Le présent article examine divers litiges portés devant les tribunaux aux États-Unis depuis le début de la pandémie du Covid-19 et la façon dont ils ont mis à l’épreuve la nature et les limites du pouvoir de l’État fédéral dans un système de santé publique qui a longtemps fonctionné comme un État dans l’État. La pandémie a révélé une tension entre deux conceptions des êtres humains, d’un côté en tant que sujets de la biomédecine, plus agis qu’agissants, et, de l’autre, en tant que sujets sociaux et politiques, agissants plutôt qu’agis. En vertu de ce que cet article nomme la « souveraineté sanitaire », les individus sont tenus de subir, au nom du bien commun, des restrictions possiblement sévères à leurs libertés et ils sont gouvernés par les mécanismes disciplinaires du biopouvoir tels que les a décrits Michel Foucault. Toutefois, ils peuvent, comme sujets sociopolitiques, se fonder sur le droit constitutionnel pour affirmer des formes de solidarité et exprimer des appartenances qui mettent au défi la tentative de réduire la vie à une réalité purement biologique. Aux États-Unis, de telles revendications de résistance ont mobilisé le droit de renoncer à un traitement pour des motifs religieux, les droits de réunion et d’association, ou encore le droit d’exiger du gouvernement qu’il justifie les utilisations qu’il fait de l’expertise. L’article rappelle d’abord comment aux États-Unis, la responsabilité de protéger la santé publique est partagée entre le gouvernement fédéral et les États. Il relate brièvement trois épisodes plus anciens durant lesquels la « souveraineté sanitaire » fut brandie contre diverses revendications relevant des libertés individuelles – cas de la vaccination obligatoire, du VIH-SIDA et de la tuberculose. L’article décrit ensuite trois arènes dans lesquelles la pandémie du Covid-19 a, elle aussi, suscité des conflits entre la santé publique et la liberté individuelle : les élections ; la liberté de religion ; l’étendue du pouvoir exécutif. L’analyse menée met en lumière le fait que la liberté individuelle peut être utilisée soit pour promouvoir soit pour limiter l’expression du politique en substituant l’expertise judiciaire, fondée sur le droit, à l’expertise de l’exécutif en matière de santé publique. Finalement, la réflexion sur le droit aux États-Unis doit encore développer des modes de raisonnement permettant de trouver de façon cohérente un équilibre judicieux entre la liberté personnelle et les exigences de santé publique. This paper discusses the diverse grounds on which litigation during the Covid-19 pandemic tested the nature and limits of power in a public health system that has long functioned like a state within a state. The pandemic revealed a tension between human beings as biomedical subjects, more acted upon than acting, and as social and political subjects, more acting than acted upon. In the regime of what this paper calls public health sovereignty, people are required to observe potentially severe restraints on liberty in the name of the common good and are governed by the disciplinary mechanisms of biopower described by Michel Foucault. As sociopolitical subjects, however, people can use the competing apparatus of constitutional law to assert solidarities and express affiliations that challenge the reduction of life to the purely biological. In the United States, such resisting claims have included the right to forego treatment on religious grounds, the rights of assembly and association, and the right to demand accountability for the government’s uses of expertise. This paper first describes the landscape of US health and safety regulation, in which responsibility for public health protection is divided between the federal government and the states. It offers a brief history of three earlier episodes that pitted public health sovereignty against claims of individual liberty: compulsory vaccination, HIV/AIDS, and tuberculosis. The paper then looks at three arenas in which the Covid-19 pandemic has given rise to conflicts between public health and individual liberty: elections, religious freedom, and the scope of executive power. The paper demonstrates that the apparatus of liberty can be used either to promote or to constrain political expression by substituting judicial expertise in law for executive expertise in public health. The paper concludes that American legal thinking has yet to develop modes of reasoning that will consistently strike a judicious balance between claims of personal liberty and the demands of public health.