Introduction Les cytopenies au cours de la maladie lupique peuvent etre multifactorielles, notamment auto-immunes et toxiques. Le recours au G-CSF est volontiers prescrit dans le cadre de neutropenie chez les patients atteints de LES et est en general bien tolere. Pour autant celui-ci peut etre a l’origine d’exacerbations de la maladie, et occasionner des poussees severes. Observation Nous rapportons le cas d’une patiente de 36 ans ayant un lupus hematologique et cutaneo-articulaire, sur un terrain de seropositivite VIH, et dont l’evolution avait ete emaillee d’une poussee renale de classe V en 2015. La patiente avait presente des episodes d’œdemes angioneurotiques corticosensibles, avec C1inh et kininoformation normale, et positivite des Ac anti-C1q, DNA, Sm, survenus sous Cellcept® en decembre 2017, lequel avait relaye par azathioprine, ayant permis une remission de la maladie auto immune, malgre la persistance d’une anemie. Debut juin 2018, apparition d’une pancytopenie avec agranulocytose a 0,4 G/L de PNN. Le traitement associe alors hydroxychloroquinine 400 mg/j, Eviplera®, prednisone 10 mg/j et azathioprine 100 mg/j pour une patiente de 80 kg. Les donnees de la pharmacovigilance et le myelogramme sont en faveur d’une toxicite de l’azathioprine qui est arrete le 08/06/2018, et relaye par du Tacrolimus®. Le 12 juin, une injection de lenograstim est realisee en traitement de la neutropenie avec une bonne reponse des neutrophiles. Deux jours plus tard, apparaissent des arthromyalgies d’aggravation progressive, accompagnees d’episodes de fievre et sueurs. Le Tacrolimus® est arrete en attente de la tacrolemie, qui revient en zone therapeutique a 5 mg/L, l’evolution est favorable et les arthromyalgies regressent progressivement en 3 jours. Cependant, la neutropenie recidive jusqu’a 0,4 G/L le 23 juin motivant une reprise des injections de Granocyte® du 23 au 25 juin. Dans la nuit du 24 au 25 juin, reapparaissent des arthromyalgies diffuses intenses, associees a un erytheme du visage, mis sur le compte d’un syndrome pseudogrippal au lenograstim, qui est arrete. Il n’y pas d’atteinte renale. L’hydroxychloroquinine et Eviplera® sont poursuivis, la posologie de prednisone augmentee a 15 mg. La patiente rentre a domicile avec un rendez-vous de suivi. Reapparition des arthromyalgies, puis survenue le 5 juillet d’un episode d’angio-œdeme larynge sans detresse respiratoire mais necessitant l’hospitalisation de la patiente en unite de surveillance continue et l’administration de methylprednisolone I.V. avec relais oral a 1 mg/kg, et une injection de Firazyr®, sans amelioration. Ainsi, malgre la realisation de 3 boli de 1000 mg de methylprednisolone, persistance de la symptomatologie d’angio-œdeme labial recidivant, justifiant le recours au cyclophosphamide selon le protocole Eurolupus. A 6 semaines de traitement, les manifestations cutaneo-articulaires sont controlees et une decroissance cortisonique est debutee. Un episode de leuconeutropenie transitoire sous cyclophosphamide a necessite le report d’une perfusion a S4 ; le G-CSF n’a pas ete utilise. Discussion Le delai de survenue des arthromyalgies, de l’atteinte cutanee a type d’erytheme malaire puis d’angio-œdeme resistant aux corticoides, est en faveur d’une exacerbation de la maladie lupique, pour laquelle les donnees chronologiques rendent imputable le lenograstim. L’arret de l’azathioprine a pu favoriser celle-ci, mais le relais par tacrolimus et le delai de survenue de cette poussee corticoresistante ainsi que les symptomes arthromyalgiques des la premiere injection plaident en faveur de la responsabilite du lenograstim. Par ailleurs la persistance de manifestations d’œdeme angioneurotique menacantes a necessite le recours au cyclophosphamide malgre l’absence d’atteinte d’organe « noble », chez une patiente en periode d’activite genitale. Le role causal du lenograstim dans des poussees lupiques a deja ete rapporte dans la litterature, donnant volontiers lieu a des poussees severes comme l’illustre notre observation. Nous supposons que la reconstitution immunitaire suite a la sortie d’agranulocytose et la stimulation non specifique du systeme immunitaire liee au lenograstim (augmentation des lignees granuleuses mais aussi lymphocytaire et monocytaire), favorise par le deficit en C1q chez cette patiente sont les causes physiopathologiques de la poussee ; en effet, le role des PNN en interaction avec les monocytes, macrophages et lymphocytes dans la physiopathologie du lupus est bien etabli. Conclusion La balance benefice-risque du G-CSF, pierre angulaire de la prise en charge des neutropenies, doit etre soigneusement pesee dans le cadre d’une maladie lupique, devant le risque d’induction de poussees severes.