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Comment inventer et fabriquer un spectacle sportif ? Pratique confidentielle en 1903, la boxe, dix ans plus tard, attire des milliers de spectateurs, met en jeu des sommes d’argent colossales et présente de véritables vedettes. Comment une pratique si réprouvée en raison de sa violence devient-elle un des loisirs les plus prisés de Paris ? Le présent ouvrage entend analyser les mécanismes présidant à ce succès. Loin d’être un spectacle devenu un sport ou un sport devenu spectacle, la boxe est dès ses débuts doublement codifiée : pensée et structurée comme un sport, elle est aussi portée et mise en scène comme un spectacle, ces deux dynamiques étant indissociables. Ensemble, promoteurs de spectacles, dirigeants de fédérations, journalistes, managers et boxeurs participent à la structuration d’un marché des spectacles pugilistiques inséré dans un tissu de relations avec d’autres grandes villes européennes. À l’aube de la Première Guerre mondiale, bénéficiant de conditions économiques et sociales spécifiques, la scène parisienne s’impose progressivement comme un des foyers les plus actifs de la boxe, lui donnant la forme d’un spectacle à la fois mondain et populaire, avant de se transformer après-guerre. Comprendre l’historicité des spectacles pugilistiques revient alors à prendre au sérieux l’expression même de « spectacle sportif ».

« TOPAZE. – “Supposons maintenant que par extraordinaire un malhonnête homme… ait réussi à s’enrichir. Représentons-nous cet homme, jouissant d’un luxe mal gagné. Il est admirablement vêtu, il habite seul. Des laquais veillent sur lui. Il a de plus, une servante qui ne fait que la cuisine, et un domestique spécialiste pour conduire son automobile. Cet homme a-t-il des amis ? […] Alors tourmenté jour et nuit, pâle, amaigri, exténué, pour retrouver enfin la paix et la joie, il distribuera aux p...

En choisissant d’attribuer une identité spéciale à un individu, privée des formes de politesse « monsieur » ou « madame », en le dotant d’un corps différent, spécialement adapté à la réalisation d’un vol, ainsi que d’une mentalité singulière, constituée de multiples défauts et de laquelle toute qualité était absente, le journaliste était parvenu à faire de chaque homme présenté comme tel, un acteur médiatique particulier, un voleur. En amalgamant chaque homme avec l’acte qu’il avait commis, l...

Du recollement préalable de l’information sur le terrain jusqu’à l’insertion finale de l’article au sein de son quotidien, et ce en passant par l’écriture du compte rendu criminel, le travail du journaliste, au moment de traiter d’un acte de vol, semblait s’inscrire dans une stratégie globale. Chacune des étapes de la production de l’actualité criminelle locale apparaissait en effet n’être motivée que par un seul et unique but : faciliter pour chaque lecteur son appréhension de l’article de v...

Après avoir indiqué à son lecteur comment assurer une surveillance efficace de ses biens, lui avoir fourni des gages suffisants afin qu’il ait une confiance totale envers l’action de l’« homme de l’ordre », l’effort pédagogique du journaliste aspirait à un dernier dessein, plus complexe et délicat, autant du fait des stratégies argumentatives utilisées que selon les résultats auxquels il souhaitait ainsi parvenir : l’article de vol proposait également une leçon de vie complète à son lecteur, ...

L’analyse des stratégies rhétoriques employées au sein de l’article de vol démontre que l’œuvre de pédagogie de la presse locale d’entre-deux-guerres ne se matérialisait pas seulement par un discours autoritaire, fait uniquement de semonces et d’ordres, exigeant directement au lecteur qu’il suive les règles édictées par le journaliste ; au contraire, ce travail de persuasion demeurait également parfois subtil, dissimulant son dessein et fondé sur l’emploi d’infinis détails qui, sous l’apparen...

Durant l’entre-deux-guerres, au sein de la chronique locale de la presse quotidienne régionale, pas un seul jour ne se passait sans que le journaliste n’informe son lecteur de la grave menace dont il était à chaque instant la cible : chapardage, filouterie, entôlage, cambriolage, agression, meurtre ! La chronique des faits divers restait le témoignage concret d’un danger permanent, d’une catastrophe quotidienne : le larcin. Illustration pessimiste de la fragilité de la vie ordinaire, l’article de vol demeurait toutefois dans le même temps une arme utile pour contrer ce funeste péril ; il restait en effet un lieu de savoir essentiel, décryptant autant la technologie déprédatrice que le profil retenu de son auteur, apportant à chacun des connaissances précieuses pour se prémunir des ravages du larron. Le caractère pédagogique de l’article sur le vol apparaît du reste d’autant plus crucial, que son but n’était pas seulement limité à assurer la veille de ses biens par le citoyen lecteur : en captant son attention grâce au sentiment humain le plus mobilisateur (la peur), le fait divers se dévoile également comme l’occasion d’un cours sur l’État, invitant chacun à honorer les institutions qui le protègent, voire d’une véritable leçon de vie, destinée à contrôler tout geste, émotion ou passion populaire. En s’intéressant à la publicité d’un comportement humain vil, illégal, déviant, ce n’est pas seulement l’image d’un monde criminel disparu qui resurgit, c’est en définitive, et paradoxalement, les coutumes, les normes, les lois qui régissaient le bon fonctionnement d’une société encore méconnue, qui parviennent jusqu’à nous.

De tout temps, le vol, et son géniteur le voleur, perturbent l’harmonie sociale ; « produit nécessaire de toute société constituée » selon Balzac, le vol demeure un comportement sanctionné dans chaque communauté humaine, le voleur un personnage constamment honni. Paradoxalement, le vol demeure aussi l’acte fondateur des principales civilisations européennes : dans la mythologie grecque, Prométhée, grâce à son courage, parvient à dérober le feu à Zeus, et autorise ainsi l’Homme à acquérir de n...

Dès les premières lignes d’un article consacré à un vol, tout lecteur familier de la presse locale d’entre-deux-guerres pouvait parvenir rapidement à déterminer qui était, parmi les protagonistes qui lui étaient présentés, le voleur, la victime, le témoin, l’enquêteur ou le magistrat ; ce repérage fonctionnait autant pour un entrefilet de moins dix lignes que pour un long développement de plusieurs pages, aussi bien pour une affaire minime que pour un meurtre. La composition de certains artic...

L’analyse de l’élaboration de l’actualité criminelle locale dévoile le recours à de nombreuses techniques rhétoriques et discursives. Leur emploi était essentiellement destiné à une fin : susciter une attention accrue chez le lecteur. Pour cela, le journaliste recherchait notamment à accentuer la dimension inquiétante inspirée par la lecture de l’article de vol : adoptant une présentation formalisée, présentant une vérité irrécusable, intensifiant les perturbations provoquées par l’acte de dé...

Incarner la cité Sous l’Empire, comme à la période précédente mais dans des circonstances beaucoup moins urgentes, chaque cité (pour ne prendre que les plus importantes d’entre elles) était engagée dans des relations politiques et diplomatiques complexes avec ses voisines et le pouvoir impérial romain. À partir de là il fallait que chaque polis se reconnût une identité efficace et facilement reconnaissable par ses interlocuteurs. À ce titre, le demos en tant que communauté civique a-t-il enco...

Pour la fin de l’époque hellénistique et les premières années du Principat, nous ne possédons quasiment aucune donnée précise sur le degré de participation des communautés civiques aux assemblées dans les cités d’Asie Mineure. Cette question constitue de fait un problème très délicat et pourtant fort important, parce qu’il préjuge en partie du poids et du rôle politique qu’on entend reconnaître aux ecclesiai au seuil de l’époque impériale. L’enquête épigraphique est difficile. A contrario, on...

Dans le déroulement des procédures comme des débats se tenant en session, les Assemblées ne jouaient qu’un rôle au milieu d’autres acteurs politiques et institutionnels, les Conseils et les notables (pourvus ou non d’une magistrature). Rôle mineur ? On a essayé jusqu’à maintenant de suggérer qu’il n’était pas aussi vain qu’il n’y semblerait tant sur la forme que sur le fond, et que le demos avait sa partie à jouer dans le jeu politique local. On voudrait, pour terminer, centrer plus préciséme...

Des magistrats, des notables ou du demos, quel acteur local était mieux à même de représenter la cité, de l’incarner aux yeux notamment d’un pouvoir impérial qu’il fallait sans cesse convaincre de sa loyauté et de son utilité ? Il ne faut pas nécessairement adopter une approche exclusive. L’image qu’une cité donnait d’elle-même se construisait collectivement mais aussi grâce à des individualités fortes qui pouvaient en être les ardents promoteurs. L’époque est riche de ces personnages (orateu...

L’Assemblée apparaissait-elle uniquement en fin de processus pour approuver ou rejeter les textes qui lui étaient soumis, auquel cas son rôle n’aurait plus été celui d’initiateur et de proposant ? Deux études récentes se sont penchées sur cette question, celles de G. M. Rogers sur le demos éphésien et d’A. La Rocca sur le droit d’initiative populaire. Leur objet est limité au cas d’une polis pour ce qui concerne l’étude de Rogers, à une procédure spécifique dans le cas de l’article de La Rocc...

Textes d’historiens et de philosophes, décrets épigraphiques, nombreuses sont les sources des périodes antérieures, classique et hellénistique, qui, par la précision des détails sur les acteurs institutionnels et les procédures de décision, permettent de cerner les agissements du demos dans le cadre d’une Assemblée compétente, de bien en distinguer les rythmes de travail et les outils d’action. Le corpus d’époque impériale est à la fois plus diffus et régi par le point de vue des notables qui...

En droit, les Assemblées des cités, sous l’Empire, étaient actrices des procédures de décision. Le nom du demos apparaît, aux côtés de celui de la boulè, dans les formules de décision et de résolution d’une large majorité de décrets, qui portent sur un large éventail de sujets : questions de sécurité et de maintien de l’ordre, relations avec les puissances extérieures, administration, questions religieuses, finances, urbanisme, etc. Ce sont des sujets que l’on trouvait officiellement inscrits...

À l'époque impériale (Ier-IIIe siècle apr. J.-C.), les cités grecques d'Asie Mineure continuèrent de fonctionner au plan politique et institutionnel suivant des normes qu'elles jugeaient elles-mêmes naturellement « démocratiques ». Par là elles entendaient qu'elles se géraient toujours de manière autonome suivant des règles traditionnelles inchangées, et la communauté des citoyens qui les constituait chacune réunissait encore des hommes libres qui servaient les intérêts de leur petite patrie. Quelle place et quel rôle le demos joua-t-il dans un tel paysage ? Les notables, dont une grande partie des études actuelles s'est attachée à analyser les comportements et les desseins politiques, n'ont cessé depuis le courant du IIe siècle av. J.-C. d'affermir leurs positions dans la cité au point d'en apparaître les dirigeants naturels. Quel besoin avaient-ils dès lors d'un demos, qui pouvait constituer un obstacle à leur prépondérance ? En dépit de leurs visées dominatrices, les notables continuaient à vrai dire de vivre dans un univers limité et clos, la polis, dont la logique de fonctionnement demeurait fondamentalement communautaire. Le demos en constituait l'élément central, en tant qu'il désignait toujours à la fois cette communauté civique, dont les notables comme les citoyens de base étaient partie prenante, et l'assemblée populaire qui en était l'émanation naturelle. Il incarnait de manière éminente la cité et y nourrissait les discours littéraires et politiques des notables, qui n'avaient souvent pas de mots assez durs pour en dénoncer les travers ; un discours souvent comminatoire, mais aussi un aveu, celui de devoir composer avec un acteur essentiel. Les sources (épigraphiques, littéraires, archéologiques, numismatiques), reprises dans leur ensemble, modifient notre regard sur une réalité et une institution incontournables. Le demos restait encore au IIIe s. apr. J.-C. cet acteur essentiel dont les notables devaient maîtriser l'opinion pour promouvoir leurs desseins politiques. Encore à l'époque sévérienne on continuait de se réunir au théâtre, lieu de la politique par excellence, pour y débattre selon des procédures rigoureuses.

À onze heures du matin, dans les Archives Nationales d’Asunción un 23 novembre 2001, il fait déjà une chaleur accablante. Mais ce matin-là, les conditions climatiques sonte rapidement oubliés : un document prouve que le parage de Taturuguái était déjà peuplé en 1854 ! Pendant trois ans j’ai pensé que la compagnie rurale du même nom était née en 1920 et qu’auparavant tout n’était que forêt vierge. Aucun habitant de ce lieu n’a suggéré, au cours de ces trois ans de travail ethnographique, une p...

Pour résumer le résultat de ce travail en un paragraphe : la population des compagnies rurales – objet d’une abondante littérature nationaliste tout en étant relativement absente des études anthropologiques – se situe dans une position interstitielle : linguistiquement, ils disent parler et parlent un guarani jopara ou entreverado, ni guarani pur ni espagnol ; généalogiquement, ils se présentent comme descendants de vainqueurs et vaincus de la guerre de 1870 ; économiquement et historiquement...

« Les contradictions auxquelles l’esprit se heurte, seules réalités, critérium du réel. Pas de contradiction dans l’imaginaire. La contradiction est l’épreuve de la nécessité. Quand l’attention fixée sur quelque chose y a rendu manifeste la contradiction, il se produit comme un décollement. » Ña Genara ne parle que guarani, une langue amérindienne. Pourtant elle n’est pas considérée comme indienne et ne se perçoit pas comme telle. Elle est paraguayenne et vibre aux succès de la sélection nati...

« C’est ainsi que sont emmagasinées, dans les archives de la mémoire collective, des blessures réelles ou symboliques. » Enfoncée dans sa chaise sous son auvent, Ña Genara boit à petites gorgées le maté que lui sert une arrière petite-fille d’un air résigné. Ña Genara semble heureuse d’avoir une oreille attentive, qui l’écoute en ce frais samedi matin d’août 2000. Ña Genara Oviedo a travaillé comme cuisinière et lavandière dans les estancias des environs et a eu des enfants sans jamais s’enco...

Que signifie dire « nous ne parlons pas un guarani pur guaraniete » ? S’intéresser aux perceptions des locuteurs sur leur langue par le biais de ce même langage implique une observation au second degré, une observation d’observateurs. S’intéresser à ce que les habitants mettent derrière ces mots de guaraniete et jopara va nous permettre de comprendre le sens de l’écart différentiel perçu entre les deux. Guaraniete versus Guarani jopara ou entreverado Le guarani jopara est généralement opposé ...

Intimately linked both physically and conceptually, the body and the house are the loci for dense webs of signification and affect and serve as basic cognitive models used to structure, think and experience the world. Taperekue, tel est le nom donné par les populations rurales guaranophones du Paraguay aux maisons abandonnées depuis plusieurs années. Tape-re-kue veut dire littéralement « ce qui fut en travers du chemin » ou bien « ce qui fut un ancien chemin ». Tape est un lexème à tendance n...

Dans ce chapitre, grâce à un procès, un testament, des registres de baptême, etc, nous découvrons la manière dont des noms d’estancias deviennent des noms de hameaux alors appelés partidos ou feligresías foráneas, paroisses extérieures/étrangères (sous-entendu à la communauté indienne). À partir de 1848, date à laquelle la communauté indienne est dissoute, un autre terme s’impose dans les documents, celui de vecindad, voisinage. Ce terme renvoie au statut d’homme libre, de vecino. Nous allons...

Les estancias, grandes propriétés destinées à l’élevage, créées au sein de la Réduction de San Ignacio Guazú (1609-1769) ont connu différentes époques. Une première rupture a lieu en 1767 avec l’expulsion des jésuites. Puis s’enchaînent les bouleversements liés à l’indépendance du Paraguay (1811), à l’organisation particulière du territoire, implantée par le Docteur Gaspard Rodríguez de Francia (1813-1840) et à l’abolition du système communautaire des Pueblos par Carlos Antonio López (1842-18...

« Comment le guarani a-t-il réussi à survivre au peuple qui l’a créé, fait qui ne s’enregistre nulle part ailleurs en Amérique ?L’Indien meurt avec sa langue.Au Paraguay la langue demeure mais l’Indien disparaît et c’est là que se situe l’originalité du problème : l’héritage d’une langue à une race dominante. » Que veulent dire les habitants d’Isla Guasu et Taturuguái par « ore roñe’ë guarani jopara », « nous nous parlons un guarani mélangé » ? Pourquoi n’utilisent-ils jamais un synonyme, à s...

Se faire l’écho ici d’un là-bas afin de prouver sa présence sur le terrain ne répond pas seulement à l’exercice de style attendu de tout ethnologue, mais aussi à la nécessité d’objectiver les conditions subjectives de cette recherche. Ce n’est pas tant un souci d’honnêteté, de transparence et de relativisation de l’analyse qui nous guide, que la conviction qu’il s’agit du fondement même de la technique ethnographique. Ce n’est que par son intégration dans le champ de l’observation que l’ethno...

L’expression d’une entente : les gratifications faites aux prieurés Le cycle de donations L’étude du cas lavallois laisse entrevoir le cadre d’une entente étroite entre moines et aristocrates dans la seconde moitié du XIe siècle. Cette entente passe d’abord par un important transfert de propriété des mains laïques vers les mains monastiques, dans un cycle de donations qui s’étale surtout entre 1060 et 1130 (en moyenne une quinzaine de donations répertoriées par décennie) : ce cycle manifeste ...

En 1062, un seigneur du Bas-Maine, Foulques de Bouère, s’entend avec l’abbé de Marmoutier, Albert, pour fonder une obédience à proximité de son château de Bouère et de son bourg. Pour se faire il donne l’église du lieu avec ses droits seigneuriaux ; il donne aussi une maison de pierre et une terre pour faire un bourg, libre de toute coutume, comme lui-même la possédait. Foulques est un seigneur important du sud du Bas-Maine et personne ne vient autoriser ses donations ; dans une zone de conta...

Si les premières fondations ne sont pas celles de « prieurés » explicitement désignés comme tels, la spécificité de ces établissements délégués des abbayes, sièges d’une seigneurie autonome et d’une vie régulière, semble pourtant reconnue au XIe siècle : dès les années 1050, le vocable d’« obédience » suggère, à Marmoutier tout du moins, la réalité de cette perception. De ce point de vue, l’analyse des actes de la pratique vient ici utilement compléter le travail terminologique réalisé, par A...

Les deux chapitres qui vont suivre chercheront à explorer, à l’échelle prieurale, le lien que moines et châtelains cherchent à établir et développer. Ce faisant, il faudra développer deux points de vue : celui des seigneurs laïcs qui s’associent aux moines pour asseoir leur positionnement diplomatique, leur domination ou leurs possessions seigneuriales, et celui des religieux qui construisent leurs propres seigneuries et traduisent de façon pratique les impératifs de la réforme monastique et ...

Vers 1120, le cycle de donations des laïcs envers les religieux s’achève brusquement. Cette distanciation est historiographiquement bien connue et provoque ce que R. Locatelli appelle un « malaise » dans les institutions bénédictines, à partir des années 1130-1150. Il faudra faire ici la part des choses et mesurer l’ampleur des problèmes, qui peuvent au demeurant fortement varier au gré des épisodes guerriers importants qui secouent alors la région. Un retour sur le cas d’étude lavallois pour...

L’idée de fondations résultant simplement d’une opportunité ponctuelle semble bien devoir être écartée, nous venons de le voir. Faut-il pour autant aller plus loin et envisager la programmation à court ou moyen terme d’une série de fondations et supposer la réalité de projets prieuraux ? Plusieurs niveaux de lecture sont ici envisageables : on peut observer la distribution géographique des établissements, et mettre en évidence un choix en faveur d’un type d’espace ; on peut aussi éclairer l’a...

Les plus anciennes fondations prieurales locales concernent deux établissements, vraisemblablement apparus à la fin du Xe siècle, à Pritz, près de Laval, et à Château-Gontier. Leur observation ultérieure montre, nous le verrons, le décalage profond qu’ils entretiennent par rapport au milieu seigneurial local, ce qui pèse sur leur devenir. Dans les deux cas ces établissements sont mis en place à l’initiative, pour l’un, du comte d’Anjou (de façon certaine) et pour l’autre, du comte du Maine (s...

Chronologie des fondations Le cas de Bazougers appelle une généralisation des observations. Chronologiquement, d’abord, la période fondatrice s’étale pour l’essentiel sur un siècle, entre 1040 et 1140. Parmi les 63 établissements répertoriés, 25 permettent une connaissance précise du moment de leur apparition (toute précaution prise avec la notion de fondation), 16 laissent place à une évaluation de ce moment dans une fourchette d’une dizaine à une vingtaine d’années et 22 ne sont datables qu...

Qui sont les fondateurs des prieurés ? Le cas de Bazougers montre que la fondation n’est pas, comme le suggérait C. Vincent dans son étude de la confrérie locale, une simple fondation d’initiative monastique plutôt que seigneuriale : elle résulte d’une association plus complexe, qui concrétise plusieurs intentions, plus ou moins complémentaires : celles des moines, bien sûr, mais aussi celle des laïcs qui les soutiennent, au moins matériel Les fondateurs réguliers Le premier groupe de fondate...

La vague de fondations prieurales qui se développe à partir du milieu du XIe siècle met en œuvre un mécanisme complexe. Le cas d’étude basilgéen laisse entrevoir la réalité prieurale à la fin du XIe siècle et permet de réaliser la complexité d’un mécanisme fondateur destiné à installer localement, auprès de l’église locale, une communauté viable de quelques religieux détachés de l’abbaye-mère ou recrutés dans le voisinage. Longuement préparé, la fondation résulte de la rencontre des intérêts ...

Le récit de la fondation du prieuré de Bazougers est exemplaire, à plus d’un titre, de la complexité du mécanisme et de son aspect prospectif : il ouvre à toutes les questions qui animeront plus largement notre réflexion sur la fonction des prieurés : qui sont les fondateurs ? Quels projets spécifiques les animent ? En quoi les prieurés permettent-ils de satisfaire ces intentions ? Quels sont les constituants élémentaires permettant leur devenir ? Notre cas d’étude s’efforcera de montrer en q...

De la fin du Xe siècle au milieu du XIe siècle : les fondations prieurales anciennes Les éléments qui précèdent ont largement anticipé le propos de cette conclusion générale en posant le cadre chronologique que cette histoire des prieurés du Bas-Maine a tenté de mettre en évidence. À cet égard, à la fin du Xe siècle, de premiers établissements, pré-prieuraux, se mettent en place. Ils s’inscrivent dans le cadre idéologique du condominium entre clercs et laïcs, lequel implique l’action fondatri...

Le principal résultat du cycle donateur qui s’amorce au milieu du XIe siècle est évidemment la constitution de seigneuries prieurales. Les moines construisent ce « milieu de vie » en déployant une activité importante, complétant les dons par une politique d’acquisition, par achat ou par échange, qui débute dès la période de fondation des prieurés. L’analyse catégorielle de la composition de ces patrimoines prieuraux constitue le préalable indispensable à la compréhension du processus de déloc...

L’exemple basilgéen nous a montré avec précisions les mécanismes à l’œuvre dans ce que l’on nomme, par commodité, la fondation d’un établissement monastique. La problématique fondatrice n’a que rarement suscité d’étude pour elle-même. J. Hourlier, par exemple, dans sa grande étude des Institutions de l’Église en Occident, ne recourt guère au terme. Évoquant l’apparition des maisons religieuses, il parle d’« établissement » ou de « dotation des bien-fonds »., insistant spécialement sur la dime...

Signe des temps, dans la dernière décennie du XIXe siècle et la première du siècle suivant, alors qu’en France semble s’établir un consensus national autour de l’idée coloniale et que s’engage une véritable « course aux clochers » sur fond d’anglophobie, la Société de géographie annonce en 1895 par l’intermédiaire de son président, C. Maunoir, la fin des découvertes considérables et des victoires héroïques sur l’inexploré. Pour celui-ci, le temps est venu d’un travail méthodique et rigoureux ...

Épilogue Avec le Front populaire, se met en place une véritable politique nationale des loisirs. La loi sur les congés payés, votée à la chambre le 11 juin 1936, accorde aux salariés, pour un an de services continus, douze jours ouvrables, auxquels s’ajoutent les trois dimanches et les jours fériés. Les caisses d’associations familiales, municipalités, ministères, comités d’entreprises et mutuelles organisent désormais des colonies et des camps de vacances destinés à lutter contre les miasmes...

Il m’a semblé utile d’adopter le néologisme de « sportivisation » à propos de l’aventure féminine de l’entre-deux-guerres, pour souligner les enjeux sociaux qui traversent désormais sa pratique, mais aussi pour indiquer les dynamiques d’appropriation par l’ensemble de la société française de ses valeurs prétendument pédagogiques. C’est dans cette optique que j’ai choisi de suivre, dans les chapitres précédents, Alexandra David-Néel et Odette du Puigaudeau, car, l’une comme l’autre, sans le vo...

Adèle Hommaire de Hell (1819-1883) Éléments biographiques Jeanne-Louise Adelaïde Heriot est née en 1819 en Artois. Après le décès de sa mère peu de temps après sa naissance, elle est confiée aux soins de sa sœur aînée. La famille déménage souvent pour suivre le père salarié de l’instruction publique. Les biographes de l’époque évoquent la nature et l’humeur nomade de cette figure paternelle pour expliquer a posteriori la vocation voyageuse de sa fille Adèle. Ils vont ainsi vivre en Franche-Co...

En comparant la place faite à certains périples ou exploits féminins (nous pensons par exemple à Henriette d’Angeville) dans la presse, dans les sociétés savantes ou dans les recueils biographiques de femmes célèbres, on remarque aisément la surexposition « médiatique » de quelques figures du voyage lointain féminin et la totale transparence d’autres. Ida Pfeiffer, Mme Godin des Odonais, Léonie d’Aunet semblent ainsi avoir marqué l’imaginaire des observateurs de l’époque, tandis qu’Olympe Aud...

Les profonds bouleversements économiques, politiques et culturels de la période dite de la Belle Époque expliquent en partie les changements qui s’opèrent dans la pratique du voyage lointain féminin, mais aussi dans les discours qui lui sont associés. Le terme d’exploratrice qui se généralise pour décrire le voyage lointain féminin est ainsi révélateur d’une époque donnée. En février 1899 pour le journal La Fronde, Mme Hagen en donne une définition : « Je réserve le titre d’exploratrice à cel...

Dans le sillage des Anglais, la France connaît, durant la période dite de la Belle Époque, une reprise, puis un développement spectaculaire de sa croissance industrielle. Toute une série d’objets, de produits manufacturés et de services facilitent, entre autres, l’organisation par une logistique plus légère, les déplacements lointains. Boîtes de conserves en fer, lits de camps, matériel de camping, lignes régulières, maritimes ou ferroviaires, matériel photographique, accessoires utiles, info...

J’ai choisi de m’intéresser au périple en Mauritanie d’Odette du Puigaudeau (1894-1991) et Marcelle Borne-Kreutzberger (dite Marion Sénones) (1886-1977) car il présente d’abord la particularité d’avoir été effectué en 1933, en couple, par des femmes dans la force de l’âge (47 ans pour Marion Sénones, 39 ans pour Odette du Puigaudeau). Elles illustrent en quelque sorte ce nouveau compagnonnage féminin sur les routes du monde et des océans. L’équipage du voilier la Bonita qui navigue en Méditer...