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Les entreprises d’économie sociale (EÉS) se développent typiquement en marge des logiques économiques dominantes: acteurs alternatifs, activités émergentes, aspirations démocratiques, accessibilité pour des travailleurs exclus ou pour des consommateurs avant-gardistes, développement de localités fragiles sur le plan économique et social, etc. Ces créneaux sont peu attractifs pour la finance traditionnelle qui ne sait pas comment évaluer son risque dans de tels projets. Ainsi, les EÉS ont peu accès aux outils financiers traditionnels, qui sont peu adaptés pour les entreprises d’économie sociale, qu’elles soient en phase d’émergence ou de changement d’échelle. Nous avons analysé le cas d’une institution de la finance solidaire (IFS) qui intervient comme prêteur de capital de développement auprès des EÉS. Notre étude s’intéresse au rôle et à la pertinence de cette IFS dans l’écosystème d’innovation sociale en économie sociale au Québec. À travers l’analyse des données provenant des différentes sources (dossiers de financement, données secondaires d’accès public et entretiens avec les acteurs concernés), nous avons étudié les effets des interventions de cette IFS sur les EÉS financées, notamment l’effet de sélection des projets, l’effet de traitement des dossiers et l’effet de mobilisation ou de levier sur les montages financiers associés aux projets. Nos résultats montrent que la sélection des projets cible des EÉS ayant des rôles typiques de l’économie sociale, soit la réponse à des besoins économiques et à des aspirations non comblés (Ben Ner et Van Hoomissen, 1991; Lévesque, 2012), la délégation de services publics (Hansmann, 1980; Weisbrod, 1988), la constitution de contrepouvoirs de marchés (Vienney, 1994). Le traitement des dossiers conduit des effets d’accompagnement des porteurs de projets, qui renforcent ce faisant l’équilibre stratégique entre la viabilité de l’entreprise et celle de l’association qui en assume la gouvernance (Desforge, 1980; Vienney, 1994). La mobilisation des partenaires financiers confirme le rôle de l’IFS étudiée sous l’angle de la faille de financement, mais aussi des effets de partenariat. Ces derniers étant nécessaires au fonctionnement d’un écosystème d’accompagnement et de financement de l’économie sociale (Rodert et Zvolská, 2015). Cette étude montre l’effet systémique d’une IFS comme composante essentielle d’un écosystème d’institutions dédiées à l’économie sociale, notamment dans une perspective de développement local (Klein et al. 2012). Notre étude fournit des pistes en matière d’évaluation des impacts et des effets systémiques de la finance solidaire sur les caractéristiques spécifiques des EÉS et sur l’environnement de soutien des EÉS propre à en conserver la nature distinctive dans le temps.