1. Plutarque (Thém. 24) transpose Thucydide (I 136) : de l’harmonie austère au péan delphique. Pragmatique et rythmique de deux modes de composition stylistique
- Author
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Sophie Minon
- Subjects
Archeology ,History ,Visual Arts and Performing Arts ,τραχύς ,Thucydide ,style ,saillance ,rythme créto-péonique et dactylo-trochaïque ,rudesse ,Quintilien ,prose d’art ,pragmatique ,Plutarque ,période ,péan delphique ,pastiche ,ostinato ,ordre des mots ,obscurité ,micro-poétique ,membre ,hyperbate ,hiatus ,Hermogène ,harmonie austère ,focalisation ,esthétique ,écriture ,entrelacs ,dislocation ,Denys d’Halicarnasse ,Démétrios ,déclamation ,côlon ,clausule ,Cicéron ,binôme synonymique ,baroque ,Aspérité ,Amyot ,Classics - Abstract
We try in this essay to create the basis for a method of stylistic analysis aiming to recreate the micro-poetics of literary prose. The analysis being here conducted on the cola of a few Thucydidean periods and their transposition in Plutarch’s Life of Themistocles offers its first results. Since the way to organize the placement of the verb and its arguments in relation to each other inside the members is mostly a matter of language, it is not so different from one author to the other despite of the complexity of Plutarch’s period ; but the identification of metric clausulae and rhythmic formulae, sometimes recurring as echoes, and even by Plutarch as the so-called ostinato, is a proof of the importance of rhythmic concern for both of these authors. The pragmatic efficiency that rules over communication regulates, yes, the distribution of informations and organizes the speech framework. But its micro-structuration is stylistic : expressive salience and rhythmic aesthetics have been sought at members and period levels, and are closely connected to each other by Thucydides and even more by Plutarch. There is thus strong evidence that the ‘ scabreuse asperité’ which made Plutarch’s writing so difficult in the eyes of his translator Amyot would be related to Gr. ‘ τὸ τραχύ’, a rhetoric term which mainly specifies the ‘ austere harmony’ as being made of strong placements of words and spacing between them. Both authors practice the dangerous hyperbaton, but meaning and strength may almost get lost by Plutarch, when he practices it so systematically that he interlaces words sometimes even from a member to the other. Particularly at this time the dactylo-trochaïc cadence gives way to the hymnic creto-peonic rhythm, which enhances the meaning to the point of taking precedence over it : prose becomes thus poetic. The harmony of such effects proves that written composition was then based on proferation., Nous tentons dans cet essai de poser les bases d’une méthode d’analyse stylistique pour reconstituer la micro-poétique de la prose littéraire. Les analyses menées ici sur les membres de quelques périodes de Thucydide et sur leur transposition dans la Vie de Thémistocle de Plutarque en offrent les premiers résultats. La façon d’ordonner le verbe et ses arguments à l’intérieur de la période relève pour l’essentiel de la langue et n’est donc pas propre à nos deux auteurs. Elle est cependant sensiblement plus subtile chez Plutarque du fait de la fréquente complexité de sa période, aux membres souvent plus nombreux que chez Thucydide et par surcroît subdivisés en sous-membres ; chez l’un et l’autre, la mise en évidence de clausules et de formules métriques, avec des récurrences sous forme d’échos, voire d’ostinato chez Plutarque, prouve l’importance de la recherche rythmique. L’efficacité pragmatique qui régit la communication régule, certes, la distribution des informations et organise la trame du discours. Mais sa microstructuration relève du style : c’est au niveau des membres et de la période que se jouent saillance expressive et esthétique rythmique, et qu’elles ont partie liée chez Thucydide et bien plus encore chez Plutarque. Il y a alors tout lieu de penser que la «scabreuse asperité » responsable de la difficulté de cet auteur aux yeux de son traducteur Amyot ait à voir avec τὸ τραχύ qui, chez les rhéteurs, définit principalement l’harmonie austère en termes de placements forts et de séparation de mots : la pratique risquée de l’hyperbate réunit en effet Thucydide et Plutarque, mais le sens et la force s’y perdent presque chez ce dernier lorsqu’il la systématise en entrelacs de mots qui débordent parfois d’un membre sur l’autre. C’est notamment à ces moments que la cadence dactylo-trochaïque le cède au rythme hymnique créto-péonique et que celui-ci rehausse le sens jusqu’à prendre le pas sur lui : la prose devient ici poétique. L’harmonie de tels effets apporte la preuve que la composition écrite repose alors sur la profération., Minon Sophie. Plutarque (Thém. 24) transpose Thucydide (I 136) : de l’harmonie austère au péan delphique. Pragmatique et rythmique de deux modes de composition stylistique. In: Revue des Études Grecques, tome 128, fascicule 1, Janvier-juin 2015. pp. 29-99.
- Published
- 2015