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Jamais sans nul doute je ne parviendrai à suffisamment affirmer combien il faut aimer un écrivain pour se consacrer à sa Passion de la laideur, à quel point il importait de s’y reconnaître pour décider d’exposer sans concessions ses laideurs. Or rien de plus urgent dans le cas de l’auteur de La nausée qu’une telle démarche volontairement insensible aux « beautés » de l’œuvre et à la « grandeur » de l’homme, privilégiant au contraire la dimension proprement répulsive de son corps et de son cor...

Jamais un cyclope ne verra ce que voient les hommes.Sartre,« Saint Marc et son double » L’ex-peintre Parmi la multitude de personnages mis en scène dans la trilogie des Chemins de la liberté figure un peintre, ou plutôt son reste, son double fantomatique et stérile. Car quelle est justement sa principale caractéristique ? C’est qu’il ne peint plus. Préférant l’engagement politique à la création artistique, Gomez a abandonné la peinture pour combattre aux côtés des Républicains en Espagne. Et ...

L’image de l’éphèbe touchait à l’un de nos sujets d’entretien ; comment s’arranger de sa propre laideur ? Sartre parlait volontiers de sa laideur (et moi de la mienne).Raymond Aron, Mémoires Je ne sais par exemple quelle envie baroque vous a prise de me demander ma photo d’enfant. Expliquez-moi donc ce qui vous a passé par la tête. C’était difficile à trouver. Jusqu’à cinq ans j’étais un ravissant bébé avec cette tête un peu conventionnelle qui plaît aux mamans médiocres. Aussi on s’arrachait...

Je suis comme tout le monde, quoi. La mort dans l’âme Pour un portrait biographique Car tel est bien mon projet que de proposer ici un portrait de Jean-Paul Sartre, même si cet essai ne se conformera d’aucune façon au modèle déposé de la biographie, l’inventaire diachronique de ce qu’a été la vie de l’auteur. Pourquoi la vie de Sartre, même s’il ne sera en fait question que de ses vies (réelles et imaginaires, vécues et écrites), surtout des multiples représentations qu’il tente d’en construi...

Jean-Paul Sartre à Venise, presque aveugle. Qu’est-ce qu’il pouvait bien écouter à la radio quand il restait seul, enfermé dans sa chambre d’hôtel ? Question apparemment insoluble, à la limite de l’absurde ! Et cependant je ne peux m’empêcher d’y rêver et d’affabuler cette réponse évidemment fictionnelle : qu’il tournait constamment le bouton des fréquences pour tenter d’entendre le plus souvent possible Some of these days, le morceau favori de Roquentin dans La nausée : « cette bande d’acier...

Petit, disgracieux, et avec, surtout, cet œil (un œil en plus, un œil en moins... un œil en trop), - Sartre, on le sait, ne se trouvait pas beau. Disons-le, il s’estimait franchement laid. Observation triviale, si elle ne prêtait aussitôt à conséquence. Sartre est philosophe, mais la laideur d’un philosophe devient-elle par cela même un objet philosophique ? Sartre est écrivain, mais la laideur d’un écrivain, la laideur qu’à tort ou à raison il se suppose, la laideur faitelle écrire ? Sartre est critique d’art, mais la laideur, laideur encore, laideur toujours (alors d’autant plus laide), la laideur peut-elle être un point de vue sur le beau ?… Ce sont là seulement quelques-unes des questions que pose ce livre scandaleux. Le plus scandaleux, sans doute, qui ait été écrit sur Sartre. Mais, par cette raison (faut-il vraiment qu’on s’en étonne ?), celui qui entre le plus immédiatement en sympathie avec l’homme, avec l’œuvre. Philippe BONNEFIS