S'il faut évidemment se méfier des raccourcis, des inférences et des généralisations, force est de constater que la littérature peut offrir des éclairages singuliers sur des troubles du caractère et de la personnalité voire même s'aventurer parfois dans une description subtile et inattendue d'une unité syndromique plus complexe ou d'un modèle psychopathologique qui nous est familier. I. Gontcharov, à travers son personnage d'Oblomov, nous permet de revisiter le concept de psychasthénie décrit par Pierre Janet en 1903. Disciple de Th. Ribot, auquel il succédera à la chaire de psychologie expérimentale et comparée du Collège de France, contemporain de Freud avec lequel il s'opposera sur la manière de « penser la névrose » (en termes de conflit chez l'un, de déficit chez l'autre), P. Janet développera également le concept de subconscient. Son ouvrage Obsessions et psychasthénie est le premier à donner une description claire et cohérente des obsessions-compulsions et à proposer une thérapeutique psychologique originale ainsi qu'un modèle psychologique explicatif. Qu'il nous soit permis ici de lui rendre hommage. Au-delà des vertus thérapeutiques incontestables de la littérature, on cherchera à savoir comment le roman peut aider le clinicien à mieux appréhender un concept, une époque voire même étayer une hypothèse diagnostique. Nous envisagerons la fiction littéraire comme une ouverture sur un monde parallèle, celui de la clinique psychiatrique, actualisé par l'activité du lecteur, ses souvenirs, ses références, sa subjectivité. Par une analyse comparative, une sorte de mise en abyme entre d'un côté l'histoire de vie du personnage (Oblomov) et la réactivation de critères diagnostiques plus opérationnels de l'autre, nous tenterons de faire ressurgir un concept fondateur de notre discipline. On voit progressivement se dévoiler une clinique psychiatrique extrêmement fine (la psychasthénie) qui se verra authentifiée par les descriptions classiques que nous connaissons. Se pose ici la question de la place que le roman réserve aux troubles psychiques. À travers une représentation empathique et nuancée des maladies mentales, il donne à voir de l'intérieur toute leur complexité, à l'aune de normes qui évoluent dans le temps, reflets d'une époque et d'une société données. La littérature réfléchit la « folie » (en tant qu'objet social et culturel), au sens où, elle la reflète et permet de la re-penser. It is essential to distrust shortcuts, inferences, and generalizations, but it must be noted that literature can offer unique explanations about personality disorders or often even delve into a subtle, unexpected description of a more complex syndromic case or psychopathological model that we are familiar with. I. Goncharov, through the character of Oblomov, allows us to revisit the concept of psychasthenia that Pierre Janet described in 1903. As a disciple of T. Ribot, who he would follow as chair of experimental and comparative psychology at the College de France, and as a contemporary of Freud, with whom he disagreed on the way of "thinking about neurosis" (in terms of conflict for one, and in terms of deficit for the other), P. Janet would also develop the idea of the subconscious. His work, "Obsessions and Psychasthenia" was the first to describe obsessions and compulsions clearly and coherently, and to put forward the idea of an original psychological therapy, as well as an explanatory model. I hereby wish to pay tribute to him. Over and above the indisputable therapeutic virtues of literature, I seek to know how a novel can help the clinician to better understand a concept, an era, or even support a diagnostic hypothesis. We shall consider literary fiction as an opening onto a parallel world, the realm of the psychiatric, updated by a reader's activity, memories, references, and subjectivity. Through a comparative analysis, a sort of meta-theater between the life story of the main character (Oblomov) and the reactivation of more operational diagnostic criteria, I shall try to bring a founding concept of our discipline to light. An extremely subtle psychiatric state (in this case psychasthenia) gradually becomes perceptible, one that will be authenticated using the conventional descriptions that we know. This raises the question of the place that the novel reserves for mental disorders. Through an empathetic and nuanced representation of mental illnesses, it makes all their complexity perceptible from the inside, in the light of standards that evolve over time, reflections of the given era and society. Literature allows us to reflect upon "madness" (as a social and cultural object), in the sense that the former reflects the latter, thereby allowing us to reconsider it. [ABSTRACT FROM AUTHOR]