Bach-Bunner, M., Lacourreye, L., Thouveny, F., Lebigot, J., Rouleau, F., Boursier, J., Urbanski, G., and Lavigne, C.
Introduction La maladie de Rendu-Osler (MRO) ou télangiectasie hémorragique héréditaire est une pathologie autosomique dominante à l’origine de multiples complications, notamment hémorragiques, pouvant être responsables d’une anémie. Nous avons voulu rechercher la prévalence de l’anémie et les facteurs associés à celle-ci. Patients et méthodes Étaient inclus tous les patients suivis au sein du centre de compétences de notre CHU entre janvier 2012 et juillet 2017 pour une MRO, confirmée génétiquement et/ou par les critères de Curaçao. L’anémie était définie par la présence d’une hémoglobine inférieure à 12,5 g/dL pour les femmes et inférieure à 13,5 g/dL pour les hommes. L’association aux variables suivantes a été étudiée : sexe, type de mutation génétique, âge au diagnostic, âge à l’inclusion, présence d’épistaxis récidivantes, âge de début, ancienneté et fréquence des épistaxis, numération plaquettaire, ferritinémie, présence de saignements digestifs ou gynécologiques, présence de malformation artério-veineuse et leur localisation (pulmonaire, hépatique, digestive, cérébrales, spinales, télangiectasies), survenue de complication (AVC, évènement thromboembolique veineux, HTAP, hyperdébit cardiaque, insuffisance cardiaque à débit élevé, hypertension portale, cholestase, abcès cérébraux, migraines), prise d’un traitement anticoagulant ou antiagrégant, la réalisation de sclérothérapie endonasale, présence d’une supplémentation martiale per os ou intraveineuse. Résultats Quatre-vingt-deux patients dont 54 femmes (65,9 %), d’âge médian de 50,66 [14–92] ont été inclus. Quarante-six patients (65,7 %) avaient une mutation du gène ALK1 et dix-huit (25,7 %) une mutation du gène de l’endogline. La prévalence de l’anémie était de 53,7 %. Les patients anémiés étaient plus âgés ( p < 0,0001), avaient un diagnostic plus tardif ( p = 0,011) et avaient plus souvent des épistaxis récidivantes ( p = 0,04) et plus anciennes ( p = 0,01). Il n’était pas retrouvé de différence selon l’âge de début des épistaxis ou selon la mutation. Les patients avec une anémie présentaient plus souvent des saignements digestifs ( p = 0,024), une malformation artério-veineuse hépatique ( p = 0,044) et un hyperdébit cardiaque ( p = 0,031). La ferritinémie était diminuée en moyenne de 42 μg/L dans le groupe anémie ( p = 0,008 ; IC95 % [−73 à −11]). Ils bénéficiaient plus souvent d’une supplémentation martiale per os ( p = 0,004) ou IV ( p < 0,0001), d’un traitement anticoagulant ou antiagrégant ( p = 0,035) et d’une sclérothérapie endonasale ( p = 0,003). Discussion Il existe un biais important pour l’association retrouvée entre présence d’anémie et hyperdébit cardiaque au cours de la MRO, en effet l’estimation du débit cardiaque à l’échographie cardiaque est fonction de la fréquence cardiaque qui est fréquemment augmentée à l’occasion d’une anémie. De ce fait, un hyperdébit cardiaque peut être mis en évidence à l’occasion d’une anémie, de façon indépendante à la MRO. L’association entre anémie et la présence d’épistaxis récidivantes était attendue, mais pas l’association avec la présence de malformation artério-veineuse hépatique. Cela pourrait suggérer une corrélation entre l’évolution de l’angiomatose au niveau de la microcirculation (télangiectasies nasales) et de la macrocirculation. La méthodologie de notre étude ne permet cependant pas de conclure et encourage à la réalisation d’autres études pour avancer dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques dans la MRO. Conclusion L’anémie concerne près d’un patient MRO sur deux et est plus fréquente avec l’âge et en présence de malformations artério-veineuses hépatiques. Ce travail souligne l’importance du dépistage et du suivi de l’anémie dans cette population. Un dépistage et un traitement précoce de la maladie pourraient améliorer de façon significative la qualité de vie des patients. [ABSTRACT FROM AUTHOR]