Cet article introductif se propose d’explorer a travers un grand nombre d’exemples – pour la plupart issus du cinema hollywoodien contemporain – les implications esthetiques et narratologiques de l’hypothese selon laquelle la figuration de l’ecrivain, de l’acte d’ecriture et de l’objet livre constituerait, dans le cinema dominant du moins, une sorte de paradoxe. En effet, bien que le cinema ne soit pas avare en figures de romanciers ou de poetes, le film narratif s’accommode mal du deficit en termes de spectaculaire et d’action qu’implique la monstration de l’ecrit, et developpe en general des strategies narratives visant a nier la materialite du texte. Ainsi, les realisateurs et scenaristes exacerbent la dimension orale du verbal, optent pour des motifs comme la panne d’inspiration de l’ecrivain (examinee notamment dans Shining, Stanley Kubrick, 1980, et La fenetre secrete, David Koepp, 2004), associent l’ecrit a un personnage qui le met en actes (La neuvieme porte, Roman Polanski, 1999 ; Le livre d’Eli, Albert et Allen Hughes, 2010) ou transforment, dans des biopics qui tendent a la « biofiction », le contenu de l’œuvre d’un auteur en un monde. Ce dernier cas de figure est en particulier envisage a partir de deux films : Kafka (Steven Soderbergh, 1991) et Le festin nu (David Cronenberg, 1991). Cette etude permet de revenir dans une optique renouvelee sur des questions qui ont trait a l’adaptation d’œuvres litteraires et a la mise en abyme.