Cet article s’appuie sur une recherche doctorale ethnographique échelonnée sur 18 mois et effectuée auprès de résidents atteints de troubles neurocognitifs majeurs (de type Alzheimer ou autre) dans deux centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) à Montréal. Les données sont tirées de plus de 200 heures d’observation auprès de résidents (n=8) au dernier stade de la maladie (grabataires et ayant perdu l’usage de la parole), de photographies ainsi que d’entretiens (n=20) auprès de proches et de membres du personnel. Cette incursion dans l’univers des pertes cognitives sévères, alors que les personnes concernées ne sont plus en mesure d’exprimer elles-mêmes leurs besoins et leurs volontés, révèle la longue attente d’une mort imprévisible bien que toujours présente en filigrane, et parfois espérée. Elle met en lumière un rapport à la mort et à la fin de vie marqué par un sentiment d’impuissance et d’ambivalence, alors que les proches et le personnel peinent à faire sens de la condition actuelle et de la vie de ces résidents. L’article permet d’explorer le brouillage du statut de « vivant » qui s’opère dans ce contexte singulier de fin de vie, apportant une contribution novatrice aux réflexions québécoises entourant l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes inaptes., This article is based on an ethnographic research conducted over 18 months with residents suffering from major neurocognitive disorders (Alzheimer’s or others), in two long-term care centers (CHSLD) in Montreal. Data are drawn from more than 200 hours of participant observation with residents (n = 8) in the last stage of the disease (bedridden and having lost the use of speech), photographs as well as interviews (n = 20) with relatives and staff. This foray into the world of severe cognitive losses, where people are no longer able to express their needs and their wishes on their own, reveals the long wait for an unforeseeable yet always present, and sometimes awaited, death. It highlights a rapport to death and the end-of-life defined by feelings of helplessness and ambivalence, as relatives and staff struggle to make sense of the current condition and life of these residents. The article explores the blurring of the status of “living” which takes place in this singular end-of-life context, making an innovative contribution to Quebec’s reflections on medical aid in dying for incapacitated people., Este artículo se basa en una investigación doctoral etnográfica escalonada durante 18 meses entre los residentes con problemas neurocognitivos mayores (tipo Alzheimer u otros), en dos centros de alojamiento y atención de larga duración (CHSLD) en Montreal, Los datos provienen de más de 200 horas de observación entre los residentes (n=8) en fase terminal de la enfermedad (incapacitados o con pérdida del uso de la palabra), de fotografiás y de entrevistas (n=20) con familiares y miembros del personal. Esta incursión en el universo de las pérdidas cognitivas severas, cuando las personas ya no son capaces de expresar sus necesidades ni su voluntad, muestra la larga espera de una muerte imprevisible pero siempre presente y a veces deseada. Echa luz sobre la relación entre la muerte y el fin de la vida marcada por un sentimiento de impotencia y de ambivalencia, entre los familiares y el personal con problemas para darle un sentido a la condición actual y a la vida de dichos residentes. El artículo permite explorar la interferencia en el estatus de «viviente» que se opera en ese singular contexto de fin de vida, aportando una contribución innovadora a las reflexiones quebequenses en torno al acceso a la asistencia médica para morir para las personas ineptas.