Galsomies, Laurence, Dupouey, Jean-Luc, Rose, Christophe, Bailly, Raphaël, Behr, Patrick, Ponton, Stéphane, Weitner, Anny, Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME), Ecologie et Ecophysiologie Forestières [devient SILVA en 2018] (EEF), Institut National de la Recherche Agronomique (INRA)-Université de Lorraine (UL), Interactions Arbres-Microorganismes (IAM), and Commanditaire : Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (France)
La dendrochimie pourrait potentiellement fournir des bio-indicateurs intéressants des variations spatiales ou temporelles de l’environnement : variations de l’acidité des sols, des dépôts de métaux lourds… De nombreux obstacles restent cependant à franchir avant de pouvoir mettre au point de tels bio-indicateurs. En particulier, les méthodes d’analyses chimiques classiques sont lourdes et limitent le nombre d’échantillons analysés. Les objectifs de ce travail étaient (1) de mettre au point de nouvelles méthodes, non destructives, d’analyse élémentaire du contenu des cernes des arbres, basées sur la micro-analyse EDS sous microscope électronique à balayage, et de les appliquer à deux questions majeures de la dendrochimie : (2) les variations spatiales de l’acidité des sols sont-elles reflétées dans les variations de la composition des cernes des arbres et (3) les variations temporelles de l’acidité des sols sont-elles, elles aussi, reflétées dans les variations de la composition du bois ? Seules les questions (1) et (2) ont pu être traitées au cours du contrat. Les différences du contenu minéral des cernes annuels de hêtre (Fagus sylvatica L.) ont été étudiées dans deux types de sols dans le réseau d’observation HNE (hêtraies du nord est de la France). Six placettes se situaient sur des sols acides et six placettes sur des sols calcaires. Trois arbres dominants ont été carottés dans chacune des douze placettes. La microanalyse des concentrations a été effectuée avec un spectromètre à dispersion d’énergie (EDS) couplé à un microscope électronique à balayage à pression variable (LV SEM). Les analyses ont été effectuées sur : douze placettes, trois arbres par placettes, une carotte par arbre, deux périodes par carotte correspondant à dix cernes dans le duramen et dix cernes dans l’aubier, trois zones dans le bois initial de chaque cerne. Chaque zone a été analysée deux fois. Onze éléments ont pu être détectés dans le bois de hêtre, en plus du carbone et de l’oxygène : Al, Ca, Cl, Fe, K, Mg, Mn, Na, P, S, Si. La répétabilité analytique était excellente pour Ca et K à l’échelle du spot de mesure (600 x 750 μm). Nous avons observé des différences de concentrations dans les cernes annuels entre les placettes acides et calcaires. Les cernes annuels des arbres de placettes calcaires ont des concentrations plus élevées en Ca et plus faibles en Mn que les cernes d’arbre de placettes acides. Ces différences sont représentatives de la richesse en nutriment du sol et plus particulièrement du taux de saturation et du pH de l’horizon A1 du sol. Le rapport Ca/Mn du bois apparaît ainsi comme un très bon indicateur spatial de l’acidité du sol. Nous avons aussi analysé la concentration en éléments minéraux dans l’écorce. Les différences de concentrations entre types de sols étaient encore plus importantes dans l’écorce que dans le bois. Ces résultats mettent en évidence la capacité de la méthode SEM/EDS de mesurer des différences de concentrations en Ca et Mn sur des types de sols dont l’acidité diffère. Nous montrons aussi que le statut nutritif des arbres est reflété dans le bois et, encore plus nettement, dans l’écorce. La composition chimique de l’écorce et son rapport Ca/Mn en particulier sont donc, en spatial, un bio-indicateur potentiellement très intéressant des variations d’acidité du sol. Il reste à poursuivre ces recherches dans le but d’étudier la valeur indicatrice des variations de composition du bois vis-à-vis des variations temporelles de la chimie des sols.