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Orion brillait dans le ciel californien Sa flèche au-dessus de nos têtes Que transperçait-elle ? L’Hôtel de Londres conservait une signature Qui faisait signe au pays de Galmot À qui ? Qui visaient ces signes ? Ceux qui savent lire. Méditer Animer Orienter Rassembler Nos rencontres Nous les lui devons À Claude Sentiments fraternels En toute sororité

Poèmes I Et tu vas nu Le regard nu Depuis ton cœur inavoué Simple faisceau de pleins et de déliés Tes pleurs anciens tenus en laisse La beauté ce matin est un trou sur le vide Il n’y a rien dans l’absence de masque Sauf cette peine d’enjamber tant de blanc. La pureté pourtant a les dents noires L’effarement est formidable Et tu as peur Et l’énergie fugace déplie ses membres jeunes Ô nudité Es-tu rencontre ? Et l’on ne sait quel œil encercle l’aventure ? II. La cavalière indemne Pressoir du pa...

Je dis « Kessel », et aussitôt se lève… l’évidence partagée d’une image. Cette image, je la cherche, j’ouvre l’album de photographies, je feuillette. Où est-il ? Sur celle-ci, par exemple, parue dans Le Matin en 1930 lors du reportage en Abyssinie. À peine le reconnaît – on : si juvénile, un rien timide, angélique presque. Quelle surprise ! Est - ce donc là « la belle bête sauvage » que voit en lui Jean Cabanel à même époque ? On n’aperçoit pas même les trois rides frontales, ces signes parti...

Automne, c’était l’automne déjà. Et déjà la forêt, une fois encore. Les fûts seulement dardaient plus minces, le regard les saisissait, plus confiant, par le milieu de leurs corps grêles, verruqués, et c’était toujours, on ne sait pourquoi, la brume au-devant des yeux, comme si un matin perpétuel eût flotté, insensible, sur les fougères. On t’a souvent imaginé toi-même, montant et descendant alors tel un autre arbre, luisant et fort à travers la décrépitude passagère des choses. Il y faut un ...

Le mythe de la passante est une histoire de rencontres, comme Claude Leroy sait les raconter ou les provoquer. Pour reprendre la métaphore de la bouteille à la mer, inscrite dans son livre, je dirais que de séminaires en articles et en livres, il s’agit toujours pour le maître et ses élèves de suivre le sillage souvent capricieux laissé par les textes, ceux que lancent des écrivains, incertains s’ils atteindront jamais un quelconque lecteur. Quant à celui qui attend si élégamment, « un sonnet...

Comme il arrive pour toutes les créatures d’amour, Achoura se sentit naître à une vie nouvelle. Il lui sembla n’avoir jamais vu le soleil dorer la crête azurée des montagnes et la lumière se jouer capricieusement dans les arbres touffus de la montagne. Parce que la joie était en elle, elle sentait une joie monter de la terre, comme elle alanguie en un éternel amour. Achoura est le personnage d’une nouvelle d’Isabelle Eberhardt (1877- 1904), intitulée « Portrait de l’Ouled Naïl ». L’auteur nou...

La Passante, on le sait, est un mythe de la grande ville, et en particulier un mythe parisien ; comment Gourmont, flâneur des deux rives, arpenteur inlassable des quais aurait-il pu ne pas la croiser ? Cette figure de l’écrivain prend elle-même une dimension mythique, au point que lorsqu’on croise les portraits de Gourmont faits par Apollinaire et Cendrars, on peut presque y voir une incarnation masculine de la passante. Dans les deux cas, le motif de l’inconnu ouvre le portrait. Apollinaire,...

Une passante ? « L’amour en traversant les âges marque d’actualité les événements qu’il touche. » : ainsi commence Madame de, le beau récit que Louise de Vilmorin écrit en 1950. Dans le souvenir lointain de La Princesse de Clèves, l’attaque de l’œuvre isole une phrase en forme de maxime, sorte d’hommage aux moralistes classiques ou au roman psychologique à la française. Puis séparé par un blanc, le récit commence – qu’un critique résume en ces termes : Madame de, obligée de payer quelques det...

Villiers de L’isle-Adam « chez les passants » « Chez les passants » : ainsi pourrait s’appeler l’univers où évoluent les personnages de Villiers de L’Isle-Adam. Si cette expression donne son titre au recueil que l’écrivain avait préparé juste avant sa mort, et qui parut en 1890 quelques mois seulement après celle-ci, elle s’applique aussi sans difficulté à l’œuvre de Villiers de manière plus générale, qui abonde en passants en tous genres : le narrateur de « L’Amour suprême », un conte recuei...

Il ne semble pas excessif de dire que, dès le début, Gaston Bachelard situe sa réflexion sur la littérature sous le signe de la rencontre heureuse et souvent fortuite avec le poète dans l’acte de la lecture. Cette lecture sympathique, bienveillante et, avec le temps, de plus en plus onirique lui paraît la seule voie possible pour rencontrer l’écrivain afin d’entamer le dialogue, d’échanger des émotions, bref de communiquer réellement avec son œuvre. Sensible au phénomène de « la primitivité p...

Blues in the Night On n’a jamais accès qu’à des lambeaux de souvenirs. Depuis quelque temps, la silhouette et le visage de Montesquiou dans la cour du lycée Condorcet me reviennent en mémoire. Sa silhouette élancée, son épaisse tignasse blond doré, ses costumes élégamment fatigués, son visage d’ange aristocratique et ses longues mains. Il était le seul élève avec qui je pouvais parler de jazz le matin, en attendant le signal de la reprise des cours. Il s’était toujours procuré les derniers di...

C’était en novembre 2001, lorsque les archives de Berne ouvrirent leurs portes à une jeune doctorante dont le seul avantage était de savoir lire le russe. Mon ambition était alors d’écrire une thèse sur Blaise Cendrars et la Russie, et je traquais le moindre détail qui les rapprochait, avec l’infatigable enthousiasme qu’on ne peut avoir qu’à vingt-deux ans. Le travail fut gratifiant, les preuves accusant Cendrars de russophilie étant très nombreuses. Les fiches de lectures, les lettres qui té...

Du plus près, il y a cette forme d’élocution douce et suave qui n’est en quelque sorte adressée à personne, même si l’interlocuteur en tire le plaisir d’une écoute agréable. Douceur et suavité manifestent plus exactement le bonheur que Claude éprouve sans doute à l’usage des mots et de la langue, une espèce de jubilation contenue de la parole, une jubilation si intense qu’elle se doit particulièrement d’être contenue… Ainsi parle-t-il du bout des lèvres, littéralement il ne crache pas ses mot...

« il y a des fantomes plein l’ecran », déclare Philippe Sollers après sa première vision des Histoire (s) du cinéma de Jean-Luc Godard, de ce film somme, tombeau, apocalypse, dont Francis Vanoye en 2004 relevait le caractère mortuaire en s’interrogeant sur le postulat godardien de l’effacement, au tournant du siècle, de « la capacité subversive du cinéma [.] devant la puissance du contrôle des images », de l’effacement, donc, du moderne. « Le temps d’Alphaville est arrivé », résumait Francis ...

La haute littérature médiévale est riche en rencontres inoubliables que les plus grands poètes n’ont pas dédaigné de méditer, d’imiter et de récrire. Paolo et Francesca immortalisent le baiser de Guenièvre, lu dans le Lancelot en prose. La rencontre de Tristan et d’Iseut sur le sol de l’Irlande est sans doute à jamais perdue, mais grâce à un fragment récemment retrouvé de Thomas d’Angleterre, nous pouvons lire au moins quelques bribes de leur premier aveu. Souvent, la rencontre est placée sou...

Quand parut l’annonce de l’Encyclopédie de la Pléiade, en 1954, le nom de Diderot fut un peu partout associé à celui de Queneau, et les préoccupations consignées par ce dernier dans Bords montrent d’ailleurs que l’expérience du premier encyclopédiste avait nourri, peut-être plus qu’on ne le croit, le projet du second. Plus récemment, à l’étude de la postérité donquichottienne dans les romans du « self-conscious genre », Robert Alter évoquait les romans de Sterne et Diderot avant ceux de Fowl...

En 1974, rien. En 1975, je reçois d’elle (le 13 février) un message indéchiffrable – isolé, trop lointain. Pendant deux ou trois ans, je crois déceler entre mes documents des discordances, des battements par intervalles. Je suis engagé dans une recherche importante, raisonnable et utile, rattachée à un projet collectif. Je ne vais pas quand même pas m’en laisser détourner par ça. Mais le premier trouble ne m’a plus quitté – un doute y reste tapi. Fin 1977, je tombe sur le témoignage d’un autr...

Qui eut l’idée de demander à Albert Camus de donner une préface aux Œuvres complètes de Roger Martin du Gard dans la Bibliothèque de la Pléiade ? Peut-être Martin du Gard lui – même. « Camus a accepté de faire une Introduction », note-t-il seulement dans son Journal le 17 janvier 1955. Les nombreux états préparatoires du texte conservés au Fonds de la Bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence attestent que Camus y a mis du cœur. Il l’a fait savoir à Martin du Gard, qui lui écrit le 30 mars : [.....

La rencontre est un phénomène où l’aléatoire peut s’imposer de façon décisive sous la forme d’un coup de dés dont Mallarmé a prétendu que « jamais [il] n’abolira le hasard ». Évidemment, les « rencontres » sportives ou politiques organisées selon des programmes minutieusement mis au point, quelquefois des années à l’avance, laissent entendre que le hasard effectivement y aura peu de place. Mais on sait à quel point le diable peut en détourner le sens, les objectifs, les résultats, voire le dé...

Regardant défiler « la longue théorie de promeneuses éphémères et fascinantes », Claude Leroy recense nombre de textes de Breton, d’Aragon, de Desnos, de Soupault, jusqu’à Mandiargues. Nadja qui « sourit mystérieusement », qui met en scène ses apparitions-disparitions sur les parcours de Breton et semble au moment le plus intense de leur relation se matérialiser brusquement quand la pensée de Breton la convoque, se définit elle-même comme une « âme errante » et se dessine en sirène, Mélusine ...

C’est par une lettre audacieuse, envoyée en 1923, que le jeune critique franco-belge Géo-Charles entre pour la première fois en contact avec Blaise Cendrars : il vient tout juste de publier son premier recueil de poèmes - Sports - qu’il souhaite soumettre à un avis éclairé. Il lui faut cependant attendre quelques semaines avant de recevoir, non sans une certaine impatience, une réponse à la fois élégante et constructive. Le poète manchot, avec son style bien à lui et ses métaphores suggestive...

Dans le très beau livre qu’il a consacré au Mythe de la passante, Claude Leroy évoque l’enquête menée, à l’initiative de Breton et d’Éluard, sur la « rencontre capitale ». En tête du palmarès (on s’en serait douté), la rencontre avec l’être aimé. Dieu est plutôt absent des réponses, sauf dans celle, humoristique, de Max Jacob : « Dieu sur mon mur, 7 rue Ravignan, le 28 septembre 1900, à cinq heures de l’après-midi ». Si Claudel avait été consulté par ses ennemis jurés, il aurait à coup sûr fa...

I Le récit court allègrement, avec la fraîcheur, la vivacité, l’évidence d’un ruisseau de montagne. Me laisserai-je une nouvelle fois prendre à son charme ingénu ? En quinze chapitres brefs se dévide la vie du personnage le plus célèbre qu’ait créé le septième art. Du berceau à la tombe, nous le suivons à travers monts, vallées et villes, nous l’accompagnons dans ses émerveillements et ses déconvenues, partageons ses joies, nous alarmons de ses inquiétudes, contractons sa mélancolie. Quel adm...

Je saisis au vol l’opportunité que m’offrent Myriam Boucharenc et Marie-Paule Berranger de te remercier d’un présent, dont je fus la destinataire éminemment distinguée, quoique parmi cent, mille autres, je n’en doute pas. Tu n’as pas seulement écrit Le Mythe de la passante, tu y as théorisé un art que tu pratiques sans égal : celui de redonner aux femmes leur allure souveraine, leur incognito, leur droit – voire leur devoir – de disparition. Rares sont maintenant, parmi nos bien chers collègu...

Chapitre I « Blaise-sans-bras… » témoigne des premiers rencontres entre Claude et moi. Cette communication, présentée voici maintenant plus de 23 ans, au « International Colloquium on Twentieth Century French Studies » qui se tint dans les divins « colleges » de Claremont, en Californie, ne fut jamais reprise en volume. Nous sommes en 1988, du 5 au 7 février plus précisément, six mois après la première grande rencontre des cendrarsiens à Cerisy-la-Salle, et on peut lire mon compte rendu anecd...

Aval Le pouvoir d’un texte se mesure à la marque qu’il laisse dans la langue. Il impose un vocabulaire, une manière, un point de vue. On peut s’en assurer par une enquête systématique. Claude Leroy a parfaitement dessiné l’imaginaire ouvert par le sonnet de Baudelaire. « À une passante » suppose un espace urbain, un scénario de la rencontre, une érotique du regard et de la rêverie, une métaphysique de l’instant et de l’éternité. À défaut d’autres perspectives, une flânerie répétée dans le fou...

Il est fort improbable que Blaise Cendrars et René Char se soient un jour rencontrés et si cela même était arrivé, il est fort à parier que cela se serait traduit par le même mutisme de part et d’autre que lorsque James Joyce rencontra un jour Marcel Proust. Peut-être valait-il mieux qu’il en fut ainsi : leurs caractères très fermes et leurs verbes incisifs, malgré l’élégance courtoise dont ils pouvaient faire montre par ailleurs quand ils le jugeaient bon, auraient scellé entre eux une broui...

Le poème Le Panama ou les Aventures de mes sept oncles se clôt avec l’indication « Paris et sa banlieue », suivi de quinze noms de lieux fixant diverses phases de création entre juin 1913 et juin 1914. Cette liste imposante ne saurait être concurrencée, mais il est un bref récit de la bibliographie cendrarsienne qui a presque autant circulé, tout en occupant son auteur durant quatre ans, entre 1925 et 1929 : Une nuit dans la forêt. Sous-titré « premier fragment d’une autobiographie », ce réci...

Gabrielle Althen. Sous le nom de Colette Astier, professeur émérite de littérature comparée à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, ses travaux se sont répartis selon deux orientations principales, la narration (roman, mythe, meurtre), et, d’autre part, la poésie et la poétique ; sous le nom de Gabrielle Althen, elle possède une œuvre, de poésie et de prose (poèmes, roman, nouvelles, essais). Elle réunit actuellement ses articles universitaires sur la poésie pour les faire paraître so...

Chexbres « En ce temps-là, j’étais en mon adolescence ». J’allais vers mes quinze ans ; déjà je ne me souvenais que trop d’une enfance qui ne cessera de me harceler. J’étais à Chexbres, gros village en bordure du Dézalay, sur les aplombs du lac Léman. Nous habitions à l’Hôtel Cécil, grand chalet en bois nanti d’un agréable jardin. Le calme y régnait, au grand contentement des pensionnaires. De la terrasse, je pouvais observer, interminablement, la carte postale panoramique des Alpes où pointa...

L’hospitalité fait partie des représentations les plus étroitement associées au Brésil, et plus précisément à l’identité brésilienne. Qui plus est, il s’agit d’une représentation permanente ; depuis le xvie siècle, elle ne s’est jamais démentie, en particulier aux yeux des voyageurs français. Cette permanence comporte des inconvénients, notamment pour une étude comme celle-ci, dans la mesure où la difficulté n’est pas de trouver des textes qui traitent de l’hospitalité au Brésil, mais plutôt ...

« Au séminaire » se croisaient khâgneux, normaliens, étudiants parisiens et provinciaux, futurs agrégatifs et jeunes chercheurs dont beaucoup sont entrés dans les ordres de la culture, de l’université ou de l’écriture. La plupart suivent encore, à distance muette ou bavarde, l’évolution des autres avec la bienveillance de ceux qui ont partagé une même expérience : le séminaire de Claude Leroy. Le séminaire était le lieu d’un partage des savoirs au plus près de l’actualité littéraire. Il fut, ...

I Dans la galerie des portraits de femmes dans la production de Cendrars on rencontre d’abord des figures de femmes empruntées au modèle symboliste : cela est évident dans des œuvres poétiques comme Séquences ou Pâques mais aussi dans des textes en prose comme Moganni Nameh. Dans ces portraits ne manquent pas les détails qui mettent en relief les fonctions fondamentales de l’aspect physique de la femme et de ses vêtements. Dans Moganni Nameh, un « roman » contemporain de Séquences, José, le h...

C’est le passage plutôt que la rencontre qui fournit le leitmotiv de l’œuvre (et de la vie) de Walter Benjamin ; mais les deux phénomènes sont liés dans son esprit par une ligne de lectures qui va de Baudelaire à Aragon et que l’on va suivre tout au long de cet essai. Benjamin a été un « passeur de langues » – médiateur entre les cultures allemande et française, traducteur et théoricien de la traduction –, il est l’auteur, le compilateur, l’archéologue passionné du Livre des Passages, et à la...

se proposer d’étudier la scène de première vue dans des ouvres théâtrales du xviie siècle peut apparaître comme une gageure alors que Jean Rousset déclare dans l’introduction de Leurs yeux se rencontrèrent : « La première rencontre appartient pleinement au roman ». Le critique estime que la méthode de la dramaturgie classique s’y révèle peu favorable, la renvoie forcément au passé et consacre peu de mots à son évocation ; comme on pouvait s’y attendre, il cite alors Phèdre, mais aussi le peti...