines » en développ...

Pour comprendre le rôle joué par les costumes régionaux sur la scène au XIXe siècle, il est nécessaire en premier lieu de définir le costume de scène et de voir ensuite suivant quels processus le costume régional a pris place sur la scène. Le costume au théâtre : illusion ou réalité ? Pour tous les protagonistes d’un spectacle – auteur, metteur en scène décorateur, acteur –, le costume est une préoccupation majeure. C’est lui qui donne son sens au personnage et qui installe le spectateur dans...

Les observations qui forment le corps de cette présentation ont été faites à partir de vêtements anciens – le plus souvent du XIXe siècle –, retrouvés dans des familles du haut Maine depuis une quarantaine d’années, ou rassemblés par des collectionneurs sarthois. On peut penser que ces effets habillaient le dimanche des villageois modestes. En règle générale, ils sont solidement cousus à la main, confectionnés pour durer, si l’on en juge par la solidité des assemblages, la qualité et le choix...

L’usage des costumes régionaux, en Bretagne, a longtemps été un moyen d’exprimer les codes de la vie locale. Aux XIXe et XXe siècles, les bouleversements rencontrés par la société en ont provoqué le déclin. Dépréciés à la fois par les populations urbaines qui en ignoraient les codes sociaux, mais aussi par une partie de la population les utilisant, les costumes ont perdu de leur sens et sont devenus des pièces dont il était bon de se débarrasser. Plus tard, ils retrouvent un intérêt dans les ...

La chanson est une source pour ainsi dire totalement ignorée dans les études portant sur la connaissance du vêtement dans la France d’Ancien Régime. À partir d’un corpus d’anciennes complaintes en langue bretonne, il s’agit d’explorer les possibilités d’exploitation que réserve cette documentation méconnue, en mesurant sa richesse et ses limites et en confrontant son apport avec celui des sources écrites et iconographiques habituellement utilisées dans ce domaine. La chanson, grande oubliée d...

Progressivement rejetés de la culture des élites, au XXe siècle, pour n'être plus que des objets de divertissement folklorique, les costumes régionaux de l'ère contemporaine sont pourtant d'extraordinaires documents qui autorisent une entrée dans les cultures provinciales des deux derniers siècles, faisant apparaître ce que l'archive écrite, bien souvent, ignore. S'ils sont, dans la conscience collective, de bons marqueurs des espaces régionaux, leur dimension historique a été effacée, jusqu'à créer des images intemporelles prêtes à servir les tenants d'un « ordre éternel des champs ». Or ils n'ont cessé d'évoluer dans le temps, empruntant aux circuits économiques, épousant les attentes culturelles de ceux qui les portaient, marquant les distinctions sociales, puisque, la plupart du temps, ils étaient trop coûteux pour vêtir les plus humbles. Le défi relevé par les chercheurs qui ont contribué à cet ouvrage est de restituer aux costumes régionaux leur valeur de document historique. Cela suppose de les comparer à d'autres pratiques vestimentaires, de France ou d'ailleurs, de comprendre que les multiples récupérations dont ils ont fait l'objet doivent être identifiées, ou que les tris effectués parmi eux, n'ayant visé depuis longtemps qu'à la conservation des plus spectaculaires, ont déformé notre vision de leur passé. Nous devons aujourd'hui nous pencher sur les sources et produire aussi une histoire des regards portés sur les costumes régionaux, à la fois inséparable et distincte de celle qui concerne les costumes eux-mêmes. Fruit d'un travail pluridisciplinaire et international, l'ouvrage prend appui sur les développements les plus récents de la recherche menée au CNRS, dans les musées ou les universités. Ils conduisent à la formulation de questionnements nouveaux autour des costumes régionaux qui sont, pleinement, des objets d'histoire.

La Normandie occupe une place particulière dans une histoire de la découverte et de la reconnaissance de l’espace français : elle est, en effet, grâce à sa proximité avec Paris, la première région explorée. Une multitude d’études statistiques, de topographies médicales, de récits de voyages, d’ouvrages illustrés ou d’études archéologiques s’attachent à décrire, classer, expliquer les fondements naturels, humains et historiques de la province. Ces travaux émanent d’observateurs de la capitale,...

Les impulsions épiscopales Les évêques Le chapitre I du Décret de réformation générale de la session xxv du concile de Trente expose la tâche des évêques et la nécessité qui est la leur de constituer un modèle pour les clercs et laïcs de leur diocèse. Il leur est aussi « interdit absolument de chercher à enrichir leurs parents ou leurs familles au moyen des revenus de l’Église », et « ce qui, dans les bénéfices ecclésiastiques, a les apparences d’une succession héréditaire est chose odieuse »...

Étude de la Réforme catholique « au ras du sol », ce travail porte sur l’application concrète, à l’échelle locale, de ce vaste processus de transformation religieuse et culturelle, qui est l’un des principaux modes d’avènement de la modernité. 469 paroisses et trèves de Haute-Bretagne, relevant de trois diocèses différents, fournissent le terrain d’enquête, dans une région où la paroisse joue un rôle fondamental sur les plans religieux, culturel et social. En menant la recherche sur un temps long, du milieu du xve au milieu du xviiie siècle, l’on constate que la Réforme catholique et la culture paroissiale entretiennent des liens complexes dans lesquels les processus d’acculturation voisinent avec les phénomènes d’interaction. Cette complexité tient en partie à la diversité des acteurs (dont font partie les paroissiens), de leurs intentions et de leurs modes d’action. Le xvie siècle est une époque dynamique où apparaissent les prémices d’un changement que les troubles de la fin du siècle interrompent de façon temporaire. En effet, c’est dès les années 1610 que commence, sans réel décalage chronologique entre villes et campagnes, le grand siècle de la mise en œuvre de la Réforme catholique dans les paroisses, époque qui s’achève dans le premier tiers du XVIIIe siècle. L’ouvrage nous mène ainsi au cœur du changement, dans le quotidien de la vie paroissiale, traitant de l’architecture et de l’organisation de l’espace, des objets du culte et du luminaire, des retables et des tabernacles, de la statuaire et de la peinture, tout autant que des prédications et des missions, des confréries et de la Compagnie du Saint-Sacrement, de la confession et du catéchisme, des fondations de messe et de la gestion des biens des paroisses, insistant sur les dévotions et les pratiques, sur l’association entre liturgie, pastorale et sensibilité baroque, sans oublier la fonction sociale des presbytères, les questions de la maladie et de la mort, des miracles et de la fête, pour finir par une réflexion sur les survivances d’une culture héritée.

L’espace et le sacré Architecture et espace intérieur de l’église Beaucoup d’églises sont refaites, partiellement ou totalement, à la fin du xve siècle et dans la première moitié du siècle suivant, cette chronologie étant identique à celle qui a pu être établie pour d’autres régions de la moitié septentrionale de la France. Cette grande vague de travaux commence dans les années 1480 et il s’agit souvent, jusque vers les années 1540, de refaire l’ensemble ou presque du bâtiment, à commencer pa...

L’objectif de cette enquête était de mener une étude de la Réforme catholique « au ras du sol », qui permette de mieux connaître l’application concrète de ce vaste processus de transformation religieuse et culturelle. C’est l’échelle paroissiale qui s’est avérée la plus pertinente, car en ce pays d’habitat dispersé la paroisse se confond avec la communauté, la gestion de la fabrique y est d’ailleurs un facteur de constitution de la communauté paroissiale, tout autant que l’assistance à l’offi...

Les transformations de l’espace sacré Le renforcement du réseau des chapelles Grâce, essentiellement, aux pouillés et aux travaux des érudits du xixe siècle, Georges Provost a pu réaliser un inventaire des chapelles bretonnes qui ne se limite ni à celles qui ont subsisté jusqu’à aujourd’hui (car plus de la moitié des chapelles ont disparu), ni à celles qui sont représentées sur la carte de Cassini, bien incomplète en la matière. Comme lui, je choisis ici d’incorporer les enclaves de l’évêché ...

Les paroisses de trois diocèses haut-bretons Une région, des pays Aux xvie et xviie siècles, la région qui correspond aux diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo est la seule de la province à présenter un réseau urbain cohérent. Vers 1660, la population urbaine représente près de 20 % de la population totale. À cette date, seule Rennes, véritable capitale de la province, est une très grande ville, avec plus de 45 000 habitants. Régulièrement siège des États de Bretagne, qui subsistent de l’époq...

L’épiscopat et les tentatives de réforme Des évêques avant tout « politiques » et une gestion des diocèses plus administrative que réformatrice Du fait de leur autorité sur le clergé de leur diocèse, qui constitue à l’occasion un relais des autorités civiles, de leur rôle lors des États de Bretagne, notamment par l’exercice de la présidence de l’assemblée des trois ordres, et des ambassades qui leur sont parfois confiées, les évêques sont non seulement des hommes d’Église mais aussi, en quelq...