Tamtok, qui n’a pratiquement pas fourni d’archéologie préclassique, n’a commencé d’exister comme village qu’au début de notre ère. Après quoi ce village semble avoir passé dans la paix et la prospérité les six siècles de l’époque classique sous l’hégémonie de la grande métropole qu’était alors Teotihuacán.Les deux grandes stèles-statues dites de Piedras Paradas témoignent de la richesse du village et de l’importance de ses activités religieuses. L’offrande dédicatoire de ces deux stèles-statues a été datée par le carbone 14 de 482 après J.-C. (± 50 ans). Cette date se situe dans la phase Xolalpan précoce, où Teotihuacán était encore au faîte de sa puissance et de son rayonnement.Lors des premiers siècles de notre ère et de la période classique ancienne, il semble que les Indiens Huastèques occupaient depuis longtemps, non seulement la grande région qui porte leur nom, mais aussi, plus au sud, la Sierra Nord de Puebla et les régions côtières atlantiques voisines depuis Papantla jusqu’à Nautla, dans l’état actuel de Veracruz. Ces Huastèques créèrent alors, selon Wilkerson (1987), l’ancienne civilisation du Tajín, qui avait son centre au site de ce nom, près de Papantla, mais avait aussi plusieurs centres secondaires régionaux. La fameuse pyramide aux niches du Tajín daterait de 600 après J.-C., mais elle eut presque aussitôt une copie médiocre à Yohualichan, centre religieux des Huastèques dans la Sierra de Puebla. La civilisation du Tajín s’étendit plus tard jusque dans les plaines côtières du centre de l’état actuel de Veracruz. Ce fut là, semble-t-il, que se développa une tradition artistique apparentée à celle du Tajín et qui créa des éléments culturels très caractéristiques connus sous les noms de « jougs », de « haches » et de « palmes » en pierre. Ces éléments se diffusèrent amplement à l’époque classique récente ou finale, apparemment par la voie commerciale. Ils atteignirent alors la Huasteca, la région de Río Verde et même la zone de la Sierra Gorda de Querétaro où l’on exploitait alors des mines de cinabre rouge. On a trouvé des « jougs » et des « haches » en pierre jusque dans le sud du Guatemala.Au cours duVIe siècle commença une période troublée durant laquelle Teotihuacán perdit son hégémonie et finit même par être incendiée vers 650 après J.-C. Le site de Tamtok se dépeupla et fut abandonné à une date et dans des circonstances que nous ignorons. Tamtok semble être resté inhabité pendant près de 900 ans. Au cours de cette longue période, le sud de la Huasteca fut le siège d’événements importants et surtout de plusieurs déplacements de peuples qui aboutirent, pour la plupart, au retrait ou à l’éviction de la langue huastèque.Ce fut en effet au cours de la période qu’on peut qualifier de toltèque, que les Totonaques qui étaient installés depuis leIXe siècle dans la Sierra Nord de Puebla, s’étendirent vers l’est jusqu’à la côte atlantique. Selon Wilkerson (1987, p. 23), ils arrivèrent vers 1100 après J.-C. dans la région de Papantla, où ils détruisirent la civilisation huastèque du Tajín et sans doute éliminèrent l’usage de la langue huastèque.La chute de Tula, vers 1175 ou 1179, marqua la fin de l’hégémonie toltèque et le début d’une nouvelle période troublée. Peu après, et surtout au début duXIIIe siècle, des hordes de Chichimèques semi-barbares, venus des régions occidentales de Chicomoztoc, envahirent le Mexique central et parvinrent jusqu’au sud de la Huasteca où ils s’emparèrent notamment des plaines qui s’étendent à l’est et au sud-est de Chicontepec. Ils introduisirent là l’usage de leur dialecte náhuatl qui y est encore parlé de nos jours. Là aussi, la langue huastèque se vit éliminée peu à peu.Les Huastèques, qui étaient les plus anciens habitants de toute la région, furent les plus affectés par les déplacements de peuples. Un groupe d’entre eux, qui vivait dans le sud-est de la Huasteca, fut même obligé d’émigrer, à une date et dans des conditions que nous ignorons. Leur exode de plus de 800 km les amena finalement jusqu’au village de Chicomucelo, dans le sud de l’état actuel du Chiapas, où leur langue continua d’être parlée, sous le nom de cotoque, jusqu’au début duXXe siècle.La grande région occidentale qui est devenue l’actuelle Huasteca Potosina était jadis entièrement huastèque. Mais les municipes actuels de Jaltocán et de San Felipe Orizatlán et au-delà jusqu’à Chapulhuacanito, en direction de San Martín Chalchicuautla, furent envahis par les descendants des Nahuas venus d’abord à Huejutla et qui étendirent ainsi le domaine de leur dialecte nahuat.Plus à l’ouest, Tamazunchale garda un nom huastèque, mais il semble que ses Indiens furent submergés, dès leXVIIIe siècle, par l’arrivée de montagnards venus du nord de l’ancien royaume de Meztitlán et qui parlaient un dialecte náhuatl. Lusage de ce dialecte s’étendit ensuite vers le nord, par Matlapa, Chalco, Axtla, Coxcatlán jusqu’à gagner la moitié méridionale des municipes actuels de Tampamolon et de Tanquián. Ce serait d’ailleurs une erreur de croire que les Indiens ont profondément changé de culture. La plupart d’entre eux semblent avoir conservé leurs anciennes traditions et croyances huastèques.Il nous reste à mentionner brièvement les lointaines origines otomís de la province aztèque, puis espagnole de la province d’Oxitipa qui s’étendit sur une grande partie de l’actuelle Huasteca Potosina et comprit le site de Tamtok. Au cours duXIIIe siècle des Otomís partis du Haut-Plateau, très au nord de Toluca, s’unirent aux Otomís du Mezquital pour aller fonder des villages dans la région dite de Quetzalapan ou de Macuilxóchitl, alors faiblement peuplée par des Chichimèques Pames. Partant de là, ils firent ensuite la conquête d’une grande partie de l’actuelle Huasteca Potosina et formèrent là une province dite d’Oxitipa, qui payait tribut au roi Otomí de Xaltocan.Dans la première moitié duXVIe siècle, la province d’Oxitipa fut l’objet de deux guerres de conquête, l’une menée par Moctezuma en 1513 ou 1514, l’autre par Cortés en 1522-1523. Les textes anciens qui parlent de ces deux guerres ne font aucune mention de Tamtok, site où, par ailleurs, n’a été trouvé aucun objet, ni aucune arme d’origine européenne, comme si ce village avait été abandonné ou dépeuplé avant la fin duXVe siècle.Quoi qu’il en ait été, on a de la peine à s’expliquer comment ce village a pu se dépeupler subitement, sans avoir été systématiquement détruit et saccagé. Nous croyons pouvoir, à ce sujet, envisager l’hypothèse d’une attaque soudaine lancée contre Tamtok par des Chichimèques de la Sierra de Tanchipa. Dans un tel cas, il aurait été possible que les habitants Huastèques aient été totalement surpris et massacrés sur place ou obligés de s’enfuir sans même avoir pu emporter leurs idoles. On peut aussi croire que les Chichimèques aient aussitôt abandonné leur conquête par crainte de représailles des Huastèques de Tamuín ou d’ailleurs. Rappelons, à titre de comparaison, que Tanchipa, important village de la Sierra Madre Orientale, fut détruit et abandonné, en 1666, après le massacre de sa petite garnison espagnole.