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This paper argues that Marquis de Sade is a more original and relevant Enlightenment philosopher than it is commonly thought. We argue that de Sade is a notable author and a noteworthy naturalist thinker in contemporary times as well, concerning modern science, organized religion, (homo)sexuality, political violence and prevalent sociocultural norms. In order to demonstrate these claims, we thoroughly analyse de Sadeʼs philosophies of naturalism and materialism, i.e., his metaphysics and his radical ethics of “immorality”, based on viewing (human) Nature as a sole organizing, creative and destructive principle. Furthermore, we detail his atheist and anti-theistic arguments, which he consistently uses to reject the possibility of a God and all supernatural beings, coupled with his social and political criticism of a faith-based society. Thus, we outline the philosophical arguments that made him a controversial, infamous and denounced thinker, and which socially distanced him from the prevailing philosophical milieu. We also argue for the possibility that he deserves a more prominent place in the history of philosophy which is not congruent with the various “rehabilitative” and “revisionist” narratives regarding de Sade as an early champion of the Counter-Enlightenment, anti-science and postmodernism., U ovom se članku argumentira da je Marquis de Sade izvorniji i važniji filozof Prosvjetiteljstva no što se inače smatra. Tvrdimo da je de Sade i za suvremeno vrijeme važan autor i naturalistički mislitelj vrijedan pozornosti s obzirom na suvremenu znanost, religiju, (homo)seksualnost, političko nasilje i prevladavajuće sociokulturne norme. Da bismo dokazali ove tvrdnje, iscrpno analiziramo de Sadeove filozofije naturalizma i materijalizma, tj. njegovu metafiziku i radikalnu etiku »imoralnosti«, temeljenu na viđenju (ljudske) Prirode kao jedinog organizirajućeg, stvaralačkog i uništavalačkog principa. Nadalje, opisujemo njegove ateističke i antiteističke argumente koje dosljedno koristi da bi odbacio mogućnost Boga i svih natprirodnih bića, povezane s njegovim društvenim i političkim kriticizmom društva temeljenog na vjeri. Stoga, ocrtavamo filozofijske argumente koje su ga učinile kontroverznim, nečasnim i odbačenim misliteljem i koji su ga društveno otklonili od prevladavajućeg filozofijskog miljea. Također argumentiramo u korist mogućnosti da zaslužuje istaknutije mjesto u povijesti filozofije koje nije kongruentno s različitim »rehabilitativnim« i »revizionističkim« narativima vezanim uz de Sadea kao ranog prvaka Protuprosvjetiteljstva, protuznanosti i postmodernizma., Dieses Paper argumentiert, dass Marquis de Sade ein ursprünglicherer und relevanterer Philosoph der Aufklärung ist, als allgemein angenommen wird. Wir vertreten die Ansicht, dass er auch heutzutage einen angesehenen Autor und einen bemerkenswerten naturalistischen Denker hinsichtlich der zeitgenössischen Wissenschaft, organisierten Religion, (Homo)sexualität, politischen Gewalt und der vorherrschenden soziokulturellen Normen darstellt. Um diese Behauptungen zu belegen, analysieren wir eingehend de Sades Philosophien des Naturalismus und Materialismus, d. h. seine Metaphysik und seine radikale Ethik der „Immoralität“, aufbauend auf der Betrachtung der (menschlichen) Natur als des einzigen organisierenden, schöpferischen und zerstörerischen Prinzips. Darüber hinaus führen wir en détail seine atheistischen und antitheistischen Argumente auf, die er konsequent vorbringt, um die Möglichkeit eines Gottes und aller übernatürlichen Wesen zu verwerfen, gepaart mit seiner sozialen und politischen Kritik an einer Glaubensgesellschaft. So umreißen wir die philosophischen Argumente, die ihn zu einem umstrittenen, anrüchigen und denunzierten Denker machten und ihn sozial vom prägenden philosophischen Milieu distanzierten. Wir treten auch für die Option ein, dass er einen prominenteren Platz in der Geschichte der Philosophie verdient, der nicht kongruent ist mit diversen „rehabilitativen“ und „revisionistischen“ Narrativen in Bezug auf de Sade als einen frühen Verfechter der Gegenaufklärung, Antiwissenschaft und Postmodernismus., Cet article affirme que le Marquis de Sade est un philosophe des Lumières bien plus original et important que ce qui est habituellement pensé. Nous affirmons que Sade est un auteur et penseur naturaliste également important pour l’époque contemporaine qui mérite de retenir notre attention au regard de la science moderne, la religion, l’(homo)sexualité, la violence politique et les normes sociales dominantes. Afin de démontrer ces affirmations, nous analysons soigneusement les philosophies du naturalisme et matérialisme de Sade, à savoir sa métaphysique et son éthique radicale de « l’immoralité », fondée sur sa vision de la Nature (humaine) en tant qu’unique principe organisateur, créateur et destructeur. Par ailleurs, nous décrivons les arguments athéistes et antithéistes dont il se sert de manière cohérente pour rejeter la possibilité de l’existence de Dieu et de tous les êtres supranaturels, couplés à son criticisme sociale et politique d’une société fondée sur la religion. Ainsi, nous dépeignons les arguments philosophiques qui font de lui un penseur controversé, infâme, rejeté, et qui l’ont éloigné socialement du milieu philosophique dominant. Nous argumentons également en faveur de la possibilité qu’il mériterait une place plus importante dans l’histoire de la philosophie qui ne s’accorde pas avec les discours de « réhabilitation » et « révisionniste » attribués à Sade en tant que champion anti-Lumière, antisciences et postmoderniste.

L’article souligne l’appréhension négative qu’Émile Zola éprouve à l’égard de la ville de Rome, influencé qu’il est par la vision anthropologique de deux écrivains-voyageurs : Stendhal et Taine. Bien qu’elle fût source d’admiration à l’ère romantique, sous la plume zolienne l’image de la capitale italienne est assimilée à la violence meurtrière. Les motifs du couteau et du poison deviennent indissociables des représentations du monde social romain chez Zola. Il ne s’agit plus pour l’écrivain naturaliste de célébrer des passions mais de tenir un discours critique et pessimiste concernant l’avenir de Rome. The article underlines the negative apprehension that Emile Zola feels towards the city of Rome, influenced as it is by the anthropological vision of two writer-travellers: Stendhal and Taine. Although it was a source of admiration during the Romantic era, Zolian writing was influenced by the image of the Italian capital as a place of murderous violence. The motifs of the knife and poison become inseparable from Zola’s representations of the Roman social world. It is no longer a question of the naturalist writer celebrating passions, but of a critical and pessimistic discourse on the future of Rome.

Notre contribution porte sur le premier ouvrage du jeune G. P. Lucini : Spirito ribelle, un récit d’inspiration naturalistequi suscita d’abord l’admiration de son aîné, le critique Felice Cameroni, puis des réserves sévères au moment de sa refonte en roman symboliste. Partant de l’étude pionnière de Carlo Cordié, nous mettrons en relief le sous-texte idéologique de ce récit – l’anarchisme de l’auteur – et le contexte historique – celui de la paysannerie lombarde de la fin du XIXe siècle – qui marque sa genèse sociale. Enfin, nous proposerons une reconsidération critique de l’abandon du naturalisme reproché à Lucini par ses exégètes, pour mieux expliquer, du point de vue de la théorie de la littérature, les jalons qu’il pose pour sa production postérieure, symboliste d’abord et avant-gardiste ensuite. Our contribution concerns G. P. Lucini’s first published youth work, the Naturalist tale Spirito ribelle, which soon provoked his older friend Felice Cameroni’s appreciation, then his severe remarks about its remake as a symbolist novel. Starting from Carlo Cordié’s pioneering study, we will highlight the ideological subtext of this tale – author’s anarchism – and the historical context – of the Lombard peasantry of that time – marking its social genesis. Lastly, we will propose a critical reconsideration of the abandon of Naturalism reproached to Lucini by his critics, in order to better explain, from the point of view of theory of literature, the foundations he lays since then for his future production, symbolist first and avant-gardist later. Il nostro contributo verte sul racconto Spirito ribelle, opera prima d’ispirazione naturalista di un ancora giovane G. P. Lucini, che suscitò dapprima l’ammirazione del suo vecchio amico, il critico Felice Cameroni, poi le sue severe riserve nel momento del rifacimento come romanzo simbolista. Partendo dallo studio pioneristico di Carlo Cordié, metteremo in risalto il sottotesto ideologico di tale racconto – l’anarchismo dell’autore – e il contesto storico – quello del contadinato lombardo dell’epoca – che segna la sua genesi sociale. Infine, proporremo una riconsiderazione critica dell’abbandono del naturalismo rimproverato a Lucini dai suoi esegeti, per spiegare meglio, dal punto di vista della teoria della letteratura, le basi che egli getta a partire da lì per la sua produzione successiva, simbolista prima e avanguardista poi.

Cet article prolonge l’hypothèse que nous avons défendue dans un récent ouvrage selon laquelle l’illusionnisme artistique, à la fois par la spécialisation qu’il requiert et le prestige qu’il confère, pourrait être un marqueur d’inégalités socio-économiques au Paléolithique récent (Guy 2017). La stricte codification des figurations pourrait également aller dans ce sens. Elle suggère que les représentations étaient enseignées ce que laisse aussi présager les exercices de débutants sur des débris d’os ou des plaquettes de pierre retrouvés par milliers dans certains sites. Cette spécialisation artistique trahit un besoin de transmission stylistique qui nous paraît dépasser la stricte nécessité rituelle. Une fonction sémiologique qui s’expliquerait mieux, en revanche, si l’on admet que ces images servaient simultanément à l’affirmation et au maintien de prérogatives politico-économiques comme c’est habituellement la vocation de l’art dans les sociétés hiérarchisées. This article develops the hypothesis that we have defended in a recent work that artistic realism could be a marker of wealth inequalities in recent Paleolithic societies due both to the specialization it requires and the prestige it confers (Guy 2017). The strict codification of motifs throughout this period could also point in this direction. It shows that the figures were taught, which is also suggested by the beginners' exercises on scrap bone and stone plaquettes found by thousands at certain sites. This artistic specialization betrays a need for stylistic transmission that seems to go beyond strict ritual necessity. A semiological function which would be better explained if we admit that these images served simultaneously to affirm and maintain political and economic prerogatives, as is usually the vocation of art in hierarchical societies.

Croire aux fauves relate la rencontre, dans la région du Kamtchatka située à l’Est de la Russie, d’une anthropologue, narratrice du récit, avec un ours qui la défigure – une rencontre qualifiée d’« événement ». L’article étudie comment un sens parvient à se recomposer face à l’« impossible qui a eu lieu ». L’écriture de cette rencontre violente, à la croisée de la littérature et de l’anthropologie, conduit à « comprendre plus loin » ce qui peut lier les mondes humain et non-humain. Elle cherche à élucider les ressorts de cette expérience, créant du lien entre la narratrice et l’ours là où l’on pourrait ne voir qu’une béance de sens. Ainsi se construit un dialogue entre naturalisme et animisme. L’« événement-ours » les met en communication ; ils évoluent « côte à côte » plutôt que « face à face », affrontant les défis que pose la « crise de nos relations au vivant ». Croire aux fauves relates the encounter, in the Kamchatka region of eastern Russia, of an anthropologist, the narrator of the story, with a bear that disfigures her - an encounter described as an « event ». The article studies how she builds up meaning in the face of the « impossible that has taken place ». The writing of this violent encounter, at the crossroads of literature and anthropology, leads to « understand further » what can link the human and non-human worlds. She seeks to elucidate how this experience came to be, creating a link between the narrator and the bear, although we could only see a separation. Thus a dialogue between naturalism and animism is put in place. The « bear-event » links them ; they evolve « side by side » rather than « face to face », confronting the challenges posed by the « crisis of our relations to the living ».

« Quels étaient à tout prendre à la fin de l’été 1922 les antécédents immédiats du roman français ? Depuis le roman symboliste, qui naît avec Huysmans et meurt avec Gide, que s’était-il produit ? » En étendant l’empan chronologique et géographique, cette phrase de Louis Aragon rencontre le projet que nous avons choisi de placer au cœur de ce colloque, à savoir : jeter un coup de sonde dans l’ensemble profus d’innovations qui jalonnent l’histoire du roman européen depuis la fin du naturalisme jusqu’à Seconde Guerre mondiale. [...] A l’interrogation initiale d’Aragon, nous souhaitons apposer, pour conclure, ce constat, tourné vers l’avant, de Virginia Woolf : "Nous serons obligés, écrit l’autrice en 1927, d'inventer de nouveaux noms pour […] le roman ou la variété de romans qui seront écrits dans le temps à venir. Il sera écrit en prose, mais une prose qui aura de nombreuses caractéristiques de la poésie. Il aura quelque chose de l'exaltation de la poésie, mais beaucoup de la banalité de la prose. Il sera dramatique, mais ne sera pas une pièce de théâtre. […] Il traduira les relations de l'homme avec la nature, avec le destin, son imagination, ses rêves […]. [I]l présentera également les ricanements, les contrastes, les questions, la proximité et la complexité de la vie. Il prendra la forme de cet étrange conglomérat de choses incongrues qu’est l'esprit moderne." Ainsi, nous avons hâte d’envisager avec vous ces cinquante années particulières d’errances du sujet, de dérives du roman.

This article examines The Wire (HBO, 2002–8) and The Shield (FX, 2002–8) and the extent to which they employ particular attributes of new television in order to engage with notions of determined behaviour familiar from literary naturalism (and, through them, important contemporary political ideologies). The Wire and The Shield are part of a growing body of neo-naturalist works in contemporary American culture. Like Dexter and Breaking Bad, they portray the actions of their protagonists as heavily determined by outside forces. But while The Shield’s deterministic naturalism tends to lend tacit support for more authoritarian social control, The Wire’s use of similar architecture is a means to advocate for urgent institutional reform. Cet article examine les séries télévisées The Wire (HBO, 2002-2008) et The Shield (FX, 2002-2008) et la manière dont elles utilisent des caractéristiques particulières de la nouvelle télévision pour entamer un dialogue avec des notions de comportement déterminé, lesquelles sont connues du naturalisme littéraire (et, par leur entremise, des idéologies politiques contemporaines importantes). The Wire et The Shield font partie du corpus croissant d’œuvres néonaturalistes dans la culture américaine contemporaine. Tout comme Dexter et Breaking Bad, elles montrent les actions de leurs protagonistes comme étant lourdement déterminées par des forces externes. Mais, tandis que le naturalisme déterministe de The Shield a tendance à soutenir tacitement un plus grand contrôle social autoritaire, l’utilisation d’une architecture similaire dans The Wire sert à défendre une réforme institutionnelle urgente.

"Il est impossible d’accepter complètement la sociologie pour une science, tant que survivra la croyance à un ordre social n’obéissant pas à une loi naturelle".Herbert Spencer, "La science sociale", Alcan 1088, p. 427. L’objet du présent article est de montrer comment l’ordre social naturel constitue l’un des mythes fondateurs de l’édifice des sciences sociales modernes et, comme tel, participe de l’institution imaginaire de notre société. Les sciences sociales modernes, en effet, s’instauren...

Nous utiliserons pour les lectures de Marx, l’édition Dognin de "Das Kapital", 1ère éd., traduction et texte allemand, 4e éd., traduction (le texte allemand dans les Marx-Engels Werke, vol. 24, Dietz Verlag). Cette édition ne comprend que le Chapitre I, dans deux éditions successives. Nos citations seront référenciées au Livre de Dognin. Nous utiliserons pour les lectures des Physiocrates les anciennes éditions Daire de la "Physiocratie" ("Collection des Principaux Economistes", Librairie de ...

La présence des ruines interroge la notion même de patrimoine : elles échappent à la tension entre l’artificiel et le naturel qui le structure. Elles ne sont pas seulement le témoignage des actions humaines, mais également celui de l’action de la nature sur elles : elles sont des objets hybrides. Le patrimoine institutionnalise cependant les relations entre humains et non-humains dans l’articulation entre des patrimoines culturels et naturels. Il n’y a donc pas de place pour un objet tel que la ruine. Cependant, il répond aux préoccupations environnementales dans le contexte des crises écologique. Les ruines constituent alors un patrimoine de l’anthropocène qui témoigne de l’intrication des humains et des non-humains dans un environnement commun. Elles sont la culture matérielle d’un environnement composé d’humains et de non-humains au-delà de l’opposition entre l’artificiel et le naturel, un patrimoine obscur de l’échec d’un environnement totalement artificiel à se maintenir et un monument civique appelant à développer des valeurs destinées à éviter les crises écologiques. Avant de décrire la façon dont les visiteurs des ruines appréhendent cette hybridité et la façon dont les institutions le présentent, une critique théorique de la notion de patrimoine s’impose. The presence of the ruins questions the very of heritage: they escape the tension between the artificial and the natural that structures it. They are not only the testimony of human actions, but also that of the action of nature on them. Heritage, however, institutionalizes the relationship between humans and non-humans in the articulation between cultural and natural heritages. There is therefore no category for an object such as ruin. However, it addresses environmental concerns in the context of ecological crises. The ruins then constitute a heritage of the anthropocene that testifies to the entanglement of humans and non-humans in a common environment. They are the material culture of an environment composed of humans and non-humans beyond the opposition between the artificial and the natural, a dark heritage of the failure of a totally artificial environment to maintain itself and a civic monument inspire the development of values intended to avoid ecological crises. Before describing the way in which visitors to the ruins apprehend this hybridity and the way in which institutions present it, a theoretical critique of the notion of heritage is necessary.

Le qualificatif de « naturaliste » est très régulièrement appliqué à l’art magdalénien, et cet article s’interroge sur les liens qui pourraient exister entre les notions de « naturalisme esthétique » et de « naturalisme ontologique ». Un style naturaliste dans la production des images serait-il mécaniquement l’indice d’un rapport au monde de type naturaliste, au sens de Ph. Descola (2005) ? C’est ce que semble affirmer E. Guy (2017) dans un ouvrage ambitieux qui interprète la volonté d’imitation des artistes magdaléniens comme le signe d’une mentalité proche de celle des sociétés de l’Occident moderne - impliquant notamment l’instauration de hiérarchies sociales au Paléolithique récent. Les images magdaléniennes présentent toutefois un naturalisme qui se borne presque exclusivement à la représentation d’animaux isolés. Dans l’histoire de la discipline, cette caractéristique étonnante est depuis longtemps discutée, et a fait l’objet de diverses interprétations jusqu’à celle d’E. Guy (2017). Si un naturalisme stylistique peut être évoqué à propos de la figuration du Magdalénien, celui-ci est toujours restreint et morcelé. Parler d’une « imitation de la Nature » semble donc abusif dans ce cas. La mobilisation de la notion de « Nature » pousse par ailleurs à attribuer de manière systématique un naturalisme ontologique aux Paléolithiques, dans la mesure où ce terme est un pivot incontournable de la pensée naturaliste. Quoi qu’il en soit, nous remarquons que les modalités de représentation du Magdalénien ne présentent que très peu des caractéristiques qui seraient attendues d’une figuration traduisant un naturalisme ontologique, et certains aspects paraissent même incongrus pour un tel régime. Le « naturalisme magdalénien » pourrait ainsi être paradoxalement « un naturalisme sans l’idée de Nature ». Il nous semble que les modalités de représentation propres au Magdalénien pourraient aussi être à comprendre dans une perspective ontologique alternative au naturalisme, et relevant possiblement de l’animisme. Nous soumettons ainsi l’hypothèse que la tendance à la figuration mimétique, observable pour certaines images de ce contexte paléolithique, pourrait refléter l’intention d’affirmer la coexistence d’une multiplicité d’êtres singuliers, et s’inscrire dans une ontologie qui placerait les rencontres interindividuelles entre humains et animaux au premier plan. The term « naturalism » is very regularly applied to Magdalenian art, and this article examines the links that could exist between the notions of «aesthetic naturalism» and « ontological naturalism ». Is a naturalistic style in the production of images necessarily indicative of a naturalistic relationship to the world, in the sense of Ph. Descola (2005)? This seems to be what E. Guy (2017) asserts in an ambitious work that interprets the tendency towards imitation among Magdalenian artists as the sign of a mentality close to that of modern Western societies - implying in particular the establishment of social hierarchies during the recent Palaeolithic. However, the Magdalenian images present a naturalism that is limited to the representation of isolated animals. In the history of the discipline, this astonishing characteristic has long been discussed, and has been the subject of various interpretations until E. Guy (2017). If a stylistic naturalism can be evoked about the depiction in the Magdalenian, it is always a restricted and fragmented naturalism. To claim that it is an «imitation of Nature» therefore seems abusive in this case. Moreover, this mobilization of the notion of «Nature» encourages the attribution of an ontological naturalism to the Palaeolithic, insofar as this term is an inescapable element of naturalistic system of thought. Anyway, the modes of representation of the Magdalenian show very few of the characteristics that would be expected of a depiction reflecting an ontological naturalism, and certain aspects even seem incongruous for such a system. «Magdalenian naturalism» could thus paradoxically be «a naturalism without the idea of nature». It seems that the modalities of representation specific to the Magdalenian could also be understood in an ontological perspective alternative to naturalism, and could relate to animism. I thus submit the hypothesis that the tendency to mimetic depiction, in this Paleolithic context, could reflect the intention to affirm the coexistence of a multiplicity of singular beings, and be part of an ontology giving a central place to inter-individual encounters between humans and animals.

Cette contribution part d’une enquête menée auprès des associations écologistes dans la forêt de la Corniche des Forts à Romainville entre novembre 2018 et mars 2019. Cette forêt et la cité Gagarine qui la surplombe étaient promises à la destruction par suite du projet d’aménagement urbain d’un « éco-quartier » et d’une « île de loisirs » développé dans le cadre du « Grand Paris ». Or, comme l’ont montré les écologistes, on trouve dans cette forêt une plante rhizomatique dite invasive, la renouée du Japon. Cette plante qui ne pousse que sur des sols hautement pollués, notamment au plomb et au cuivre, présente un intérêt ontologique évident : d’un côté, elle signale l’existence d’une nature anthropisée, historicisée et modifiée par les activités humaines, une « nature historique » donc ; mais d’un autre côté elle témoigne de la puissance d’engendrement des organismes capables d’émerger au sein des milieux les plus transformés et les plus pollués. Tout se passe comme si cette nature détruite par deux siècles d’activités extractivistes était capable de réaffirmer sa puissance ontologique, malgré et contre le mode de production capitaliste qui l’exploite. Cet ensauvagement qui apparaît dans « les ruines du capitalisme » permettra d’évaluer la thèse de la « troisième nature » de l’anthropologue Anna Tsing. Si l’idée d’une puissance ontologique d’un réel capable de s’auto-déployer contre les activités sociales qui la détruisent est convaincante, je ferai l’hypothèse que le « matérialisme spéculatif » du philosophe Ernst Bloch offre la possibilité de penser la dynamis de la nature sans réintroduire une philosophie étapiste de son histoire (la « première », la « seconde » puis la « troisième » nature). Ce passage par la renouée du Japon nous permettra de défendre la pertinence d’une philosophie matérialiste de la nature adaptée à la catastrophe écologique. This contribution is based on a survey conducted among environmental associations in the Corniche des Forts forest in Romainville between November 2018 and March 2019. This forest and the Gagarin housing estate that overlooks it were destined to be destroyed following the urban development project to create an “eco-neighbourhood” and a “leisure island” as part of the “Grand Paris”. However, as ecologists have shown, this forest contains a so-called invasive rhizome, Japanese knotweed. This plant, which only grows in highly polluted soils, especially those containing lead and copper, is of obvious ontological interest: on the one hand, it signals the existence of an anthropized nature, historicized and modified by human activities, a “historical nature” therefore; but on the other hand, it testifies to the engendering power of organisms capable of emerging within the most transformed and polluted environments. It is as if this nature, destroyed by two centuries of extractivist activities, were capable of reasserting its ontological power, despite and against the capitalist mode of production that is exploiting it. This wildness appearing among “the ruins of capitalism” will allow us to evaluate the anthropologist Anna Tsing’s thesis of the “third nature”. While the idea of an ontological potentiality capable of deploying itself against the social activities that are destroying it is convincing, I will hypothesize that the philosopher Ernst Bloch’s “speculative materialism” offers the possibility of considering the dynamis of nature without reintroducing a step-by-step philosophy of its history (the “first”, the “second” and then the “third” nature). This study of Japanese knotweed will enable us to defend the relevance of a materialist philosophy of nature adapted to ecological disaster.

Considérer les nombreuses descriptions des décors paysagés que fréquentent les personnages des Rougon-Macquart comme une simple exigence naturaliste serait réduire considérablement l’enjeu de ces pages. Les jardins, les parcs et surtout les points d’eau qui s’y trouvent ont une indéniable portée symbolique dans les romans : les jets, cascades et autres fontaines apparaissent à des moments clés, renvoyant à la volupté et à la sensualité auxquelles s’adonnent les protagonistes. Tour à tour tentateurs, complices ou témoins des amours illicites, les jardins s’associent à l’intimité des personnages qui retrouvent dans ce nouvel Éden les instincts primaires du péché originel. Thinking that the many descriptions of landscapes surrounding the characters from the Rougon-Macquart are nothing more than a mere naturalist requirement would greatly reduce the scope of these pages. The gardens, parks and mostly the water points described have an obvious symbolic meaning in the novels: water jets, waterfalls and fountains appear at key moments and mirror the voluptuousness and the sensuality displayed by the protagonists. The gardens, may they be tempters, accomplices or witnesses to forbidden love affairs, take part in the intimacy of characters who find in the new Eden the basic instincts of the original sin.